G. P.: Le mois dernier a vu la publication de deux communiqués de presse(1),(2) qui donnent du poids aux avertissements que vous formuliez dès 2003(3). Qu’est ce donc que le technostress?
F. S.: Le technostress fait référence aux conséquences de l’utilisation importante des nouvelles technologies sur la santé physique et mentale des personnes qui les utilisent. C’est un sujet vaste et important qui a de multiples composantes. Certaines d’entre elles procèdent du bon sens, d’autres sont complexes et enfouies dans nos mécanismes inconscients. Il est important de mettre à jour ces mécanismes pour pouvoir mieux prévenir les risques associés au technostress.
G. P.: Quelles sont donc les causes du technostress ?
F. S.: L’utilisation massive des technologies pose en premier lieu un problème d’ergonomie. Il semble que nous ne soyons tout simplement pas fait pour regarder un écran d’ordinateur à 50 cm de son nez douze heures par jours.
Ensuite se pose le problème de la gestion des temps improductifs. Les téléphones de dernière génération laissent peu de répit aux cadres qui ne peuvent se « déconnecter » de stimulations associées à des temps de réponses qui doivent par ailleurs être toujours plus courts. Or nous avons tous besoin de temps de récupération et d’un endroit où l’on ne soit pas contrôlé. La technologie pose également la question de la quantité d’information que l’on puisse traiter puisque la réception de nombreux emails a été clairement identifiée comme un facteur de stress.
G. P.: N’existe t-il pas également un paradoxe entre communication et information ?
F. S.: Bien sûr. Pour le dire simplement, la technologie met à notre disposition toujours plus d’information et nous habitue à des comportements caractérisés par toujours moins de communication. Il y a là les conditions d’une perte de relation, d’une perte de sens. On ne sait plus faire quelques pas, monter quelques marches, aller taper à la porte d’un collègue.
G. P.: Vous mentionniez également des mécanismes inconscients.
F. S.: Le rapport entre l’homme et la machine est complexe et ambivalent. L’attirance vers l’objet technologique n’est pas neutre puisque ce dernier est souvent personnalisé. L’homme avide de liberté et de puissance pense assouvir ces besoins grâce à la technologie. Mais le contrôle de l’homme sur la machine est une illusion tristement ironique. Nous avons cru que nous allions pouvoir dominer le monde grâce à la technologie mais un simple écran bleu nous glace de frustration. Ainsi parle t-on désormais de « Smartphones », appellation symbolique qui ne fait que consacrer la victoire de la technologie sur l’homme, lequel porte inconsciemment le poids de cette défaite humiliante.
G. P.: Quels sont les symptômes du technostress ?
F. S.: Mis à part certains problèmes (troubles oculaires, tendinites, etc.), la technologie a globalement tendance à favoriser la diminution la pénibilité physique. En revanche elle augmente la charge psychique ce qui se traduit par une probabilité accrue de risques psychosociaux et psychosomatiques. En effet, l’utilisation de la technologie exige une très grande activité mentale et cérébrale : haut degré de mémorisation, attention, vigilance, compréhension rapide de l’information, anticipation, acuité perceptive, représentation mentale d’abstractions logiques ou complexes, etc. Par ailleurs, plus la charge psychique augmente et plus les comportements du sujet au travail deviennent asociaux (rejet, repli, fuite, suicide, agressivité, rétention d’information violence).
G. P.: Le technostress touche t-il uniquement les férus de technologie ?
F. S.: Non. L’incapacité de savoir ou de pouvoir utiliser la machine est une terrible frustration pour l’homme. Elle touche ceux qui n’arrivent pas à suivre le rythme éperdu des avancées technologiques et ceux qui s’y donnent entièrement sans y trouver la satisfaction escomptée lorsque la machine tombe en panne par exemple. Dans ces cas on ne maîtrise plus rien, le contrôle, qui est directement relié à la santé mentale, a disparu laissant place à un violent sentiment d’impuissance.
G. P.: Que faire alors ?
F. S.: Comme pour d’autres addictions nous pouvons commencer par vulgariser sur les risques associés à l’utilisation abusive des TIC. Nous pouvons ensuite nous poser la question du rapport que nous entretenons avec la technologie et du rôle qu’elle doit avoir dans notre vie. Est-ce une fin ou un moyen ? Nous devons ensuite nous familiariser avec les avancées de l’ergonomie, notamment celles concernant la charge mentale.
G. P.: Par exemple ?
F. S.: Le stress psychosocial résulte de l’inadéquation entre le fonctionnement psychique, les besoins et les aspirations du salarié et l’organisation du travail. Nous avons besoin de temps morts, de phases absentes de sollicitations. Par ailleurs l’anxiété et la dépression émergent davantage au fur et à mesure que les individus se doivent d’assimiler des données sans cesse nouvelles. Il faut donc travailler à la gestion la quantité d’information, savoir par exemple discriminer l’important de l’urgent.
