Jean-Luc Favène
En 2019, vous avez pris la direction d’une enseigne centenaire. Quelle est son histoire ?
La société a été créée en 1919, elle a donc un peu plus de 100 ans. Son fondateur Georges Lissac était un « touche à tout » de l’optique qui a révolutionné la filière en travaillant sur tous les segments : publicité, retail, innovation, équipements optiques. Il a également largement révolutionné la relation médicale en s’investissant dans la recherche aux côtés des ophtalmologues ; l’enseigne Lissac noue toujours des liens étroits avec le monde médical. Son souhait était alors non pas seulement de « vendre des lunettes », mais surtout « de la vue et du confort » selon ses propres mots. Cet héritage est encore très présent chez Lissac. Nous sommes d’ailleurs reconnus comme spécialiste de la basse vision en France : notre magasin de la rue de Rivoli dispose d’une équipe dédiée à l’accompagnement et la prise en charge des personnes malvoyantes ou en situation de handicap.
Quelles sont les grandes dates qui ont jalonnés son histoire ?
L’histoire de Lissac est aussi celle des opticiens. Du retail à l’industrie, elle a marqué l’ensemble de la filière optique. En 1936, Georges Lissac avait imaginé le slogan « lunettes toujours parfaites, à prix honnête ». A l’époque, la réclame Lissac était déjà quelque chose de très innovant. En 1938, il créé le premier mégastore de l’optique, rue de Rivoli, qui est longtemps resté le plus grand magasin en Europe. Il a également contribué à l’innovation technologique dans la filière : en 1946, il créé les montures AMOR (optique) et SOLAMOR (solaire), qui seront reprises 1 an plus tard par 95 % des opticiens en France. Quelques années plus tard, il lance « Orma » le premier verre organique, qui reste une référence sur le marché et qui existe encore au catalogue d’Essilor, aujourd’hui leader mondial sur le marché du verre. En 1971, Georges Lissac a d’ailleurs participé à la naissance du groupe grâce à la fusion des 2 sociétés Essel et Silor. Aujourd’hui encore, il y a un attachement fort entre Lissac et Essilor.
Quels sont désormais les axes de développement de l’enseigne ?
Lorsque j’ai rejoint l’enseigne en 2019, Lissac bénéficiait d’une très bonne image auprès des professionnels de santé, grâce à notre histoire et notre réputation de techniciens, investis dans la recherche et l’innovation. Mais il fallait recentrer l’image de l’enseigne vis-à-vis des clients.
Nous avons donc lancé deux grands chantiers : le repositionnement de l'enseigne sur le milieu-haut de gamme dans une volonté de « premiumisation » et l’extension de nos offres à la « famille » au sens large. Nous voulons que Lissac soit une enseigne qui rassemble et qui créé du lien. Entre les générations d’une même famille, mais aussi plus largement : famille recomposée, famille des amateurs d’art ou des rugbymans par exemple… Ce positionnement « famille » s’appuie sur les valeurs fortes de l’enseigne et sur notre histoire centenaire. Depuis le confinement, il est même d’autant plus pertinent ! Nous avons bien compris l’importance de « créer du lien ». Le concept « Lissac Family » a été déployé dans tous nos dispositifs. Nos équipes marketing ont créé des clips vidéo en s’appuyant sur une chanson du groupe Sister Sledge, « We are family », et mis en place des offres préférentielles pour les membres d’une même famille : test de vue gratuit pour toute la famille, des réductions sur les montures pour la famille, etc.
Concernant notre recentrage sur le milieu-haut de gamme, nous avons créé le « Club des créateurs » avec des marques telles que : Plein les Mirettes, Oliver Peoples, Thierry Lasry, Caroline Abram, Nathalie Blanc. Cela se concrétise également dans le choix du verrier Essilor, avec qui nous partageons donc une histoire ancienne, et qui reste la référence sur le marché du verre. En nous appuyant sur cette nouvelle stratégie, nous avons pour objectif de passer à 400 magasins d’ici 2024, soit environ 150 magasins de plus qu’aujourd’hui.
Quelle est la stratégie de Lissac pour se rendre attractif auprès des clients ?
La proximité de nos opticiens avec les clients et la qualité du service sont de très bons atouts. Nous avons pu constater l’implication du réseau pendant le confinement. Un service d’urgence s’est rapidement mis en place pour dépanner les clients notamment pour réparer des lunettes, ou pour remettre un verre en place. Nous avons par exemple pu rééquiper des médecins qui avaient cassé leurs lunettes. A la réouverture des magasins, les opticiens ont très rapidement mis en place les conditions sanitaires nécessaires à l’accueil des clients. Nous avons ainsi pu apprécier le niveau de confiance des clients par rapport à la marque puisque les mois de mai et de juin ont été marqués par une très forte progression (de l’ordre de 30%). Avant le confinement, nous avions accéléré la digitalisation de nos services avec un dispositif de prise de rendez-vous en ligne pour faciliter l’accueil des clients dans les meilleures conditions possibles.
