Une pratique ancrée dans le temps et non dans les mœurs
La méthode de la « fistulation » consiste à inciser le flanc d’un bovin pour y insérer une canule (hublot) d’un largueur de 15 centimètres, et avoir ainsi directement accès au rumen de l’animal à tout moment de sa vie. Utilisé à des fins scientifiques, le recours aux hublots est justifié par l’étude du système digestif des vaches dans l’optique de leur fournir une meilleure alimentation et réduire les émissions de méthane liées à l’élevage.
Si cette pratique n’est pas nouvelle et a fait l’objet de plusieurs reportages depuis les années 1970, force est de constater que l’écho auprès du grand public et des médias n’est plus le même. C’est donc à une crise de réputation que s’est confronté le groupe Avril à la suite de la diffusion des images en caméra cachée de l’association L214.
Une campagne de communication digitale efficace et transversale
Rodée aux campagnes de communication en ligne depuis plusieurs années, L214 utilise à la perfection les réseaux sociaux pour interpeller sur le traitement des animaux d’élevage et de certaines pratiques de l’industrie agroalimentaire, par le biais de vidéos aux images chocs et sans fard.
Ne dérogeant pas à la règle, la campagne de communication contre la fistulation passe ici par la publication d’une vidéo Youtube diffusée via leurs réseaux sociaux, accompagnée d’un communiqué de presse qui dénonce cette pratique. En l’espace de quelques heures, la vidéo devient virale et est visionnée près d’un demi-million de fois. En moins de 2 minutes 30, l’animateur Nagui, à qui l’association L214 a fait appel pour cette campagne, présente les images tournées en caméra cachée et demande la suspension de la méthode du « hublot ». La présence à l’image de techniciens qui insèrent et retirent leur bras à l’intérieur de la fistule est particulièrement dur à regarder et complète le tableau.
A l’image de l’immédiateté qui caractérise les réseaux sociaux, la campagne de communication de l’association est rapidement reprise et partagée par les médias traditionnels sur leurs propres réseaux sociaux dans un premier temps, pour ensuite faire l’objet d’articles à part entière. En quelques heures, plusieurs centaines d’articles seront alors publiés, en se basant en majorité sur les éléments fournis par l’association. Le sujet dépassera alors le cadre national, faisant l’objet de reportage de médias étrangers.
Outre la sphère médiatique, des dizaines d’influenceurs et personnages publics prendront la parole pour dénoncer la méthode de la fistulation. Initié par l’animateur Nagui, le mouvement se répandra à des associations, chanteurs, partis politiques et autres personnalités connues.
Au sortir de la crise, le sujet des vaches à hublot aura ainsi fait l’objet de près de 1 000 articles de presse en ligne et de plusieurs dizaines de milliers de messages d’internautes sur les réseaux sociaux.
Une réaction rapide mais a minima face à la crise
Le groupe Avril a su faire preuve de réactivité face à la campagne de communication contre le recours aux vaches à hublot en publiant, dans les 24 heures, un communiqué de presse pour répondre aux accusations. Une telle rapidité peut en partie s’expliquer par l’histoire qui lie la firme à l’association L214, cette dernière ayant déjà interpellé le groupe Avril à plusieurs reprises entre 2017 et 2019, au sujet d’actes de maltraitances à l’égard de poules pondeuses dans plusieurs élevages liés au groupe Avril à travers l’Hexagone.
A cet égard, notons que le groupe Avril conserve comme principal vecteur de communication le communiqué de presse, mais semble avoir progressivement rationalisé sa stratégie de communication, en se distançant de l’empathie dont elle a fait preuve au cours de la première affaire. Alors que le groupe s’était engagé à suspendre ses relations commerciales avec l’entreprise visée par les vidéos de L214 en 2017 et avait fait part de son horreur face aux pratiques filmées, elle s’était contentée de rappeler son engagement pour un « œuf alternatif » en 2019, sans laisser de place à l’émotion. De la même manière, le communiqué de presse publié le 20 juin 2019 face à la crise des vaches à hublot se contente de répondre sur des éléments factuels.
