Une scène digne du Titanic
Le 13 Janvier 2012 à 19h18, le Concordia – un paquebot de 290 mètres de long – quitte le port de Civitavecchia près de Rome en direction de Savone, avec 4229 passagers à son bord, dont plus de 3200 de touristes, en majorité italiens, allemands et français.
A 21h45, s’approchant trop près des côtes pour « saluer » l’île Giglio, le navire heurte un rocher sur son flanc gauche. Un grand bruit retentit, les plats et les couverts tombent à terre, les lumières s’éteignent. Le personnel se veut rassurant et seul un « problème de générateurs électriques » devant être rapidement réglé est évoqué. En réalité, le Concordia prend l’eau et commence sérieusement à pencher sur le côté. Les passagers s’en aperçoivent et se mettent rapidement à paniquer. Le capitaine ne prend pas la mesure réelle de la situation et ne décidera l’abandon du navire qu’à 22h54.
L’alerte crée un véritable chaos. Les passagers évoquent des « scènes d’apocalypse ». Les membres de l’équipage les incitent à enfiler des gilets de sauvetage et à rejoindre les chaloupes. Des bousculades s’ensuivent. Des cris et des pleurs résonnent. Nombreux sont les passagers qui sautent ou tombent dans l’eau glacée. L’équipage est mal préparé, les ordres reçus sont contradictoires, le matériel est défaillant, les chaloupes ne sont pas assez nombreuses. Il y a un manque évident de communication et d’organisation. Alors que les évacuations se prolongent jusqu’à 6h00, le commandant est retrouvé sur le rivage à 23h40 – il est l’un des premiers à avoir quitté le navire.
Un siècle après la tragédie du Titanic, le naufrage du Concordia coûte la vie à 32 personnes.
La communication de crise se met en marche
A 01h00, alors que l’opération de sauvetage est en cours, Costa Croisières publie un premier communiqué très factuel qui ne permet pas de réaliser l’ampleur du drame qui est en train de se dérouler. La compagnie confirme l’évacuation des personnes présentes à bord du Concordia en raison « d’un incident » et assure que les moyens nécessaires afin de leur porter assistance ont été déployés. Ayant encore très peu d’informations et souhaitant rester prudent, le groupe affirme que « les raisons de l’incident ne peuvent pas être confirmées ».
A 5h10 puis à 12h00, Costa Croisières change de ton, adopte une stratégie compassionnelle et publie deux autres communiqués, évoquant « une tragédie qui affecte profondément notre compagnie » et exprimant ses condoléances aux familles et aux proches des victimes. Le groupe remercie également tous ceux qui ont participé à l’opération de sauvetage. A ce stade, les informations données quant au déroulé des évènements sont minimes. A 17h30, Gianni Onorato, Directeur Général de Costa Croisières, donne les premiers éléments sur la cause du naufrage et assure que le capitaine du navire a immédiatement pris conscience de la gravité de la situation – ce qui s’est révélé par la suite mensonger.
Le 15 Janvier à 20h15, la compagnie publie un long communiqué et adopte une stratégie de transfert. Costa Croisières se dédouane complètement et remet entièrement la faute sur le commandant du navire, Francesco Schettino. Le coupable est clairement identifié. Le PDG de Costa Croisières annonce que le commandant a été incarcéré et que de lourdes accusations pèsent contre lui : il semblerait qu’il ait emprunté une route très proche de la côte, contrairement aux règles écrites et certifiées, et qu’il n’ait pas suivi les procédures prescrites en cas d’accident. Le PDG se dissocie clairement de son employé qu’il pointe du doigt car il a « commis des erreurs de jugement », portant aussi bien préjudice aux passagers qu’à Costa Croisières. Puis, afin de rassurer les clients, le PDG fait un long éloge de toutes les mesures de sécurité existantes au sein des navires de la compagnie, assure que les membres d’équipage effectuent régulièrement des simulations d’évacuation et sont donc parfaitement formés.
Le 16 Janvier au matin, il accorde une conférence de presse à Gênes. Les larmes aux yeux face aux caméras, il présente ses excuses et ses condoléances aux familles des victimes.