Pour se différencier sur le marché de l’optique, nous avons déployé une stratégie d’offre vis-à-vis de nos clients : nous proposons par exemple systématiquement une deuxième paire de marque avec des verres Essilor, là où le marché ne propose souvent qu’une deuxième paire de qualité moindre. Post confinement, nous avons également mis en place un système de parrainage, qui permet de gagner 100€, et, dès la rentrée, une offre « lumière bleue » (contre les lumières nocives des écrans), très adaptée au télétravail, sera proposée.
Depuis de le 1er janvier 2020, le secteur de l’optique connaît un vaste bouleversement avec la loi "100% Santé". Comment l’enseigne s’est-elle adaptée au changement ?
La loi 100% Santé n’a pas provoqué de grands bouleversements pour Lissac, qui proposait déjà à ses clients un certain nombre de mesures : la CMU, l’obligation de proposer deux devis, des offres adaptées aux besoins de chacun…. En revanche, la loi a offert la possibilité aux opticiens de proposer des examens optiques aux clients : c’est une reconnaissance pour la profession. Pour Lissac, cette mesure vient renforcer la relation des opticiens avec le monde médical tout en offrant une solution partielle à la problématique de désertification médicale.
Vous êtes historiquement très proche du verrier Essilor. Or l’arrivée d’EssilorLuxottica sur le marché des distributeurs a fait couler beaucoup d’encre. Quels sont selon vous les conséquences à venir sur le marché de l’optique ?
La fusion d’Essilor et Luxottica est une bonne nouvelle pour Lissac. Notre histoire est intimement liée à celle du groupe, et même si nous n’avons plus de lien capitalistique, nous travaillons encore en étroite collaboration. C’est une fierté de travailler avec des partenaires forts, qui sont aussi solidaires de la filière optique. Essilor a notamment beaucoup œuvré dans la recherche et la formation. Lissac se retrouve dans ces valeurs.
Avec le rachat de GrandVision, EssilorLuxottica met un pied dans le retail en France. Mais je pense qu’il s’agit d’une stratégie plutôt internationale car les positions du groupe Essilor sont déjà très fortes en France. C’est aussi probablement une opportunité pour compenser la baisse du nombre des indépendants, où Essilor avait traditionnellement une forte part de marché. Je vois donc ces changements d’un bon œil, même si nous restons vigilants.
La société a été créée en 1919, elle a donc un peu plus de 100 ans. Son fondateur Georges Lissac était un « touche à tout » de l’optique qui a révolutionné la filière en travaillant sur tous les segments : publicité, retail, innovation, équipements optiques. Il a également largement révolutionné la relation médicale en s’investissant dans la recherche aux côtés des ophtalmologues ; l’enseigne Lissac noue toujours des liens étroits avec le monde médical. Son souhait était alors non pas seulement de « vendre des lunettes », mais surtout « de la vue et du confort » selon ses propres mots. Cet héritage est encore très présent chez Lissac. Nous sommes d’ailleurs reconnus comme spécialiste de la basse vision en France : notre magasin de la rue de Rivoli dispose d’une équipe dédiée à l’accompagnement et la prise en charge des personnes malvoyantes ou en situation de handicap.
Quelles sont les grandes dates qui ont jalonnés son histoire ?
L’histoire de Lissac est aussi celle des opticiens. Du retail à l’industrie, elle a marqué l’ensemble de la filière optique. En 1936, Georges Lissac avait imaginé le slogan « lunettes toujours parfaites, à prix honnête ». A l’époque, la réclame Lissac était déjà quelque chose de très innovant. En 1938, il créé le premier mégastore de l’optique, rue de Rivoli, qui est longtemps resté le plus grand magasin en Europe. Il a également contribué à l’innovation technologique dans la filière : en 1946, il créé les montures AMOR (optique) et SOLAMOR (solaire), qui seront reprises 1 an plus tard par 95 % des opticiens en France. Quelques années plus tard, il lance « Orma » le premier verre organique, qui reste une référence sur le marché et qui existe encore au catalogue d’Essilor, aujourd’hui leader mondial sur le marché du verre. En 1971, Georges Lissac a d’ailleurs participé à la naissance du groupe grâce à la fusion des 2 sociétés Essel et Silor. Aujourd’hui encore, il y a un attachement fort entre Lissac et Essilor.
Quels sont désormais les axes de développement de l’enseigne ?
Lorsque j’ai rejoint l’enseigne en 2019, Lissac bénéficiait d’une très bonne image auprès des professionnels de santé, grâce à notre histoire et notre réputation de techniciens, investis dans la recherche et l’innovation. Mais il fallait recentrer l’image de l’enseigne vis-à-vis des clients.
