Une gestion de crise in medias res
Dans l’établissement « La Rossignole », en Aveyron, des photos et vidéos de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont été postées sur une conversation Messenger des soignants. Prises dans des positions humiliantes, et parfois dénudées, les victimes ont été l’objet de commentaires haineux et méprisants.
Dans un premier temps, la directrice, prévenue par un membre du personnel, a mené seule une enquête interne. Elle a toutefois prévenu le conseil d’administration, et l’établissement a porté plainte le 30 juillet. Onze salariés ont été sujets de l’enquête, soit un cinquième du personnel. Quatre salariés ont été licenciés, et deux autres ont été accusés de « maltraitance sur personne vulnérable », et mis sous surveillance.
La directrice de l’établissement a démissionné. En effet, elle dit vouloir créer l’occasion pour l’établissement de se renouveler. Pour cela, il fallait que les victimes soient entendues, et que la gestion de l’établissement soit remise en question. Si les familles lui ont apporté leur soutien, elle laisse toutefois à son successeur la tâche de redresser l’ehpad, après avoir géré l’essentiel de la crise.
Le 22 septembre 2020, elle a publié le communiqué suivant : « Le 3 août 2020, les salariés directement concernés ont été mis à pied. Ils ont été reçus le 12 août dans le cadre d’un entretien disciplinaire et ont été licenciés le 21 août 2020. Le 3 août, j’ai adressé à monsieur le Président de l’Association un rapport détaillé de 9 pages. Le 4 août, j’ai déposé une plainte auprès du Commissariat de Rodez. Le 06 août 2020, j’ai effectué un signalement auprès des autorités compétentes (ARS et Conseil Départemental). J’ai par ailleurs, le 4 septembre, organisé une réunion avec les familles des unités protégées et ai personnellement informé les familles présentes des faits découverts. »
Les failles dans la réponse apportée
Depuis, les plaintes des familles se succèdent. Celles-ci ont été prévenues très tardivement, puisque la direction a attendu plus d’un mois après la découverte des faits pour communiquer. Selon le président du conseil d’administration, cette attente est justifiée : loin de vouloir crier au scandale, il souhaitait fournir un cadre adéquat pour l’enquête des policiers, et apporter une réponse juste aux accusations.
Du point de vue des familles cependant, la priorité absolue de l’établissement aurait dû être les résidents et leur proches, et cacher des faits à valeur affective si importante ne fait que casser le lien de confiance. Globalement, les familles reprochent à l’établissement l’opacité de l’enquête et son manque de compassion.
Le communiqué de presse revêt un caractère très factuel, mais ne témoigne d’aucune émotion ou regret. Or, c’est sans doute la première chose qu’on aurait pu attendre de la direction. En effet, le caractère dépendant des résidents exacerbe les réactions de révolte. Si la réponse apportée voulait miser sur la discrétion, elle a rompu le lien de confiance avec les parties prenantes.
Les conséquences long terme de la crise : une sombre perspective pour l’établissement
Sur le plus long terme, la crise a entraîné de multiples démissions, et les employés comme les résidents redoutent désormais la fermeture complète de l’établissement. A total, plus de 20 salariés ont démissionné, sur un effectif de 55 avant la crise.
En rétrospective, les erreurs de communication témoignent d’une faible préparation à la gestion de crise. Aucune équipe n’a été mise en place en interne pour gérer l’affaire : c’est la directrice de l’établissement qui a pris seule les décisions, sous autorisation du conseil d’administration. La direction n’a pas réussi à taire l’affaire, et celle-ci a été couverte par de nombreux médias, de France 3 à La Dépêche.
Par ailleurs, le nom de l’établissement est désormais associé au scandale, ce qui rend les recrutements difficiles. Un établissement sans directrice, sans médecin coordinateur, et avec un manque de personnel soignant aussi important est loin d’être attrayant, et n’est certainement pas viable.
De son côté, le personnel restant travaille jusqu’à 12 heures par jour pour pallier ce manque et continue de prendre soin des 84 patients de l’établissement. Il se dit néanmoins épuisé, et souffre de voir sa réputation fortement ternie.
Enfin, tous les ingrédients d’une crise sont encore réunis : en période de pandémie, la question des maisons de retraites est au cœur d’un débat de société portant sur les conditions de vie et le bien-être des patients. Le contexte actuel exacerbe le scandale : alors que les familles sont encouragées à rester éloignées de leurs proches dépendants, la relation de confiance avec l’établissement de santé n’a jamais été plus importante.
