Un régime de retraite très spécifique
Les danseurs de l’Opéra de Paris sont en réalité les seuls danseurs en France à bénéficier d’un régime spécial de retraites. Dans le domaine de la culture, seule la Comédie française fait également exception. Ce régime ne concerne donc que 153 personnes, mais il est en place depuis 1698 !
Il est géré par la Caisse de retraite des personnels de l’Opéra de Paris, en partie financée par l’Etat, et stipule notamment que les danseurs peuvent partir à la retraite à partir de 40 ans, et au plus tard le 31 juillet suivant leur 42e anniversaire.
Cette exception se justifie par l’effort physique considérable que requiert ce métier, et qui n’est plus possible passé un certain âge. Impossible, pour ces artistes, dont beaucoup sont entrés à l’école de danse de l’Opéra dès 8 ans, de tenir jusqu’à 64 ans, l’âge de départ à la retraite imposé par la réforme. Difficile également pour eux de se reconvertir, après une vie consacrée à la danse, parfois au détriment de leurs études.
Le Ministre de la Culture, Franck Riester, l’a pourtant affirmé, les spécificités liées aux métiers de danseur tout comme de musicien seront pris en compte par la réforme, et des négociations seront menées afin de trouver des solutions adaptées.
« Une contestation de principe de la réforme », selon Stéphane Lissner
Les danseurs refusent cependant de participer à ces négociations, malgré les tentatives de Stéphane Lissner, administrateur de l’Opéra de Paris, pour les convaincre, et les propositions qu’il leur a faites. Il leur a par exemple obtenu la clause du « grand-père », stipulant que la réforme ne concernera que les nouveaux entrants à partir de 2022. Mais les danseurs affirment ne pas souhaiter "sacrifier les générations futures pour leur seul bénéficie personnel". De même, aux propositions d’accompagnement financier et de formation pour leur reconversion, ils déclarent être déjà nombreux à se former pour devenir enseignants, mais le problème est qu’il n’y a pas assez de postes disponibles pour tous les ex-danseurs.
Des conséquences durables pour l’institution
67 représentations annulées et 150 000 spectateurs touchés, voilà de quoi affecter durablement l’Opéra de Paris. La relation avec le public s’est en effet profondément dégradée, ce dernier étant souvent prévenu au dernier moment de l’annulation du spectacle, parfois moins de deux heures avant. Difficile à accepter pour ceux qui ont fait le déplacement depuis la province spécialement pour l’occasion… Les remboursements des billets ont également pris un certain temps, l’établissement devant faire face à plus de 15 millions de pertes, ce qui représente plus que la contribution annuelle de l’Etat au financement de la Caisse des retraites du personnel de l’Opéra (environ 14 millions d’euros).
Ces pertes ont également pour conséquence un plan d’économies drastiques défini par Stéphane Lissner, qui portera atteinte aux futures représentations prévues par l’Opéra, au risque d’enclencher un cercle vicieux de pertes économiques. Cela a été d’autant plus aggravé par la crise de la Covid, qui a empêché le public de revenir au palais Garnier ou à Bastille pendant une bonne partie de l’année 2020.
Une dégradation de l’image de l’Opéra…
Toutefois, l’impact le plus important de cette crise est sur l’image que le public, mais aussi les différents mécènes, ont de l’Opéra. L’institution s’est en effet avérée assez impuissante à faire revenir les artistes sur scène. Elle s’est d’ailleurs présentée comme la première victime de la situation, accusant la grève « d’atteinte grave aux intérêts de l’Opéra de Paris » et désignant les danseurs comme responsables. Il a d’ailleurs été souligné que l’Opéra n’était en rien responsable de la réforme, décidée par le gouvernement, et que son rôle était seulement d’accompagner sa mise en place en participant aux négociations.
Au début de la crise, pourtant, les danseurs ont su attirer la sympathie du grand public, en lui offrant notamment un extrait du Lac des cygnes, par les étoiles et le corps de ballet, accompagnés de l’orchestre de l’Opéra, sur le parvis du palais Garnier, la veille de Noël (voir photo ci-dessus). Cela a permis pour certains de découvrir ce milieu du ballet, parfois qualifié d’élitiste, pour une fois descendu dans la rue.
…ou une opportunité pour se réinventer ?
Cette proximité avec le public, c’est ce que l’Opéra a cherché à renforcer afin de restaurer son image. La crise de la Covid lui a finalement fourni une opportunité en or : au-delà du gel de la réforme des retraites qui lui permet de repousser le problème, les Français, confinés chez eux, ne demandent qu’à être divertis ! Les danseurs étoiles, confinés également, ont par exemple proposé chaque semaine des cours de danse accessibles à tous sur Youtube. L’Opéra a également mis en ligne de nombreuses captations de ballets et d’opéras afin de garder le lien avec son public. De même, le traditionnel défilé du corps de ballet, supposé marquer le début de la saison 2021, organisé pour la première fois devant une salle vide à cause du contexte sanitaire, a été diffusé en ligne, permettant finalement de toucher un plus grand nombre de personnes.
En conclusion, si l’Opéra a raté communication de crise lors de la grève des danseurs, la crise de la Covid lui a donné l’opportunité d’accélérer sa stratégie de proximité avec le public et son virage vers le numérique. L’établissement a sans doute également bénéficié de l’élan de solidarité du grand public pour le monde culturel, à l’arrêt depuis de nombreux mois, afin de redorer son image. C’est désormais à Alexander Neef, qui a succédé en septembre 2020 (un peu plus tôt que prévu initialement à cause de la crise sanitaire) à Stéphane Lissner en tant qu’administrateur de l’Opéra, qu’incombe la tâche de reprendre les négociations à propos de la réforme des retraites, revenue sur le devant de l’actualité au début de l’année 2021.