Nous avons donc lancé deux grands chantiers : le repositionnement de l'enseigne sur le milieu-haut de gamme dans une volonté de « premiumisation » et l’extension de nos offres à la « famille » au sens large. Nous voulons que Lissac soit une enseigne qui rassemble et qui créé du lien. Entre les générations d’une même famille, mais aussi plus largement : famille recomposée, famille des amateurs d’art ou des rugbymans par exemple… Ce positionnement « famille » s’appuie sur les valeurs fortes de l’enseigne et sur notre histoire centenaire. Depuis le confinement, il est même d’autant plus pertinent ! Nous avons bien compris l’importance de « créer du lien ». Le concept « Lissac Family » a été déployé dans tous nos dispositifs. Nos équipes marketing ont créé des clips vidéo en s’appuyant sur une chanson du groupe Sister Sledge, « We are family », et mis en place des offres préférentielles pour les membres d’une même famille : test de vue gratuit pour toute la famille, des réductions sur les montures pour la famille, etc.
Concernant notre recentrage sur le milieu-haut de gamme, nous avons créé le « Club des créateurs » avec des marques telles que : Plein les Mirettes, Oliver Peoples, Thierry Lasry, Caroline Abram, Nathalie Blanc. Cela se concrétise également dans le choix du verrier Essilor, avec qui nous partageons donc une histoire ancienne, et qui reste la référence sur le marché du verre. En nous appuyant sur cette nouvelle stratégie, nous avons pour objectif de passer à 400 magasins d’ici 2024, soit environ 150 magasins de plus qu’aujourd’hui.
Quelle est la stratégie de Lissac pour se rendre attractif auprès des clients ?
La proximité de nos opticiens avec les clients et la qualité du service sont de très bons atouts. Nous avons pu constater l’implication du réseau pendant le confinement. Un service d’urgence s’est rapidement mis en place pour dépanner les clients notamment pour réparer des lunettes, ou pour remettre un verre en place. Nous avons par exemple pu rééquiper des médecins qui avaient cassé leurs lunettes. A la réouverture des magasins, les opticiens ont très rapidement mis en place les conditions sanitaires nécessaires à l’accueil des clients. Nous avons ainsi pu apprécier le niveau de confiance des clients par rapport à la marque puisque les mois de mai et de juin ont été marqués par une très forte progression (de l’ordre de 30%). Avant le confinement, nous avions accéléré la digitalisation de nos services avec un dispositif de prise de rendez-vous en ligne pour faciliter l’accueil des clients dans les meilleures conditions possibles.
Pour se différencier sur le marché de l’optique, nous avons déployé une stratégie d’offre vis-à-vis de nos clients : nous proposons par exemple systématiquement une deuxième paire de marque avec des verres Essilor, là où le marché ne propose souvent qu’une deuxième paire de qualité moindre. Post confinement, nous avons également mis en place un système de parrainage, qui permet de gagner 100€, et, dès la rentrée, une offre « lumière bleue » (contre les lumières nocives des écrans), très adaptée au télétravail, sera proposée.
Depuis de le 1er janvier 2020, le secteur de l’optique connaît un vaste bouleversement avec la loi "100% Santé". Comment l’enseigne s’est-elle adaptée au changement ?
La loi 100% Santé n’a pas provoqué de grands bouleversements pour Lissac, qui proposait déjà à ses clients un certain nombre de mesures : la CMU, l’obligation de proposer deux devis, des offres adaptées aux besoins de chacun…. En revanche, la loi a offert la possibilité aux opticiens de proposer des examens optiques aux clients : c’est une reconnaissance pour la profession. Pour Lissac, cette mesure vient renforcer la relation des opticiens avec le monde médical tout en offrant une solution partielle à la problématique de désertification médicale.
Vous êtes historiquement très proche du verrier Essilor. Or l’arrivée d’EssilorLuxottica sur le marché des distributeurs a fait couler beaucoup d’encre. Quels sont selon vous les conséquences à venir sur le marché de l’optique ?
La fusion d’Essilor et Luxottica est une bonne nouvelle pour Lissac. Notre histoire est intimement liée à celle du groupe, et même si nous n’avons plus de lien capitalistique, nous travaillons encore en étroite collaboration. C’est une fierté de travailler avec des partenaires forts, qui sont aussi solidaires de la filière optique. Essilor a notamment beaucoup œuvré dans la recherche et la formation. Lissac se retrouve dans ces valeurs.
Avec le rachat de GrandVision, EssilorLuxottica met un pied dans le retail en France. Mais je pense qu’il s’agit d’une stratégie plutôt internationale car les positions du groupe Essilor sont déjà très fortes en France. C’est aussi probablement une opportunité pour compenser la baisse du nombre des indépendants, où Essilor avait traditionnellement une forte part de marché. Je vois donc ces changements d’un bon œil, même si nous restons vigilants.