Carnets du Business


           

Bull, synthèse réussie d’un héritage technologique

Etude de cas




Vendredi 12 Décembre 2014




2. Stratégie des moyens

2.1. « Extreme computing » : la vitrine de l’informatique
 
Les supercalculateurs sont à l’informatique ce que la F1 est à l’automobile : la synthèse des plus grandes performances possibles et de la haute technologie. Les supercalculateurs pratiquent ce que l’on appelle pudiquement le « calcul haute performance » ou plus communément High Performance Calcul (HPC), dans son acception anglo-saxonne. Inconnus du grand public, qui n’en aurait pas l’utilité, ils deviennent une nécessité pour les entreprises ou les administrations amenées à traiter de très grands volumes de données très rapidement. De Météo France à la simulation nucléaire, en passant par les universités, les compagnies pétrolières ou encore les assurances, les besoins en supercalculateurs croissent de manière exponentielle.
 
Compte tenu de son expertise en traitement de l’information numérique, entretenue depuis les années 1930, et de ses compétences dans les serveurs d’entreprises à haute performance, Bull décide d’entrer sur le marché des supercalculateurs en 2006, avec une offre atypique. En quelques années, ses solutions sur base de modules de serveurs et de logiciels Open-Source l’ont positionné comme le premier acteur européen en la matière. La France compte ainsi parmi les quatre nations au monde ayant les capacités de construire des supercalculateurs, les autres étant la Chine, le Japon et les Etats-Unis. Après l’affaire Snowden, et compte tenu des réticences qu’inspire encore la Chine, la France apparait comme un partenaire de choix, alliant capacités industrielles et solutions de sécurité indépendantes des fournisseurs américains.
 
C’est une des raisons pour lesquelles le Brésil vient d’ailleurs de se doter de supercalculateurs pétaflopique (atteignant les millions de milliards d’opérations par seconde) auprès de Bull. L’originalité de Bull tient aussi à l’intégration des aspects énergétiques dans la conception de ses supercalculateurs : alors que traditionnellement, le calcul intensif est très vorace en capacités énergétiques (alimentation et refroidissement notamment), Bull a développé au sein de sa gamme BullX des produits dits éco-efficaces, classés 5ème au sein du classement Green500, qui évalue l’éco-efficacité des supercalculateurs. En faisant appel à Bull et à la France, le Brésil vient de rejoindre le club fermé des dix pays avec des capacités en calcul intensif. Le Brésil peut ainsi prétendre se positionner sur la prochaine révolution numérique : Cloud et Big Data.
 
2.2. Cloud, Big Data et internet 3.0 : souveraineté numérique et cybersécurité
 
« Nous avons développé des expertises et ciblé des différenciateurs dans trois domaines que nous estimons majeurs : maîtrise des systèmes de calculs complexes et des grosses infrastructures, maîtrise des intégrations logicielles et maîtrise de la sécurité. […] Les supercalculateurs sont l'un des trois piliers nécessaires pour disposer d'une offre d'information et services fiable et crédible. Sur ces trois piliers, beaucoup de nos concurrents ont une expertise, certains peuvent en avoir deux mais des entreprises qui maîtrisent les trois expertises absolument nécessaires pour occuper le marché du Cloud, je n'en connais pas beaucoup », expliquait en janvier 2014 Philippe Vannier. Suivant cette logique, l’objectif de Bull est connu : se positionner comme l’acteur européen de référence en matière de solutions de Cloud Computing.
 
Maintenant que commencent à être levés les doutes qui pouvaient subsister sur la viabilité des solutions Cloud, les entreprises ont de plus en plus recours à la délocalisation virtuelle du stockage de données. Premier avantage substantielle pour le client, « le Cloud permet aux clients de ne payer qu'en fonction de leur consommation. Toute l'infrastructure et la gestion ont été transférées à des entreprises tierces, qui doivent maîtriser les trois piliers que j'ai déjà évoqués », poursuit le PDG de Bull. Autre avantage, d’ordre opérationnel cette fois, le Cloud permet de sécuriser un patrimoine immatériel, à l’abri des incendies et autres catastrophes naturelles ou non, mais aussi des intrusions physiques, du piratage des serveurs… Des structures étatiques sont parfois à la manœuvre : « [l’affaire Snowden] est finalement un atout pour une migration vers le Cloud. Avec l'expertise reconnue de Bull dans le domaine des infrastructures de calcul, des intégrations de logiciels complexes et de la sécurité, nous offrons un système plus sûr à un client que s'il gardait son IT chez lui. Le Cloud va lui permettre d'avoir un système plus sûr », résume Philippe Vannier.
 
Car les enjeux qui se profilent derrière le Cloud ont de quoi intéresser les industriels et les organisations de tous types. Avec le Cloud peut débuter l’ère des objets connectés, l’Internet 3.0. « Avec des objets connectés, les marques se positionnent dans la dernière brique, au plus près des consommateurs. Ce qui permet de segmenter plus uniquement à partir de critères sociodémographiques, mais sur la base de facteurs totalement quantifiables et personnalisables. C'est du CRM one to one qui va encore plus loin que ce qui a été bâti avec le mobile », explique Alban Clochet, du cabinet Labcity. Première conséquence prévisible : le volume de données généré va exploser dans la décennie à venir, raison de plus pour investir sur le créneau des supercalculateurs. L’ère du Big Data commence : de 2013 à 2020, les estimations du cabinet IDC, réalisées pour le spécialiste américian du stockage EMC, tablent sur une multiplication du volume de données par 10, pour atteindre 44 zéttaoctets (44 000 milliards de Go). Tout le monde espère profiter de cette corne d’abondance de données, d’autant plus que l’internet des objets va générer beaucoup plus de données exploitables qu’auparavant. Selon le rapport du cabinet IDC, « en 2013, seules 22% des données numériques étaient exploitables et 5% seulement d'entre elles ont été analysées, laissant un vaste trou noir dans l'univers numérique. L'expansion de l'Internet des objets devrait porter à 35% la proportion des données exploitables. »
 
Pour répondre à ce défi, chez Bull comme chez la plupart des grandes sociétés concernées, l’heure est aux manœuvres de regroupement, parce que seuls ceux qui auront atteint une taille critique suffisante pourront s’imposer sur ce marché. Si selon cette logique Bull a su s’attirer les faveurs d’Atos, c’est non seulement en raison de ses compétences techniques globales, particulièrement en cybersécurité, mais aussi grâce à sa capacité à fournir des solutions intégrales de Cloud souverain.

Elisabeth Reault




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