D'un côté, une terre aride aux confins de la péninsule arabique, grande comme l’Ile-de-France, balayée par des masses anticycloniques omniprésentes. Bordé par le Golfe Persique dont la profondeur des eaux n'excède pas 100 mètres, le Qatar est bien résolu à dompter un environnement naturel hostile, à l’encontre de toute forme de fatalité climatique.
De l'autre, une multinationale de l'énergie bien décidée à laver son honneur des incidents écologiques du passé, sans compromettre pour autant une performance opérationnelle qui la hisse au premier rang mondial du secteur des hydrocarbures.
A mi-chemin entre ces deux bonnes raisons d’être exigeant, un trait d’union technologique –Pearl GTL - qui esquisse une volonté commune : celle de tirer parti d’un stock de ressources naturelles monumental dont on estime encore mal l’étendue, le gaz naturel.
De l'autre, une multinationale de l'énergie bien décidée à laver son honneur des incidents écologiques du passé, sans compromettre pour autant une performance opérationnelle qui la hisse au premier rang mondial du secteur des hydrocarbures.
A mi-chemin entre ces deux bonnes raisons d’être exigeant, un trait d’union technologique –Pearl GTL - qui esquisse une volonté commune : celle de tirer parti d’un stock de ressources naturelles monumental dont on estime encore mal l’étendue, le gaz naturel.
Petit, mais puissant.
La construction de Pearl GTL, en 2010 / Photo: Shell
L’exploitation du gaz naturel est donc une manne providentielle pour les pays producteurs, à condition de savoir l’optimiser. Cette optimisation est notamment soumise à deux contraintes.
La première est concurrentielle : en s’équipant de technologies d’extraction et de traitement suffisamment avancées pour faire pâlir de jalousie ses voisins producteurs d’hydrocarbures, le Qatar – petit émirat de 160 km de long sur 80 km de large ! – entend bien damer le pion aux géants russe et iranien dans la course à l’armement énergétique. Les observateurs estiment qu’à eux seuls, ces trois pays détiennent plus de la moitié des réserves mondiales de gaz naturel. Et les enjeux sont de taille pour le Qatar, cette nation d’un bon million et demi d’habitants : si le gaz naturel est bien connu de tous pour ses usages domestiques tels que le chauffage, l’éventail de ses usages industriels est généralement mésestimé. Production d’électricité en co- ou en tri-génération, fabrication d’engrais, de résines, de plastiques, de solvants... comptent en effet parmi ceux-là. Que de chemin parcouru en si peu de temps, pour ce petit pays qui jusque dans les années 1940 vivait de la pêche et de la production de perles de culture, et qui ambitionne désormais de devenir le premier exportateur mondial de gaz naturel !
La seconde contrainte est d’ordre environnemental : d’abord parce qu’on connaît la propension des énergéticiens à s’engager en faveur d’une exploitation plus durable des énergies fossiles. Mais surtout parce que le Qatar affronte un défi climatique majeur : celui de couvrir 70% de ses besoins alimentaires à l’horizon 2023 grâce à une stratégie agricole volontariste. Le challenge est osé pour le Qatar, qui importe 90% de ses besoins alimentaires et dont la surface cultivable n’excède pas 6% du territoire. Et la clé de sa réussite, c’est l’optimisation de ses ressources en eau, grâce aux technologies de dessalement et de traitement des eaux usées. Quel lien avec le gaz naturel et la présence de Shell au Qatar?, vous demanderez-vous. L’eau est un fluide essentiel à l’extraction et au traitement du gaz naturel. Or, un pays en train d’épuiser ses nappes aquifères ne peut s’offrir le luxe de gaspiller une telle ressource. Au Qatar, les températures estivales culminent à plus de 50°C ; largement de quoi faire évaporer les quelques 80mm de pluie qui arrosent modestement le pays chaque année...
