« Longtemps on n’a pas cru que la croissance africaine serait durable. Mais l’immense majorité du continent a enregistré au cours des dernières années un taux de croissance de 5 % par an sur une longue période », souligne Lionel Zinsou, économiste, ex-cadre dirigeant de Danone, Rothschild, Paribas et ancien Premier Ministre du Bénin (2015-2016). « Cette croissance différentielle crée une grande curiosité d’Afrique et même un désir d’Afrique parmi les entreprises européennes. D’autant que d’autres puissances économiques comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie ou la Corée du Sud ont réalisé des progrès significatifs sur les marchés africains ».
En dix ans, l’Afrique s’est imposée comme un continent de croissance, d’investissement et d’attractivité. Au cours de la dernière décennie, les flux d’investissements étrangers ont été multipliés par cinq. Au-delà de dysfonctionnements conjoncturels, le plus souvent exogènes, liées notamment au ralentissement de la demande de matières premières chinoises, les fondamentaux de la croissance sont là : la population croît de 2,5 à 3 % par an et le revenu par tête s’accroît lui-même de 2 % par an. Une dynamique de consommation s’est installée et des classes moyennes émergent ; elles sont aujourd’hui estimées à 200 millions, soit un sixième de la population du continent.
Alors que la fécondité diminue, le moteur de la croissance démographique réside aujourd’hui dans l’éducation et la santé, qui sont des besoins solvables. D’ici trente ans, la population de l’Afrique aura doublé, passant à 2,4 milliards d’habitants, dont 60 % d’urbains. Parallèlement, l’Afrique est en passe de démontrer que sa production agricole est capable de suivre cette augmentation de population. Cette dynamique de consommation garantit des croissances importantes pour les biens de consommation et la construction. Les télécommunications se développent à grande vitesse et les fermes de serveurs se multiplient, tout comme les tours de téléphone, dont les revenus très prévisibles attirent les sociétés de private equity.
Une pression croissante sur les ressources
Mais ce développement démographique très rapide, cette croissance économique forte et cette urbanisation galopante posent à l’Afrique de nouveaux défis majeurs, et en particulier celui d’offrir aux populations le meilleur accès possible aux ressources tout en préservant l’environnement.
Pour la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique est à la croisée des chemins : elle a encore le choix entre un développement « à la chinoise », dont la facture environnementale serait très lourde, et un développement durable préservant ses immenses ressources naturelles. « Pour les pays africains, les problèmes écologiques restent avant tout des problèmes du Nord et la croissance verte est souvent perçue comme un moyen de mettre des freins à leur quête de prospérité », admet Simon Mizrahi, l’un des directeurs de l’institution, dans le quotidien Le Monde. « Il faut que les Africains rejoignent l’objectif du développement durable, pas simplement parce que c’est la volonté de leurs bailleurs, mais parce qu’il est de notre responsabilité de protéger nos écosystèmes ».
Selon le premier rapport sur l’empreinte écologique de l’Afrique, réalisé par la BAD en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature (WWF), le continent n’a pas encore franchi la ligne rouge et ne vit pas encore « à crédit » en consommant ses ressources plus rapidement qu’elles ne sont capables de se reconstituer. Mais au rythme actuel, ce n’est qu’une question d’années. En quarante ans, la biocapacité de l’Afrique a déjà fondu de 40 % et le rapport prévoit que, par la seule croissance démographique, la pression exercée sur les écosystèmes va doubler d’ici à 2040. L’agriculture et la destruction des forêts sont les principales causes de cette dégradation dans un continent encore en majorité rural et largement sous-équipé en matière de réseaux d’énergie, d’eau potable et d’assainissement.
Préserver les « infrastructures vertes »
L’Afrique doit comprendre que, pour son développement, « avoir de l’eau, des sols, préserver ses forêts, c’est aussi important que construire des routes ou des hôpitaux », plaide la direction du WWF. « Nos sociétés dépendent de ces infrastructures vertes », comme les bassins du Congo, du Zambèze ou du Tchad. Un « fonds bleu pour le bassin du Congo » a ainsi été lancé en vue de renforcer le développement socioéconomique de cet immense espace africain, commun à onze pays de la région, riche en biodiversité et couvert par 220 millions d’hectares de forêts. Ce fonds bleu s’appuie sur la mise en œuvre de microprojets concernant l’hydro-électricité, le traitement des eaux, l’irrigation des terres cultivables. Ce sera l’une des contributions de l’Afrique aux objectifs de développement durable de l’accord de Paris (COP 21). La protection du lac Tchad, principale source d’eau pour plus de 40 millions de personnes de quatre pays limitrophes (Tchad, Cameroun, Niger et Nigeria), est également un enjeu majeur. Sous l’effet de la crise écologique et de la sécheresse, la superficie du lac a été divisée par dix en à peine cinquante ans.