Dans l’établissement « La Rossignole », en Aveyron, des photos et vidéos de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont été postées sur une conversation Messenger des soignants. Prises dans des positions humiliantes, et parfois dénudées, les victimes ont été l’objet de commentaires haineux et méprisants.
Dans un premier temps, la directrice, prévenue par un membre du personnel, a mené seule une enquête interne. Elle a toutefois prévenu le conseil d’administration, et l’établissement a porté plainte le 30 juillet. Onze salariés ont été sujets de l’enquête, soit un cinquième du personnel. Quatre salariés ont été licenciés, et deux autres ont été accusés de « maltraitance sur personne vulnérable », et mis sous surveillance.
La directrice de l’établissement a démissionné. En effet, elle dit vouloir créer l’occasion pour l’établissement de se renouveler. Pour cela, il fallait que les victimes soient entendues, et que la gestion de l’établissement soit remise en question. Si les familles lui ont apporté leur soutien, elle laisse toutefois à son successeur la tâche de redresser l’ehpad, après avoir géré l’essentiel de la crise.
Le 22 septembre 2020, elle a publié le communiqué suivant : « Le 3 août 2020, les salariés directement concernés ont été mis à pied. Ils ont été reçus le 12 août dans le cadre d’un entretien disciplinaire et ont été licenciés le 21 août 2020. Le 3 août, j’ai adressé à monsieur le Président de l’Association un rapport détaillé de 9 pages. Le 4 août, j’ai déposé une plainte auprès du Commissariat de Rodez. Le 06 août 2020, j’ai effectué un signalement auprès des autorités compétentes (ARS et Conseil Départemental). J’ai par ailleurs, le 4 septembre, organisé une réunion avec les familles des unités protégées et ai personnellement informé les familles présentes des faits découverts. »
Les failles dans la réponse apportée
Depuis, les plaintes des familles se succèdent. Celles-ci ont été prévenues très tardivement, puisque la direction a attendu plus d’un mois après la découverte des faits pour communiquer. Selon le président du conseil d’administration, cette attente est justifiée : loin de vouloir crier au scandale, il souhaitait fournir un cadre adéquat pour l’enquête des policiers, et apporter une réponse juste aux accusations.
Du point de vue des familles cependant, la priorité absolue de l’établissement aurait dû être les résidents et leur proches, et cacher des faits à valeur affective si importante ne fait que casser le lien de confiance. Globalement, les familles reprochent à l’établissement l’opacité de l’enquête et son manque de compassion.
Le communiqué de presse revêt un caractère très factuel, mais ne témoigne d’aucune émotion ou regret. Or, c’est sans doute la première chose qu’on aurait pu attendre de la direction. En effet, le caractère dépendant des résidents exacerbe les réactions de révolte. Si la réponse apportée voulait miser sur la discrétion, elle a rompu le lien de confiance avec les parties prenantes.
Les conséquences long terme de la crise : une sombre perspective pour l’établissement
Sur le plus long terme, la crise a entraîné de multiples démissions, et les employés comme les résidents redoutent désormais la fermeture complète de l’établissement. A total, plus de 20 salariés ont démissionné, sur un effectif de 55 avant la crise.
En rétrospective, les erreurs de communication témoignent d’une faible préparation à la gestion de crise. Aucune équipe n’a été mise en place en interne pour gérer l’affaire : c’est la directrice de l’établissement qui a pris seule les décisions, sous autorisation du conseil d’administration. La direction n’a pas réussi à taire l’affaire, et celle-ci a été couverte par de nombreux médias, de France 3 à La Dépêche.
Par ailleurs, le nom de l’établissement est désormais associé au scandale, ce qui rend les recrutements difficiles. Un établissement sans directrice, sans médecin coordinateur, et avec un manque de personnel soignant aussi important est loin d’être attrayant, et n’est certainement pas viable.
De son côté, le personnel restant travaille jusqu’à 12 heures par jour pour pallier ce manque et continue de prendre soin des 84 patients de l’établissement. Il se dit néanmoins épuisé, et souffre de voir sa réputation fortement ternie.
Enfin, tous les ingrédients d’une crise sont encore réunis : en période de pandémie, la question des maisons de retraites est au cœur d’un débat de société portant sur les conditions de vie et le bien-être des patients. Le contexte actuel exacerbe le scandale : alors que les familles sont encouragées à rester éloignées de leurs proches dépendants, la relation de confiance avec l’établissement de santé n’a jamais été plus importante.