La première est concurrentielle : en s’équipant de technologies d’extraction et de traitement suffisamment avancées pour faire pâlir de jalousie ses voisins producteurs d’hydrocarbures, le Qatar – petit émirat de 160 km de long sur 80 km de large ! – entend bien damer le pion aux géants russe et iranien dans la course à l’armement énergétique. Les observateurs estiment qu’à eux seuls, ces trois pays détiennent plus de la moitié des réserves mondiales de gaz naturel. Et les enjeux sont de taille pour le Qatar, cette nation d’un bon million et demi d’habitants : si le gaz naturel est bien connu de tous pour ses usages domestiques tels que le chauffage, l’éventail de ses usages industriels est généralement mésestimé. Production d’électricité en co- ou en tri-génération, fabrication d’engrais, de résines, de plastiques, de solvants... comptent en effet parmi ceux-là. Que de chemin parcouru en si peu de temps, pour ce petit pays qui jusque dans les années 1940 vivait de la pêche et de la production de perles de culture, et qui ambitionne désormais de devenir le premier exportateur mondial de gaz naturel !
La seconde contrainte est d’ordre environnemental : d’abord parce qu’on connaît la propension des énergéticiens à s’engager en faveur d’une exploitation plus durable des énergies fossiles. Mais surtout parce que le Qatar affronte un défi climatique majeur : celui de couvrir 70% de ses besoins alimentaires à l’horizon 2023 grâce à une stratégie agricole volontariste. Le challenge est osé pour le Qatar, qui importe 90% de ses besoins alimentaires et dont la surface cultivable n’excède pas 6% du territoire. Et la clé de sa réussite, c’est l’optimisation de ses ressources en eau, grâce aux technologies de dessalement et de traitement des eaux usées. Quel lien avec le gaz naturel et la présence de Shell au Qatar?, vous demanderez-vous. L’eau est un fluide essentiel à l’extraction et au traitement du gaz naturel. Or, un pays en train d’épuiser ses nappes aquifères ne peut s’offrir le luxe de gaspiller une telle ressource. Au Qatar, les températures estivales culminent à plus de 50°C ; largement de quoi faire évaporer les quelques 80mm de pluie qui arrosent modestement le pays chaque année...
Pearl GTL, ou la démonstration de force d’un consortium technologique.
Pearl GTL, vu du ciel / Photo: Shell
Témoin de la fierté de l’émirat, et accessoirement de sa détermination à irradier le Moyen-Orient de son savoir-faire technologique en environnement extrême, le complexe d’exploitation du gaz naturel, Pearl GTL, conjugue ces deux aspects, concurrentiel et environnemental. En effet, il n’en fallait pas moins pour soutenir l’ambition du pays qui abrite la première bourse des matières énergétique du Moyen-Orient.
C’est à Ras Laffan, ville côtière située à 85 km au nord de Doha, la capitale du pays, que cette idée un peu folle germe en 2003. Il faut dire que cette région du Qatar, spécialisée dans la production de gaz naturel liquéfié, est un véritable incubateur technologique où rivalisent d’inventivité et d’excellence les principaux acteurs mondiaux du secteur de l’énergie. Parmi eux, évidemment, ExxonMobil, Total, ou encore l’électricien Suez, qui côtoient de grandes compagnies locales comme RasGas et QatarGas.
Au beau milieu de cet écosystème industriel où pleuvent les projets de co-entreprise, l’un d’entre eux est d’abord perçu comme une énième tentative mégalomaniaque d’asseoir sa suprématie technologique : il s’agit de bâtir Pearl GTL, la plus grande usine d’essence synthétique au monde. Mais les instigateurs du projet, Qatar Petroleum et Shell, ne l'entendent pas de la même oreille, persistent... et signent un accord de partage de production.
Celui-ci affiche la couleur : il s’agira pour Pearl GTL de convertir au quotidien plusieurs milliards de mètres cubes de gaz naturel en quelques 140,000 barils de pétrole, et 120,000 barils de pétrole en gaz naturel liquéfié et en éthane. Des chiffres qui donnent le vertige... Pour les atteindre, Shell et QP entreprennent de fédérer, autour de ce projet pharaonique, quelques-uns des champions sectoriels recensés à travers le monde, et de les faire travailler de concert sur le développement du complexe pétrochimique du futur. Par exemple, c’est l’italien Page Europa, spécialiste mondial de la sécurité maritime et portuaire qui est chargé d’intégrer un système de télécommunication à la fois onshore et offshore. Ainsi, chacun des défis technologiques lancés par ce projet trouve son challenger.