Les danseurs de l’Opéra de Paris sont en réalité les seuls danseurs en France à bénéficier d’un régime spécial de retraites. Dans le domaine de la culture, seule la Comédie française fait également exception. Ce régime ne concerne donc que 153 personnes, mais il est en place depuis 1698 !
Il est géré par la Caisse de retraite des personnels de l’Opéra de Paris, en partie financée par l’Etat, et stipule notamment que les danseurs peuvent partir à la retraite à partir de 40 ans, et au plus tard le 31 juillet suivant leur 42e anniversaire.
Cette exception se justifie par l’effort physique considérable que requiert ce métier, et qui n’est plus possible passé un certain âge. Impossible, pour ces artistes, dont beaucoup sont entrés à l’école de danse de l’Opéra dès 8 ans, de tenir jusqu’à 64 ans, l’âge de départ à la retraite imposé par la réforme. Difficile également pour eux de se reconvertir, après une vie consacrée à la danse, parfois au détriment de leurs études.
Le Ministre de la Culture, Franck Riester, l’a pourtant affirmé, les spécificités liées aux métiers de danseur tout comme de musicien seront pris en compte par la réforme, et des négociations seront menées afin de trouver des solutions adaptées.
« Une contestation de principe de la réforme », selon Stéphane Lissner
Les danseurs refusent cependant de participer à ces négociations, malgré les tentatives de Stéphane Lissner, administrateur de l’Opéra de Paris, pour les convaincre, et les propositions qu’il leur a faites. Il leur a par exemple obtenu la clause du « grand-père », stipulant que la réforme ne concernera que les nouveaux entrants à partir de 2022. Mais les danseurs affirment ne pas souhaiter "sacrifier les générations futures pour leur seul bénéficie personnel". De même, aux propositions d’accompagnement financier et de formation pour leur reconversion, ils déclarent être déjà nombreux à se former pour devenir enseignants, mais le problème est qu’il n’y a pas assez de postes disponibles pour tous les ex-danseurs.
Des conséquences durables pour l’institution
67 représentations annulées et 150 000 spectateurs touchés, voilà de quoi affecter durablement l’Opéra de Paris. La relation avec le public s’est en effet profondément dégradée, ce dernier étant souvent prévenu au dernier moment de l’annulation du spectacle, parfois moins de deux heures avant. Difficile à accepter pour ceux qui ont fait le déplacement depuis la province spécialement pour l’occasion… Les remboursements des billets ont également pris un certain temps, l’établissement devant faire face à plus de 15 millions de pertes, ce qui représente plus que la contribution annuelle de l’Etat au financement de la Caisse des retraites du personnel de l’Opéra (environ 14 millions d’euros).
Ces pertes ont également pour conséquence un plan d’économies drastiques défini par Stéphane Lissner, qui portera atteinte aux futures représentations prévues par l’Opéra, au risque d’enclencher un cercle vicieux de pertes économiques. Cela a été d’autant plus aggravé par la crise de la Covid, qui a empêché le public de revenir au palais Garnier ou à Bastille pendant une bonne partie de l’année 2020.
Une dégradation de l’image de l’Opéra…
Toutefois, l’impact le plus important de cette crise est sur l’image que le public, mais aussi les différents mécènes, ont de l’Opéra. L’institution s’est en effet avérée assez impuissante à faire revenir les artistes sur scène. Elle s’est d’ailleurs présentée comme la première victime de la situation, accusant la grève « d’atteinte grave aux intérêts de l’Opéra de Paris » et désignant les danseurs comme responsables. Il a d’ailleurs été souligné que l’Opéra n’était en rien responsable de la réforme, décidée par le gouvernement, et que son rôle était seulement d’accompagner sa mise en place en participant aux négociations.
Au début de la crise, pourtant, les danseurs ont su attirer la sympathie du grand public, en lui offrant notamment un extrait du Lac des cygnes, par les étoiles et le corps de ballet, accompagnés de l’orchestre de l’Opéra, sur le parvis du palais Garnier, la veille de Noël (voir photo ci-dessus). Cela a permis pour certains de découvrir ce milieu du ballet, parfois qualifié d’élitiste, pour une fois descendu dans la rue.
…ou une opportunité pour se réinventer ?
Cette proximité avec le public, c’est ce que l’Opéra a cherché à renforcer afin de restaurer son image. La crise de la Covid lui a finalement fourni une opportunité en or : au-delà du gel de la réforme des retraites qui lui permet de repousser le problème, les Français, confinés chez eux, ne demandent qu’à être divertis ! Les danseurs étoiles, confinés également, ont par exemple proposé chaque semaine des cours de danse accessibles à tous sur Youtube. L’Opéra a également mis en ligne de nombreuses captations de ballets et d’opéras afin de garder le lien avec son public. De même, le traditionnel défilé du corps de ballet, supposé marquer le début de la saison 2021, organisé pour la première fois devant une salle vide à cause du contexte sanitaire, a été diffusé en ligne, permettant finalement de toucher un plus grand nombre de personnes.
En conclusion, si l’Opéra a raté communication de crise lors de la grève des danseurs, la crise de la Covid lui a donné l’opportunité d’accélérer sa stratégie de proximité avec le public et son virage vers le numérique. L’établissement a sans doute également bénéficié de l’élan de solidarité du grand public pour le monde culturel, à l’arrêt depuis de nombreux mois, afin de redorer son image. C’est désormais à Alexander Neef, qui a succédé en septembre 2020 (un peu plus tôt que prévu initialement à cause de la crise sanitaire) à Stéphane Lissner en tant qu’administrateur de l’Opéra, qu’incombe la tâche de reprendre les négociations à propos de la réforme des retraites, revenue sur le devant de l’actualité au début de l’année 2021.