La lutte contre la déforestation et la désertification en Afrique subsaharienne se concrétise, de son côté, par l’ambitieux projet de mettre en place une « Grande muraille verte » contre l’avancée du désert. L’objectif est de reboiser une surface de 7 600 km de long sur 15 km de large, traversant l’Afrique d’ouest en est, du Sénégal à Djibouti, pour ralentir l’avancée du désert, améliorer la gestion des ressources naturelles et lutter contre la pauvreté.
La difficile équation de la gestion de l’eau
La gestion des ressources en eau est au cœur de ces enjeux. Aujourd’hui, en Afrique, 320 millions de personnes n’ont toujours pas accès à de l’eau potable répondant aux normes d’hygiène de base... Et 70 % des habitants de l’Afrique sub-saharienne ne sont reliés à aucun réseau de traitement et d’assainissement : les eaux usées sont rejetées dans le milieu naturel, polluent l’environnement et augmentent les risques de maladies.
L’Afrique souffre d’un déficit dramatique d’infrastructures de distribution et d’assainissement. Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’Afrique est demandeuse d’investissements étrangers, mais également de technologies adaptées à ses spécificités, notamment à ce manque récurrent d’infrastructures lourdes de production d’énergie, de distribution d’eau, d’assainissement et de traitement des déchets. Ce qui suppose souvent de recourir à des solutions légères, mobiles et déployables localement. « Les pays africains ont, dans leur ensemble, considérablement investi dans les infrastructures de distribution en eau, aux côtés de réformes structurelles importantes portant sur les usages de l’eau. Pour autant, au global, la situation n’a pas favorablement évolué ces dernières années. L’Afrique a besoin de toute évidence de solutions innovantes conçues spécifiquement pour s’adapter aux particularités locales. Sans cela, il est peu probable que la gestion de l’eau, de la production à la consommation, s’améliore à court terme », constate ainsi Patrick Couzinet, la patron de Veolia Water Technologies Afrique.
Les expériences passées ont en effet montré que les grands projets livrés « clés en main » ne donnaient pas de résultats satisfaisants au bout de quelques années. Il n’existe pas de modèle unique : les solutions techniques et les modes de gestion doivent être adaptées à chaque situation, en impliquant les populations concernées. De plus, l’urgence invite à appliquer des solutions d'approvisionnement en eau partagées, à faible coût et à mise en œuvre rapide. C’est d’ailleurs la direction prise par Veolia Water Technologies dans le cadre de son projet « Ambitions pour l’Afrique ». Impliquant un millier de collaborateurs du groupe présents sur le continent, ce projet vise à ancrer l’entreprise dans les territoires à travers des partenariats locaux et des solutions sur mesure, en partant des besoins de l’utilisateur final et non en imposant une solution conçue pour l’Occident. L’objectif est de créer, sur la base de ces solutions sur mesure, de nouveaux partenariats innovants et « gagnant-gagnant » avec les autorités locales et des entrepreneurs africains.
En dix ans, l’Afrique s’est imposée comme un continent de croissance, d’investissement et d’attractivité. Au cours de la dernière décennie, les flux d’investissements étrangers ont été multipliés par cinq. Au-delà de dysfonctionnements conjoncturels, le plus souvent exogènes, liées notamment au ralentissement de la demande de matières premières chinoises, les fondamentaux de la croissance sont là : la population croît de 2,5 à 3 % par an et le revenu par tête s’accroît lui-même de 2 % par an. Une dynamique de consommation s’est installée et des classes moyennes émergent ; elles sont aujourd’hui estimées à 200 millions, soit un sixième de la population du continent.
Alors que la fécondité diminue, le moteur de la croissance démographique réside aujourd’hui dans l’éducation et la santé, qui sont des besoins solvables. D’ici trente ans, la population de l’Afrique aura doublé, passant à 2,4 milliards d’habitants, dont 60 % d’urbains. Parallèlement, l’Afrique est en passe de démontrer que sa production agricole est capable de suivre cette augmentation de population. Cette dynamique de consommation garantit des croissances importantes pour les biens de consommation et la construction. Les télécommunications se développent à grande vitesse et les fermes de serveurs se multiplient, tout comme les tours de téléphone, dont les revenus très prévisibles attirent les sociétés de private equity.
Une pression croissante sur les ressources
Mais ce développement démographique très rapide, cette croissance économique forte et cette urbanisation galopante posent à l’Afrique de nouveaux défis majeurs, et en particulier celui d’offrir aux populations le meilleur accès possible aux ressources tout en préservant l’environnement.
Pour la Banque africaine de développement (BAD), l’Afrique est à la croisée des chemins : elle a encore le choix entre un développement « à la chinoise », dont la facture environnementale serait très lourde, et un développement durable préservant ses immenses ressources naturelles. « Pour les pays africains, les problèmes écologiques restent avant tout des problèmes du Nord et la croissance verte est souvent perçue comme un moyen de mettre des freins à leur quête de prospérité », admet Simon Mizrahi, l’un des directeurs de l’institution, dans le quotidien Le Monde. « Il faut que les Africains rejoignent l’objectif du développement durable, pas simplement parce que c’est la volonté de leurs bailleurs, mais parce qu’il est de notre responsabilité de protéger nos écosystèmes ».