En parallèle, Costa Croisières suspend immédiatement toutes ses communications publicitaires. Un mois et demi avant le drame, le groupe avait lancé une grande campagne de publicité mettant en scène un voyage onirique dont le slogan était « Le Paradis sur Terre ». Les spots diffusés sur plusieurs chaînes françaises ont été facilement stoppés. Ceux diffusés dans les salles de cinéma l’ont été moins rapidement, Médiavision ne pouvant être contactée le week-end. Le groupe déprogramme également une nouvelle émission, « La Croisières des Idoles », qui devait suivre des vedettes de la chanson française lors d’une croisière de luxe, et être diffusée sur France 3 les 23 et 30 Janvier 2012.
Le 27 Janvier, Costa Croisières s’engage à verser la somme de 14.000 euros d’indemnités à chacun des passagers. Certains ont apprécié ce geste, d’autres l’ont trouvé indécent, à seulement deux semaines de la catastrophe.
Bientôt dix ans après la catastrophe : quel bilan ?
Tout d’abord, la compagnie a réagi très rapidement en exposant les faits bruts deux heures après le lancement de l’opération de sauvetage. Publier des communiqués de manière régulière lui a permis d’être plus crédible, de limiter la propagation de rumeurs et de jouer la transparence. Ainsi, Costa Croisières a montré qu’elle était maître de ce qu’il se passait.
De plus, la stratégie compassionnelle a été efficace et a permis aux familles des victimes de se sentir comprises. Lors d’une telle catastrophe, où la dimension émotionnelle est exacerbée, la posture attendue de la part d’une entreprise est celle de la compassion et de l’empathie.
Enfin, la stratégie du bouc émissaire, bien que dangereuse, a permis de rétablir l’image de l’entreprise auprès du public. Le commandant, ayant été désigné comme unique coupable, son licenciement a donné un nouvel élan à la compagnie. La condamnation à 16 ans de prison ferme pour homicides, abandon de navire et naufrage, de « l’homme le plus détesté d’Italie » a donné raison à Costa Croisières.
Cependant, des erreurs sont également à relever. D’abord, pour ce qui est de la gestion du naufrage en elle-même. En effet, de nombreux passagers ont enregistré les évènements sur leurs portables et les ont diffusés sur les réseaux sociaux. Ces vidéos, massivement relayées, montraient les défaillances de l’équipage qui manquait cruellement d’organisation. Certains membres ne parlaient ni l’anglais ni l’italien. Les naufragés ont donc eu des difficultés à recevoir des informations sur le déroulé de l’évacuation, ce qui a pu coûter la vie à plusieurs personnes. La préparation de l’équipage en amont était donc clairement insuffisante, alors que Costa Croisières avait déclaré qu’il était parfaitement préparé à ce genre de situation et s’était dédouanée de toute responsabilité, ce qui a provoqué un tôlé sur les médias sociaux.
De plus, Costa Croisières n’a pas réussi à contrôler le flux d’informations extérieures, et a souffert de la frénésie de versions provenant des passagers ou du commandant relatant les évènements. Ce dernier a par exemple déclaré que la compagnie lui avait donné l’autorisation de naviguer si près de la côte, ce qui a affaibli la version officielle.
En interne, il y a également eu des problèmes de communication. Plusieurs jours après le drame, certaines agences de voyages proposaient toujours des séjours à bord du paquebot et il était encore possible de réserver des billets. On peut également regretter que la première prise de parole de la direction n’ait eu lieu que le 16 Janvier au matin, plus de 48h après le naufrage. Cela paraît très tardif et donnait l’impression que le PDG fuyait ses responsabilités.
Finalement, après avoir tout d’abord supporté une baisse de réservations, Costa Croisières a enregistré en 2013 une augmentation de 25% de ses ventes, sûrement dynamisées par une diminution des prix. L’impact sur les ventes aura donc été relativement faible, et n’aura pas permis de déstabiliser le leader européen des croisières. Depuis, Costa Croisières a pris conscience de ses erreurs et instauré de nouvelles mesures de sécurité pour améliorer la sécurité à bord.