[1] Communiqué de presse « Canon France organise une journée sans mails afin de favoriser le bien-être de ses collaborateurs. »
[2] La CFE-CGC dénonce l’utilisation des smartphones chez les cadres
[3] F. Sala « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation - 2004 (chapitre 5 – Technostress)
Pour en savoir plus
Sala, F. (2004) « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation
F. S.: Le technostress fait référence aux conséquences de l’utilisation importante des nouvelles technologies sur la santé physique et mentale des personnes qui les utilisent. C’est un sujet vaste et important qui a de multiples composantes. Certaines d’entre elles procèdent du bon sens, d’autres sont complexes et enfouies dans nos mécanismes inconscients. Il est important de mettre à jour ces mécanismes pour pouvoir mieux prévenir les risques associés au technostress.
G. P.: Quelles sont donc les causes du technostress ?
F. S.: L’utilisation massive des technologies pose en premier lieu un problème d’ergonomie. Il semble que nous ne soyons tout simplement pas fait pour regarder un écran d’ordinateur à 50 cm de son nez douze heures par jours.
Ensuite se pose le problème de la gestion des temps improductifs. Les téléphones de dernière génération laissent peu de répit aux cadres qui ne peuvent se « déconnecter » de stimulations associées à des temps de réponses qui doivent par ailleurs être toujours plus courts. Or nous avons tous besoin de temps de récupération et d’un endroit où l’on ne soit pas contrôlé. La technologie pose également la question de la quantité d’information que l’on puisse traiter puisque la réception de nombreux emails a été clairement identifiée comme un facteur de stress.
G. P.: N’existe t-il pas également un paradoxe entre communication et information ?
F. S.: Bien sûr. Pour le dire simplement, la technologie met à notre disposition toujours plus d’information et nous habitue à des comportements caractérisés par toujours moins de communication. Il y a là les conditions d’une perte de relation, d’une perte de sens. On ne sait plus faire quelques pas, monter quelques marches, aller taper à la porte d’un collègue.
G. P.: Vous mentionniez également des mécanismes inconscients.
F. S.: Le rapport entre l’homme et la machine est complexe et ambivalent. L’attirance vers l’objet technologique n’est pas neutre puisque ce dernier est souvent personnalisé. L’homme avide de liberté et de puissance pense assouvir ces besoins grâce à la technologie. Mais le contrôle de l’homme sur la machine est une illusion tristement ironique. Nous avons cru que nous allions pouvoir dominer le monde grâce à la technologie mais un simple écran bleu nous glace de frustration. Ainsi parle t-on désormais de « Smartphones », appellation symbolique qui ne fait que consacrer la victoire de la technologie sur l’homme, lequel porte inconsciemment le poids de cette défaite humiliante.
G. P.: Quels sont les symptômes du technostress ?
F. S.: Mis à part certains problèmes (troubles oculaires, tendinites, etc.), la technologie a globalement tendance à favoriser la diminution la pénibilité physique. En revanche elle augmente la charge psychique ce qui se traduit par une probabilité accrue de risques psychosociaux et psychosomatiques. En effet, l’utilisation de la technologie exige une très grande activité mentale et cérébrale : haut degré de mémorisation, attention, vigilance, compréhension rapide de l’information, anticipation, acuité perceptive, représentation mentale d’abstractions logiques ou complexes, etc. Par ailleurs, plus la charge psychique augmente et plus les comportements du sujet au travail deviennent asociaux (rejet, repli, fuite, suicide, agressivité, rétention d’information violence).
G. P.: Le technostress touche t-il uniquement les férus de technologie ?
F. S.: Non. L’incapacité de savoir ou de pouvoir utiliser la machine est une terrible frustration pour l’homme. Elle touche ceux qui n’arrivent pas à suivre le rythme éperdu des avancées technologiques et ceux qui s’y donnent entièrement sans y trouver la satisfaction escomptée lorsque la machine tombe en panne par exemple. Dans ces cas on ne maîtrise plus rien, le contrôle, qui est directement relié à la santé mentale, a disparu laissant place à un violent sentiment d’impuissance.
G. P.: Que faire alors ?
F. S.: Comme pour d’autres addictions nous pouvons commencer par vulgariser sur les risques associés à l’utilisation abusive des TIC. Nous pouvons ensuite nous poser la question du rapport que nous entretenons avec la technologie et du rôle qu’elle doit avoir dans notre vie. Est-ce une fin ou un moyen ? Nous devons ensuite nous familiariser avec les avancées de l’ergonomie, notamment celles concernant la charge mentale.
G. P.: Par exemple ?
F. S.: Le stress psychosocial résulte de l’inadéquation entre le fonctionnement psychique, les besoins et les aspirations du salarié et l’organisation du travail. Nous avons besoin de temps morts, de phases absentes de sollicitations. Par ailleurs l’anxiété et la dépression émergent davantage au fur et à mesure que les individus se doivent d’assimiler des données sans cesse nouvelles. Il faut donc travailler à la gestion la quantité d’information, savoir par exemple discriminer l’important de l’urgent.
[1] Communiqué de presse « Canon France organise une journée sans mails afin de favoriser le bien-être de ses collaborateurs. »
[2] La CFE-CGC dénonce l’utilisation des smartphones chez les cadres
[3] F. Sala « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation - 2004 (chapitre 5 – Technostress)
Pour en savoir plus
Sala, F. (2004) « Un psy chez les DRH » Editions d’organisation