Reste à régler la question de l’eau, probablement la plus complexe. L’objectif fixé par Shell et QP ne laisse de place à aucun compromis : il s’agit d’optimiser la gestion du cycle de l’eau pour atteindre la performance opérationnelle de... zéro rejet liquide dans le milieu naturel. Et c’est valable aussi bien pour le traitement des effluents induits par la production de GTL, que pour le reste des eaux usées générées par ce complexe colossal. Une condition sine qua non à l’acceptabilité du projet par une population locale qui rêve de verdir le désert.
A ce jeu là, les prétendants ne se bousculent pas. Shell et QP ont donc naturellement sélectionné les moins intimidés : c’est le consortium mené par Veolia Eau qui s’y frotte. Il faut dire que l’opérateur français, présent au Moyen-Orient depuis longue date, est coutumier des enjeux industriels de l’eau. Depuis 1853, Veolia, au départ uniquement centré sur les métiers de production et de distribution d'eau, est aujourd'hui aussi l'expert des secteurs pétrochimique, énergétique et des biocarburants. Un savoir-faire tout indiqué pour Shell et QP qui véhiculent alors un discours empreint d’écologie industrielle qui ne laisse aucune place à l’approximation : « ZE-RO rejet !». On les attend au tournant. La division eau de Veolia a donc été investie de cette lourde responsabilité. Il en résulte la construction d’une unité d’épuration des effluents dont la capacité de traitement excède les 45,000 m3 par jour. Sa recette ? L’ultrafiltration, conjuguée à l’Osmose Inverse, ce procédé innovant imaginé par Veolia pour traiter des eaux parmi les plus saumâtres, grâce à des techniques d’évaporation et de cristallisation qui n’autorisent aucune fuite en ne produisant que des cristaux de sel. Ainsi, Shell tient sa promesse : la marque au coquillage minimise son empreinte écologique. Et le Qatar offre à ses concitoyens un nouvel emblème de la fierté nationale.
Etendard du savoir-faire de Shell, vitrine technologique pour le Qatar, Pearl GTL tourne à plein régime - et proprement !- depuis le début de cette année. Spécialiste du Moyen-Orient, Elie Elhadj écrivait que « la combinaison de l’argent et de l’eau peut faire fleurir le désert ». Elle est consubstantielle à ces projets pilotes, fruits de l’imagination de quelques précurseurs, qui ont un jour fait le pari de réinventer la vie dans le désert. Ce qui est certain, c’est que Pearl GTL, perle technologique du désert, apporte la preuve que l’homme peut dompter la nature, aussi ingrate soit-elle. Ce qui l’est moins, c’est que l’ensemble des pays du Golfe Persique ont aujourd’hui les moyens de s’offrir une tel niveau d’excellence opérationnelle. Mais qu’importe : la faisabilité de l’impensable a été démontrée. Une nouvelle page de l’histoire du Moyen-Orient est peut-être en train de s’écrire sous nos yeux, quand on sait les implications économiques et sociales de la gestion de l’eau. Irriguer le désert, prochain chantier technologique du Qatar ? Inch Allah !
T. M.
C’est à Ras Laffan, ville côtière située à 85 km au nord de Doha, la capitale du pays, que cette idée un peu folle germe en 2003. Il faut dire que cette région du Qatar, spécialisée dans la production de gaz naturel liquéfié, est un véritable incubateur technologique où rivalisent d’inventivité et d’excellence les principaux acteurs mondiaux du secteur de l’énergie. Parmi eux, évidemment, ExxonMobil, Total, ou encore l’électricien Suez, qui côtoient de grandes compagnies locales comme RasGas et QatarGas.
Au beau milieu de cet écosystème industriel où pleuvent les projets de co-entreprise, l’un d’entre eux est d’abord perçu comme une énième tentative mégalomaniaque d’asseoir sa suprématie technologique : il s’agit de bâtir Pearl GTL, la plus grande usine d’essence synthétique au monde. Mais les instigateurs du projet, Qatar Petroleum et Shell, ne l'entendent pas de la même oreille, persistent... et signent un accord de partage de production.