Le 13 Janvier 2012 à 19h18, le Concordia – un paquebot de 290 mètres de long – quitte le port de Civitavecchia près de Rome en direction de Savone, avec 4229 passagers à son bord, dont plus de 3200 de touristes, en majorité italiens, allemands et français.
A 21h45, s’approchant trop près des côtes pour « saluer » l’île Giglio, le navire heurte un rocher sur son flanc gauche. Un grand bruit retentit, les plats et les couverts tombent à terre, les lumières s’éteignent. Le personnel se veut rassurant et seul un « problème de générateurs électriques » devant être rapidement réglé est évoqué. En réalité, le Concordia prend l’eau et commence sérieusement à pencher sur le côté. Les passagers s’en aperçoivent et se mettent rapidement à paniquer. Le capitaine ne prend pas la mesure réelle de la situation et ne décidera l’abandon du navire qu’à 22h54.
L’alerte crée un véritable chaos. Les passagers évoquent des « scènes d’apocalypse ». Les membres de l’équipage les incitent à enfiler des gilets de sauvetage et à rejoindre les chaloupes. Des bousculades s’ensuivent. Des cris et des pleurs résonnent. Nombreux sont les passagers qui sautent ou tombent dans l’eau glacée. L’équipage est mal préparé, les ordres reçus sont contradictoires, le matériel est défaillant, les chaloupes ne sont pas assez nombreuses. Il y a un manque évident de communication et d’organisation. Alors que les évacuations se prolongent jusqu’à 6h00, le commandant est retrouvé sur le rivage à 23h40 – il est l’un des premiers à avoir quitté le navire.
Un siècle après la tragédie du Titanic, le naufrage du Concordia coûte la vie à 32 personnes.
La communication de crise se met en marche
A 01h00, alors que l’opération de sauvetage est en cours, Costa Croisières publie un premier communiqué très factuel qui ne permet pas de réaliser l’ampleur du drame qui est en train de se dérouler. La compagnie confirme l’évacuation des personnes présentes à bord du Concordia en raison « d’un incident » et assure que les moyens nécessaires afin de leur porter assistance ont été déployés. Ayant encore très peu d’informations et souhaitant rester prudent, le groupe affirme que « les raisons de l’incident ne peuvent pas être confirmées ».
A 5h10 puis à 12h00, Costa Croisières change de ton, adopte une stratégie compassionnelle et publie deux autres communiqués, évoquant « une tragédie qui affecte profondément notre compagnie » et exprimant ses condoléances aux familles et aux proches des victimes. Le groupe remercie également tous ceux qui ont participé à l’opération de sauvetage. A ce stade, les informations données quant au déroulé des évènements sont minimes. A 17h30, Gianni Onorato, Directeur Général de Costa Croisières, donne les premiers éléments sur la cause du naufrage et assure que le capitaine du navire a immédiatement pris conscience de la gravité de la situation – ce qui s’est révélé par la suite mensonger.
Le 15 Janvier à 20h15, la compagnie publie un long communiqué et adopte une stratégie de transfert. Costa Croisières se dédouane complètement et remet entièrement la faute sur le commandant du navire, Francesco Schettino. Le coupable est clairement identifié. Le PDG de Costa Croisières annonce que le commandant a été incarcéré et que de lourdes accusations pèsent contre lui : il semblerait qu’il ait emprunté une route très proche de la côte, contrairement aux règles écrites et certifiées, et qu’il n’ait pas suivi les procédures prescrites en cas d’accident. Le PDG se dissocie clairement de son employé qu’il pointe du doigt car il a « commis des erreurs de jugement », portant aussi bien préjudice aux passagers qu’à Costa Croisières. Puis, afin de rassurer les clients, le PDG fait un long éloge de toutes les mesures de sécurité existantes au sein des navires de la compagnie, assure que les membres d’équipage effectuent régulièrement des simulations d’évacuation et sont donc parfaitement formés.
Le 16 Janvier au matin, il accorde une conférence de presse à Gênes. Les larmes aux yeux face aux caméras, il présente ses excuses et ses condoléances aux familles des victimes.
