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#Mou9ati3oun : le boycott marocain qui ébranla Danone




Jeudi 18 Août 2022


Avril 2018 : un internaute anonyme lance sur Facebook le hashtag « #Mou9ati3oun », « #nous_boycottons » en français. Visant trois entreprises, dont Danone, accusées d’abuser de leur position dominante sur le marché marocain ; le mouvement va prendre une ampleur sans précédent dans le royaume. Retour sur une crise qui aura coûté 178 millions d’euros au géant de l’agroalimentaire français.



Un boycott sur fond de contestation sociale
 
Depuis 2016, le pays est bousculé par des mouvements de contestations sociales. Le Rif – région pauvre au nord du Maroc – fut frappée de violentes manifestations après la mort d’un marchand de poissons, broyé par un camion à ordure alors que celui-ci cherchait à récupérer sa marchandise jetée par la police.

En 2018, à la surprise générale, un boycott lancé sur le réseau social Facebook est suivi à travers tout le pays et vise trois entreprises : les bouteilles d’eau Sidi Ali, les stations essence Afriquia et la Centrale Danone, filiale marocaine de Danone et la plus importante du groupe en Afrique. Les boycotteurs dénoncent la position dominante de ces trois entreprises et les accusent de pratiquer des prix trop élevés. Le mouvement, n’inquiétant à ses débuts que peu de monde dans les sphères politiques et économiques, prend de l’ampleur. Pire, un cadre de Danone vilipende le mouvement et traite les boycotteurs de « traîtres à la nation ». Résultat : les ventes de Centrale Danone chutent de 35% en 2018, soit un manque à gagner de 178 millions d’euros par rapport à 2017. 
 

Danone ou la stratégie du « je vous ai compris »
 
Face à l’importance du mouvement, Danone décide de prendre le problème à bras le corps et développe une stratégie fondée sur la concertation et la conciliation. Dans l’urgence, le groupe va dérouler la première étape de sa stratégie et concéder une première victoire aux boycotteurs : le prix de certaines briques de lait pasteurisé baisse d’environ 10% et un format économique est annoncé.
 
La deuxième étape de la stratégie de Danone repose sur une communication active qui vise à regagner la confiance des consommateurs. Dans un premier temps, l’entreprise cherche à renverser la vapeur, en expliquant que le boycott de ses produits est infondé. Le 2 mai 2018, dans un communiqué, Danone dément toute augmentation des prix et s’excuse des propos tenus par le cadre cité plus haut. L’exercice s’avère néanmoins inefficace, les ventes continuent de chuter et les internautes ne croient pas aux excuses. Danone décide de renforcer ses efforts : le 16 mai dans un nouveau communiqué, l’entreprise annonce de nouvelles promotions et communique sur la réalité de ses marges afin d’étouffer les accusations de positions dominantes.
 
Dans un second temps, le PDG du groupe Emmanuel Faber mène en personne une campagne de communication plus active intiutlée « Ntwaslo o nwaslo » (« Communiquons et avançons »). Celui-ci s’engage alors à rencontrer des représentants de toutes les parties prenantes : mères de familles, jeunes boycotteurs, salariés, représentants syndicaux et éleveurs lors d’échanges filmés et retransmis sur les réseaux sociaux. A l’issue de ces rencontres, M. Faber convoque alors une conférence de presse afin de dresser le bilan de la campagne au cours de laquelle il s’engage à ne faire plus aucun profit sur la marque de lait pasteurisé Centrale.
 

Un bilan en demi-teinte
 
La stratégie de Danone a été plutôt efficace bien que les ventes aient chutées sur l’année 2018. Le résultat de l’entreprise a augmenté en 2019 et celle-ci reconquiert petit à petit des parts de marché. Il est intéressant de voir que Danone s’est sensiblement attachée à redorer son blason suite au boycott par rapport à ses deux co-accusés. Aziz Akhannouch en particulier, président du groupe Akwa visé par le mouvement, a en effet choisi une stratégie radicalement différente. Celui-ci a préféré l’ignorer et n’a pas mené de campagne de réconciliation comme celle de Danone. En définitive, le groupe agro-alimentaire retrouve lentement son capital de sympathie dans le royaume et son PDG est apprécié. On ne peut guère en dire autant de M. Akhannouch …

Rédaction




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