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Pourquoi les concessions sont-elles si répandues en France ?




Vendredi 4 Décembre 2020


Energie, eau, transports, communications électroniques… Face à des besoins d’investissement toujours plus importants et à la complexité croissante de certains métiers, l’Etat et les collectivités ont recours au modèle de la concession pour déléguer la construction et l’exploitation de leurs grandes infrastructures. Un contrat souvent méconnu du grand public, mais qui plaît toujours plus aux élus.



En matière de délégation de service public, le contrat de concession est le modèle généralement privilégié par les communes et leurs groupements. Il s’impose pour la quasi-totalité de la distribution publique d’électricité et de gaz, très souvent pour la gestion des services d’eau potable et d’assainissement, ou encore pour la collecte et le traitement des déchets. De plus en plus de collectivités recourent également à la concession pour la création et l’exploitation de réseaux de communications électroniques, mais aussi pour gérer divers services comme les parcs de stationnement, les pompes funèbres ou les abattoirs.
 
De son côté, l’Etat a opté pour ce mode de gestion pour les centrales hydroélectriques, la grande majorité des autoroutes, certains aéroports et quelques infrastructures ferroviaires. De manière générale, les contrats de concession sont très présents dans les industries de réseau – énergie, eau, transports, télécommunications. Pour faire face à des investissements de plus en plus lourds et à un niveau de technicité toujours plus élevé, les collectivités publiques transfèrent la gestion de leurs grandes infrastructures à des opérateurs privés spécialisés. Beaucoup ont recours au contrat de concession.
 
La concession est en effet un contrat qui permet à une collectivité publique de confier l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, en leur transférant à la fois le droit d’exploiter l’ouvrage ou le service et le risque lié à cette exploitation. Pour qu’il y ait concession, il faut, selon les textes en vigueur, que la part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché. Selon l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, « le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service ».
 
Les nombreux avantages de la concession
 
La concession se distingue ainsi des autres modes de gestion des services publics – contrat d’affermage, régie intéressée ou marchés publics – par trois caractéristiques essentielles : un transfert de risques maximal ; une rémunération liée au résultat d’exploitation ; un contrat de longue durée. Et si ce modèle est plébiscité, c’est qu’il cumule de nombreux avantages en termes de finances publiques.
 
En effet, le concessionnaire prend en charge non seulement les frais d’exploitation et d’entretien courant mais également les investissements, qu’il finance grâce aux redevances perçues auprès des usagers. Ainsi, la collectivité est non seulement dégagée de toute charge financière d’investissement, mais transfère également au concessionnaire le risque financier lié à l’exploitation. Le recours à la concession permet donc de financer la construction et l’entretien d’infrastructures majeures sans solliciter les deniers publics. Un atout non négligeable dans un contexte budgétaire déjà tendu avant la crise sanitaire.
 
En faisant assurer la construction et l’entretien des infrastructures par des acteurs privés spécialisés, le concédant profite également de leur expertise et de gains d’efficacité. Ce modèle permet en outre de stimuler la concurrence (en confiant à différents concessionnaires la gestion d’un même service public sur différents secteurs géographiques), mais aussi la sous-traitance locale et la dynamique de certains bassins d’emploi, et la qualité de service. Chaque année, plus de 90 % des automobilistes se déclarent « satisfaits » ou « très satisfaits » des autoroutes qu’ils parcourent.
 
Les délais de mise en service sont aussi plus courts quand la société chargée de la construction est rémunérée par l’exploitation car elle a tout intérêt à réaliser rapidement les travaux pour percevoir les revenus d’exploitation.
 
Enfin, il ne faut pas oublier que déléguer n’est pas céder. Non seulement, l’autorité concédante garde la faculté de changer les orientations prises par le concessionnaire dans l’intérêt du service public délégué, mais à la fin du contrat, elle récupère aussi l’infrastructure, gratuitement et en bon état. La relation est extrêmement cadrée juridiquement avec une autorité concédante qui dicte les termes du contrat.
 
En contrepartie, le concessionnaire doit avoir l’assurance d’une juste rémunération. Les recettes n’étant pas immédiates et leur montant étant limité, il apprécie la faisabilité de son projet sur toute la durée de l’exploitation. Ce modèle économique implique de subir des pertes conséquentes au début pour progressivement dégager des profits importants. Pour juger la rentabilité d’une concession, laquelle est même définie par le contrat de concession, il faut donc examiner les résultats sur toute la durée de vie du contrat.
 
Un mode de gestion très utilisé dans l’énergie et les transports
 
En France, les réseaux de distribution d’énergie relèvent du régime des concessions. Pour l’électricité, les collectivités locales, propriétaires des réseaux, ont la mission d’organiser le service public de la distribution aux 35 millions d’utilisateurs du territoire. Pour cela, elles concèdent l’exploitation de leur réseau à des distributeurs – Enedis pour 95 % de l’électricité acheminée et environ 160 entreprises locales de distribution (ELD). Il existe ainsi en France quelque 550 contrats de concession de ce type, d’une durée de 25 à 30 ans. Pour la distribution du gaz naturel, l’organisation est la même avec un opérateur principal, GRDF, représentant 95 % du gaz acheminé, et 25 ELD, dans le cadre d’environ 5 400 contrats de concession.
 
