De tels systèmes de stockage peuvent-ils se substituer aux réseaux énergétiques déjà établis, voire pallier leur absence, notamment dans les contextes les plus extrêmes ou celui des PVD ?
C’est effectivement possible, et ces bouleversements ont déjà commencé. Avec des batteries intelligentes, on peut sans aucun doute dépasser les 50 % voire 60 % de contribution des énergies vertes au mix électrique. On va peut-être assister en parallèle à l’émergence de communautés énergétiques quasi-autonomes, avec leurs propres moyens de production et de stockage. Le marché du stockage stationnaire est en croissance constante. Il s’agit donc pour les professionnels comme nous de gérer les attentes, de trouver le « Graal » du stockage, c’est-à-dire une solution durable (10 ans !), fiable et très accessible. En termes de déploiement, nous n’en sommes encore qu’au démarrage : le gros du marché reste à venir.
Peut-on réellement imaginer une communauté 100 % autonome ?
Aujourd’hui, avoir un système complètement indépendant et autonome est techniquement tout à fait possible mais s’avère difficile à mettre en œuvre sur le plan économique. Surtout avec un prix de 13 centimes du kWatt, comme en France. Dans nombre d’autres pays, comme aux USA, en Australie, au Chili, en Afrique du Sud, c’est déjà réalisable. Les solutions de stockage d’énergie seront aussi très intéressantes dans des contextes extrêmes où le maillage du réseau est déficient, comme dans beaucoup de pays du Moyen-Orient (Liban, Egypte) qui souffrent de plusieurs heures de coupures par jour. Malheureusement, dans ces pays, c’est encore la solution « batteries au plomb + générateurs au fioul » qui reste à ce jour plébiscitée. Le lithium est encore jugé trop onéreux par les PVD. Pourtant, si elle est certes deux fois plus chère à l’achat, elle aura une durée de vie au moins trois fois supérieure, voire beaucoup plus.
L’émergence de telles économies connectées impliquent nécessairement une fiabilité à toute épreuve. Comment la garantir ?
La question de la fiabilité existe pour le fioul, le charbon ou le nucléaire. Les batteries au lithium n’échappent donc pas à ces exigences. Si pour l’immense majorité elles sont fiables et durent longtemps, encore faut-il les concevoir, les intégrer et les dimensionner de la bonne manière. Ce qui constitue un enjeu aujourd’hui n’est donc pas forcément la technologie, mais la manière dont elle est utilisée. Une sécurité à toute épreuve impose des procédés très rigoureux. Il faut notamment être très vigilant face au risque d’emballement thermique. Une technologie mal pensée ou mal dimensionnée, c’est une technologie contraignante à installer voire inutilisable. Généralement nos clients viennent nous consulter après avoir été confrontés à des problèmes de « boites noires » : ils ont acheté une batterie sans vraiment connaitre son électrochimie ni ses performances réelles.
Quels sont les secteurs où la question de la fiabilité est particulièrement prioritaire ? Comment travaillez-vous à la satisfaction de cet impératif ?
Effectivement il y a des secteurs où ces questions de fiabilité se posent particulièrement comme le secteur du transport et du médical. Notre positionnement en tant qu’expert électro-chimiste nous permet de fournir une réponse fiable, car pour réussir sur ce marché, il faut être électro-chimiste, même sans forcément être fabricant. C’est le seul moyen de garantir la fiabilité et la sécurité des batteries. Cela passe aussi par une R&D intensive et des capacités d’adaptation constantes à un marché très technologique et en perpétuelle évolution. Nous avons la chance d’avoir nos propres laboratoires mais également de travailler avec la R&D du groupe EDF, notre investisseur de référence au travers du fonds de croissance Electranova. Ce partenariat nous permet de rentrer dans le détail du lithium pour « faire parler » les batteries et garantir leur fiabilité et leurs performances à termes. Nous analysons et testons beaucoup d’électrochimies disponibles sur le marché. Cela nous permet d’être à l’affût des innovations et de répondre à des besoins très différents, en termes de puissance, de durée de vie, d’usage ou d’environnement.
Les batteries ne sont pas sans risque (risque incendie, chimique…). Le particulier ou l’entreprise peuvent-ils avoir pleinement confiance en ces nouveaux systèmes ?