En parallèle, Costa Croisières suspend immédiatement toutes ses communications publicitaires. Un mois et demi avant le drame, le groupe avait lancé une grande campagne de publicité mettant en scène un voyage onirique dont le slogan était « Le Paradis sur Terre ». Les spots diffusés sur plusieurs chaînes françaises ont été facilement stoppés. Ceux diffusés dans les salles de cinéma l’ont été moins rapidement, Médiavision ne pouvant être contactée le week-end. Le groupe déprogramme également une nouvelle émission, « La Croisières des Idoles », qui devait suivre des vedettes de la chanson française lors d’une croisière de luxe, et être diffusée sur France 3 les 23 et 30 Janvier 2012.
Le 27 Janvier, Costa Croisières s’engage à verser la somme de 14.000 euros d’indemnités à chacun des passagers. Certains ont apprécié ce geste, d’autres l’ont trouvé indécent, à seulement deux semaines de la catastrophe.
Bientôt dix ans après la catastrophe : quel bilan ?
Tout d’abord, la compagnie a réagi très rapidement en exposant les faits bruts deux heures après le lancement de l’opération de sauvetage. Publier des communiqués de manière régulière lui a permis d’être plus crédible, de limiter la propagation de rumeurs et de jouer la transparence. Ainsi, Costa Croisières a montré qu’elle était maître de ce qu’il se passait.
De plus, la stratégie compassionnelle a été efficace et a permis aux familles des victimes de se sentir comprises. Lors d’une telle catastrophe, où la dimension émotionnelle est exacerbée, la posture attendue de la part d’une entreprise est celle de la compassion et de l’empathie.
Enfin, la stratégie du bouc émissaire, bien que dangereuse, a permis de rétablir l’image de l’entreprise auprès du public. Le commandant, ayant été désigné comme unique coupable, son licenciement a donné un nouvel élan à la compagnie. La condamnation à 16 ans de prison ferme pour homicides, abandon de navire et naufrage, de « l’homme le plus détesté d’Italie » a donné raison à Costa Croisières.
Cependant, des erreurs sont également à relever. D’abord, pour ce qui est de la gestion du naufrage en elle-même. En effet, de nombreux passagers ont enregistré les évènements sur leurs portables et les ont diffusés sur les réseaux sociaux. Ces vidéos, massivement relayées, montraient les défaillances de l’équipage qui manquait cruellement d’organisation. Certains membres ne parlaient ni l’anglais ni l’italien. Les naufragés ont donc eu des difficultés à recevoir des informations sur le déroulé de l’évacuation, ce qui a pu coûter la vie à plusieurs personnes. La préparation de l’équipage en amont était donc clairement insuffisante, alors que Costa Croisières avait déclaré qu’il était parfaitement préparé à ce genre de situation et s’était dédouanée de toute responsabilité, ce qui a provoqué un tôlé sur les médias sociaux.
De plus, Costa Croisières n’a pas réussi à contrôler le flux d’informations extérieures, et a souffert de la frénésie de versions provenant des passagers ou du commandant relatant les évènements. Ce dernier a par exemple déclaré que la compagnie lui avait donné l’autorisation de naviguer si près de la côte, ce qui a affaibli la version officielle.
En interne, il y a également eu des problèmes de communication. Plusieurs jours après le drame, certaines agences de voyages proposaient toujours des séjours à bord du paquebot et il était encore possible de réserver des billets. On peut également regretter que la première prise de parole de la direction n’ait eu lieu que le 16 Janvier au matin, plus de 48h après le naufrage. Cela paraît très tardif et donnait l’impression que le PDG fuyait ses responsabilités.
Finalement, après avoir tout d’abord supporté une baisse de réservations, Costa Croisières a enregistré en 2013 une augmentation de 25% de ses ventes, sûrement dynamisées par une diminution des prix. L’impact sur les ventes aura donc été relativement faible, et n’aura pas permis de déstabiliser le leader européen des croisières. Depuis, Costa Croisières a pris conscience de ses erreurs et instauré de nouvelles mesures de sécurité pour améliorer la sécurité à bord.