Les installations hydroélectriques de plus de 4,5 MW sont également placées sous le régime des concessions. Elles appartiennent à l’État et sont construites et exploitées par un concessionnaire, qui se rémunère sur la vente de l’électricité produite. Le concessionnaire est également soumis à des obligations en termes de performance environnementale, de sécurité et de réserve d’eau.
 
Les concessions aéroportuaires fonctionnent sur un principe analogue : la propriété des infrastructures reste aux mains du concédant public et un acteur privé exploite l’aéroport pour une durée déterminée, généralement comprise entre 30 et 40 ans. Le concessionnaire prend en charge l’exploitation du service aéroportuaire, le développement du trafic et le financement des infrastructures. Il se rémunère sur les taxes d’aéroports des passagers, les redevances des compagnies aériennes et l’exploitation commerciale des locaux et des infrastructures. Il exploite le service à ses risques et périls puisque ces recettes dépendent de l’attractivité et de la fréquentation de l’aéroport. De son côté, le concédant perçoit une redevance annuelle et peut imposer au concessionnaire un certain niveau de service.
 
Un modèle qui a fait ses preuves pour les autoroutes
 
C’est aussi ce modèle de concession qui a été retenu pour les autoroutes depuis 2006. Là encore, le modèle des concessions permet à l’État de transférer l’ensemble des risques liés à la construction, à l’exploitation et au trafic, tout en lui garantissant des revenus fiscaux réguliers (plus de 40 % du prix du ticket de péage) et la rétrocession du réseau en fin de contrat. Un système qui a permis de développer en France un réseau autoroutier de premier plan, essentiel pour l’aménagement du territoire, sans alourdir les finances publiques. Avec le recours au péage, le financement de l’infrastructure revient en définitive aux usagers. Un système « utilisateur-payeur » qui permet de ne pas faire payer le contribuable.
 
Interrogé en juillet 2020 par la commission d’enquête du Sénat sur les concessions d’autoroutes, Bruno Le Maire, l’actuel ministre de l’Économie, considère la cession des parts publiques des sociétés concessionnaires d’autoroutes comme « une opération réussie ». « Un choix qui reste cohérent avec ma vision de la politique économique et du rôle de l’État », a-t-il précisé, et qui a pour double objectif de désendetter l’État et d’investir dans l’avenir. « La seule décision politique prise a été de céder la gestion du réseau autoroutier à des entreprises privées avec la conviction que ces sociétés sont mieux équipées que l’État pour gérer les autoroutes », souligne le ministre, qui rappelle au passage que, contrairement à ce que certains voudraient laisser entendre, « l’État est toujours propriétaire des autoroutes ».
 
Pour lui, il ne fait aucun doute que les infrastructures actuelles sont en meilleur état qu’il y a quinze ans. Selon le ministre, la qualité de service a été au rendez-vous, grâce notamment aux 22 milliards d’euros investis par les sociétés concessionnaires. « Le modèle de délégation de service public à des entreprises privées a apporté la preuve de son efficacité même si la régulation doit être améliorée », estime-t-il. Bruno Lemaire plaide ainsi pour des durées de concession de quinze ans, avec des rendez-vous tous les cinq ans. Mais il ne croit « absolument pas à une opportunité de renationalisation » des sociétés concessionnaires d’autoroutes. Le coût serait beaucoup trop élevé pour l’État, « entre 45 et 55 milliards d’euros ». Et ce « serait un très mauvais investissement », car l’Etat doit investir en priorité dans l’innovation et la recherche.


Une solution qui fait des émules dans les services hospitaliers

Preuve de son efficacité et de ses multiples domaines d’application, le contrat de concession intéresse également aujourd’hui les hôpitaux. Les établissements de santé sont en effet amenés à intégrer de nouvelles activités, tournées vers l’accueil des pa­tients et de leurs proches. Un nombre croissant d’établis­sements publics a ainsi lancé des démarches inno­vantes pour améliorer les conditions de vie des usagers à l’hôpital, notamment via des services numériques ou de conciergerie. Parmi les différents modes de gestion, le contrat de concession présente de nombreux atouts pour proposer de nouvelles prestations ou un meilleur niveau de qualité des services existants, dans un cadre juridique sécurisé.

La fourniture d’appareils de télé­vision aux personnes hospitalisées, par exemple, entre dans le cadre de la délé­gation de service public – le Conseil d’Etat ayant estimé que l’accès des patients à internet et à la télévision, dont dépend leur communication avec l’extérieur, constituait une mission d’intérêt général liée à l’activité de soins de l’hôpital. Un raisonnement qui peut également être transposé aux cafétérias et aux services de conciergerie, qui se développent au sein des hôpitaux, ainsi qu’aux travaux nécessitant d’importants investissements comme les parcs de stationnement ou les réseaux télécom et wifi. Preuve de son succès, la concession apparaît donc aussi désormais comme un outil de choix pour la gouvernance des missions de service public.

La Rédaction



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