Celui-ci affiche la couleur : il s’agira pour Pearl GTL de convertir au quotidien plusieurs milliards de mètres cubes de gaz naturel en quelques 140,000 barils de pétrole, et 120,000 barils de pétrole en gaz naturel liquéfié et en éthane. Des chiffres qui donnent le vertige... Pour les atteindre, Shell et QP entreprennent de fédérer, autour de ce projet pharaonique, quelques-uns des champions sectoriels recensés à travers le monde, et de les faire travailler de concert sur le développement du complexe pétrochimique du futur. Par exemple, c’est l’italien Page Europa, spécialiste mondial de la sécurité maritime et portuaire qui est chargé d’intégrer un système de télécommunication à la fois onshore et offshore. Ainsi, chacun des défis technologiques lancés par ce projet trouve son challenger.
Reste à régler la question de l’eau, probablement la plus complexe. L’objectif fixé par Shell et QP ne laisse de place à aucun compromis : il s’agit d’optimiser la gestion du cycle de l’eau pour atteindre la performance opérationnelle de... zéro rejet liquide dans le milieu naturel. Et c’est valable aussi bien pour le traitement des effluents induits par la production de GTL, que pour le reste des eaux usées générées par ce complexe colossal. Une condition sine qua non à l’acceptabilité du projet par une population locale qui rêve de verdir le désert.
A ce jeu là, les prétendants ne se bousculent pas. Shell et QP ont donc naturellement sélectionné les moins intimidés : c’est le consortium mené par Veolia Eau qui s’y frotte. Il faut dire que l’opérateur français, présent au Moyen-Orient depuis longue date, est coutumier des enjeux industriels de l’eau. Depuis 1853, Veolia, au départ uniquement centré sur les métiers de production et de distribution d'eau, est aujourd'hui aussi l'expert des secteurs pétrochimique, énergétique et des biocarburants. Un savoir-faire tout indiqué pour Shell et QP qui véhiculent alors un discours empreint d’écologie industrielle qui ne laisse aucune place à l’approximation : « ZE-RO rejet !». On les attend au tournant. La division eau de Veolia a donc été investie de cette lourde responsabilité. Il en résulte la construction d’une unité d’épuration des effluents dont la capacité de traitement excède les 45,000 m3 par jour. Sa recette ? L’ultrafiltration, conjuguée à l’Osmose Inverse, ce procédé innovant imaginé par Veolia pour traiter des eaux parmi les plus saumâtres, grâce à des techniques d’évaporation et de cristallisation qui n’autorisent aucune fuite en ne produisant que des cristaux de sel. Ainsi, Shell tient sa promesse : la marque au coquillage minimise son empreinte écologique. Et le Qatar offre à ses concitoyens un nouvel emblème de la fierté nationale.
Etendard du savoir-faire de Shell, vitrine technologique pour le Qatar, Pearl GTL tourne à plein régime - et proprement !- depuis le début de cette année. Spécialiste du Moyen-Orient, Elie Elhadj écrivait que « la combinaison de l’argent et de l’eau peut faire fleurir le désert ». Elle est consubstantielle à ces projets pilotes, fruits de l’imagination de quelques précurseurs, qui ont un jour fait le pari de réinventer la vie dans le désert. Ce qui est certain, c’est que Pearl GTL, perle technologique du désert, apporte la preuve que l’homme peut dompter la nature, aussi ingrate soit-elle. Ce qui l’est moins, c’est que l’ensemble des pays du Golfe Persique ont aujourd’hui les moyens de s’offrir une tel niveau d’excellence opérationnelle. Mais qu’importe : la faisabilité de l’impensable a été démontrée. Une nouvelle page de l’histoire du Moyen-Orient est peut-être en train de s’écrire sous nos yeux, quand on sait les implications économiques et sociales de la gestion de l’eau. Irriguer le désert, prochain chantier technologique du Qatar ? Inch Allah !
T. M.