Les exigences du transport, très règlementé car on y trouve forcément des usagers, se retrouvent dans la fiabilité de tous nos produits. Notre expérience nous permet d’avoir le bon niveau d’expertise. Nous avons notamment appris à concevoir des batteries capables de résister à un écrasement et à une perforation, ou encore de rester étanches en cas d’accident, par exemple.
Sur ces questions de sécurité, la confiance est primordiale. Il faut travailler avec des grands noms du secteur ou avec des professionnels qui disposent évidemment de compétences en électrochimie mais pas forcément en systèmes. La vigilance est donc de mise : aller chercher une batterie toujours moins cher n’est probablement pas une solution. Nous fabriquons, testons, intégrons en France afin d’intégrer l’impératif de sécurité dès le début du cycle de vie de la batterie. Il s’agit de garantir une proposition technique sérieuse et non de faire des réductions de coûts de quelques pourcents au détriment de la sécurité. Mais des progrès restent toujours possibles, comme de rendre obligatoire les tests indépendants pour le stockage stationnaire.
Sur ces questions de sécurité, la confiance est primordiale. Il faut travailler avec des grands noms du secteur ou avec des professionnels qui disposent évidemment de compétences en électrochimie mais pas forcément en systèmes. La vigilance est donc de mise : aller chercher une batterie toujours moins cher n’est probablement pas une solution. Nous fabriquons, testons, intégrons en France afin d’intégrer l’impératif de sécurité dès le début du cycle de vie de la batterie. Il s’agit de garantir une proposition technique sérieuse et non de faire des réductions de coûts de quelques pourcents au détriment de la sécurité. Mais des progrès restent toujours possibles, comme de rendre obligatoire les tests indépendants pour le stockage stationnaire.
Les progrès ont été particulièrement impressionnants ces dernières années. A l’avenir, quels sont les défis qui restent à relever ?
La sécurité est une condition sine qua non pour avancer. Ainsi, le principal défi est à mon sens de définir l’environnement juridique du stockage de l’énergie. Mais l’autre problématique du secteur est celle de la baisse des coûts : le prix des batteries au lithium baisse mais pour devenir une solution accessible à tous, il faut que cette baisse s’accentue encore. Les leviers de cette baisse seront les économies d’échelle. On le voit bien avec la cellule cylindrique, produite par les grands du secteur en milliards d’unités, et qui a permis des économies d’échelle importantes. Baisser les coûts, c’est également trouver le format adéquat à la production des batteries et réfléchir à l’ensemble de la palette de réponses techniques fournies par le lithium. Les usines se mettent en place et la surcapacité est déjà réelle. C’est un cercle vertueux, qui pourra probablement se comparer un jour à la baisse des solutions photovoltaïques.
Nous attendons d’importants taux de croissance sur un marché qui en est encore à ses premiers pas. Cela implique encore pour nous de participer à un certain nombre de projets pilotes. Car les solutions de stockage répondent aux défis de l’autoconsommation et de l’intégration des ENR, de façon à les rendre, à terme, réellement compétitives. Les solutions de stockage sont parties prenantes d’une approche systémique de la transition écologique.
Nous attendons d’importants taux de croissance sur un marché qui en est encore à ses premiers pas. Cela implique encore pour nous de participer à un certain nombre de projets pilotes. Car les solutions de stockage répondent aux défis de l’autoconsommation et de l’intégration des ENR, de façon à les rendre, à terme, réellement compétitives. Les solutions de stockage sont parties prenantes d’une approche systémique de la transition écologique.
Gilles Ramzeyer est Directeur de la division stockage d'énergie pour FORSEE POWER depuis avril 2013. Il est titulaire d'un MBA, obtenu auprès de la New York University (Stern School of Business). Il a été précédemment en poste au sein d'ALCATEL (10 ans) en tant que Directeur Europe en charge de la division Réseaux Optiques, basé en France (3 ans), aux USA (5 ans) puis en Espagne (2 ans). Il a également exercé de 2008 à 2012 les fonctions de Directeur en charge des réseaux de distribution Europe puis au niveau mondial pour REC Solar, fabricant intégré de polysilicone, cellules et panneaux solaires.