Selon le premier rapport sur l’empreinte écologique de l’Afrique, réalisé par la BAD en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature (WWF), le continent n’a pas encore franchi la ligne rouge et ne vit pas encore « à crédit » en consommant ses ressources plus rapidement qu’elles ne sont capables de se reconstituer. Mais au rythme actuel, ce n’est qu’une question d’années. En quarante ans, la biocapacité de l’Afrique a déjà fondu de 40 % et le rapport prévoit que, par la seule croissance démographique, la pression exercée sur les écosystèmes va doubler d’ici à 2040. L’agriculture et la destruction des forêts sont les principales causes de cette dégradation dans un continent encore en majorité rural et largement sous-équipé en matière de réseaux d’énergie, d’eau potable et d’assainissement.
Préserver les « infrastructures vertes »
L’Afrique doit comprendre que, pour son développement, « avoir de l’eau, des sols, préserver ses forêts, c’est aussi important que construire des routes ou des hôpitaux », plaide la direction du WWF. « Nos sociétés dépendent de ces infrastructures vertes », comme les bassins du Congo, du Zambèze ou du Tchad. Un « fonds bleu pour le bassin du Congo » a ainsi été lancé en vue de renforcer le développement socioéconomique de cet immense espace africain, commun à onze pays de la région, riche en biodiversité et couvert par 220 millions d’hectares de forêts. Ce fonds bleu s’appuie sur la mise en œuvre de microprojets concernant l’hydro-électricité, le traitement des eaux, l’irrigation des terres cultivables. Ce sera l’une des contributions de l’Afrique aux objectifs de développement durable de l’accord de Paris (COP 21). La protection du lac Tchad, principale source d’eau pour plus de 40 millions de personnes de quatre pays limitrophes (Tchad, Cameroun, Niger et Nigeria), est également un enjeu majeur. Sous l’effet de la crise écologique et de la sécheresse, la superficie du lac a été divisée par dix en à peine cinquante ans.
La lutte contre la déforestation et la désertification en Afrique subsaharienne se concrétise, de son côté, par l’ambitieux projet de mettre en place une « Grande muraille verte » contre l’avancée du désert. L’objectif est de reboiser une surface de 7 600 km de long sur 15 km de large, traversant l’Afrique d’ouest en est, du Sénégal à Djibouti, pour ralentir l’avancée du désert, améliorer la gestion des ressources naturelles et lutter contre la pauvreté.
La difficile équation de la gestion de l’eau
La gestion des ressources en eau est au cœur de ces enjeux. Aujourd’hui, en Afrique, 320 millions de personnes n’ont toujours pas accès à de l’eau potable répondant aux normes d’hygiène de base... Et 70 % des habitants de l’Afrique sub-saharienne ne sont reliés à aucun réseau de traitement et d’assainissement : les eaux usées sont rejetées dans le milieu naturel, polluent l’environnement et augmentent les risques de maladies.
L’Afrique souffre d’un déficit dramatique d’infrastructures de distribution et d’assainissement. Dans ce domaine, comme dans d’autres, l’Afrique est demandeuse d’investissements étrangers, mais également de technologies adaptées à ses spécificités, notamment à ce manque récurrent d’infrastructures lourdes de production d’énergie, de distribution d’eau, d’assainissement et de traitement des déchets. Ce qui suppose souvent de recourir à des solutions légères, mobiles et déployables localement. « Les pays africains ont, dans leur ensemble, considérablement investi dans les infrastructures de distribution en eau, aux côtés de réformes structurelles importantes portant sur les usages de l’eau. Pour autant, au global, la situation n’a pas favorablement évolué ces dernières années. L’Afrique a besoin de toute évidence de solutions innovantes conçues spécifiquement pour s’adapter aux particularités locales. Sans cela, il est peu probable que la gestion de l’eau, de la production à la consommation, s’améliore à court terme », constate ainsi Patrick Couzinet, la patron de Veolia Water Technologies Afrique.
Les expériences passées ont en effet montré que les grands projets livrés « clés en main » ne donnaient pas de résultats satisfaisants au bout de quelques années. Il n’existe pas de modèle unique : les solutions techniques et les modes de gestion doivent être adaptées à chaque situation, en impliquant les populations concernées. De plus, l’urgence invite à appliquer des solutions d'approvisionnement en eau partagées, à faible coût et à mise en œuvre rapide. C’est d’ailleurs la direction prise par Veolia Water Technologies dans le cadre de son projet « Ambitions pour l’Afrique ». Impliquant un millier de collaborateurs du groupe présents sur le continent, ce projet vise à ancrer l’entreprise dans les territoires à travers des partenariats locaux et des solutions sur mesure, en partant des besoins de l’utilisateur final et non en imposant une solution conçue pour l’Occident. L’objectif est de créer, sur la base de ces solutions sur mesure, de nouveaux partenariats innovants et « gagnant-gagnant » avec les autorités locales et des entrepreneurs africains.