Ainsi, le groupe Avril rappelle la transparence dont elle fait preuve quant aux méthodes utilisées au sein du centre de recherches de Sourches, tout en soulignant la déloyauté de l’association L214 qui aurait eu recours à la « manipulation d’images montées ». Ensuite, le communiqué de presse met l’accent sur l’utilité de la pratique de la fistulation et des nombreux contrôles existants pour éviter toute dérive. Enfin, la firme rappelle son engagement à remplacer d’ici 2025 « l’essentiel des tests sur animaux par des méthodes alternatives ».
Le groupe Avril, silencieux sur les réseaux sociaux et très rationnel dans son communiqué de presse, donne ici l’impression d’être conscient d’avoir perdu d’avance la bataille de l’image.
Un combat médiatique perdu d’avance ?
Contrairement aux affaires de maltraitance des poules pondeuses auxquelles le groupe Avril a dû faire face, le processus de la fistulation s’inscrit dans un cadre légal défini, qui en autorise sa pratique. Cette méthode a par ailleurs été défendue par l’Institut national de recherche agronomique (Inra), par plusieurs vétérinaires et certains membres du Gouvernement qui, tout en reconnaissant ses limites, font état de l’absence d’alternatives existantes dans le champ de la recherche.
Malgré ces prises de position en faveur de la pratique de fistulation, le groupe Avril semble cependant conscient que le cœur de l’affaire ne se joue pas devant le tribunal judiciaire, mais devant celui de l’opinion. La brutalité des images des vaches à hublot, la lourde charge émotionnelle véhiculée, la mobilisation d’influenceurs et personnalités publiques ainsi que la grande diversité des médias qui se font le relais de la campagne de communication ne permettent pas au groupe Avril de faire valoir ses arguments. Le registre de l’émotion devient alors la norme, et la firme n’a pas voix au chapitre. Toute réponse basée sur le plan de l’affect apparaîtrait alors comme malvenue, toute argumentation rationnelle serait alors considérée comme déconnectée des préoccupations des consommateurs.
L’étude de la crise des vaches à hublot est d’un intérêt certain en ce qu’elle réunit plusieurs clefs de voûte des crises modernes auxquelles sont confrontées les entreprises. Forte capacité de mobilisation de la société civile, importance des réseaux sociaux et de l’immédiateté, nécessité de prise en compte de l’aspect moral et éthique des activités en sont des illustrations symptomatiques
La méthode de la « fistulation » consiste à inciser le flanc d’un bovin pour y insérer une canule (hublot) d’un largueur de 15 centimètres, et avoir ainsi directement accès au rumen de l’animal à tout moment de sa vie. Utilisé à des fins scientifiques, le recours aux hublots est justifié par l’étude du système digestif des vaches dans l’optique de leur fournir une meilleure alimentation et réduire les émissions de méthane liées à l’élevage.
Si cette pratique n’est pas nouvelle et a fait l’objet de plusieurs reportages depuis les années 1970, force est de constater que l’écho auprès du grand public et des médias n’est plus le même. C’est donc à une crise de réputation que s’est confronté le groupe Avril à la suite de la diffusion des images en caméra cachée de l’association L214.
Une campagne de communication digitale efficace et transversale
Rodée aux campagnes de communication en ligne depuis plusieurs années, L214 utilise à la perfection les réseaux sociaux pour interpeller sur le traitement des animaux d’élevage et de certaines pratiques de l’industrie agroalimentaire, par le biais de vidéos aux images chocs et sans fard.
Ne dérogeant pas à la règle, la campagne de communication contre la fistulation passe ici par la publication d’une vidéo Youtube diffusée via leurs réseaux sociaux, accompagnée d’un communiqué de presse qui dénonce cette pratique. En l’espace de quelques heures, la vidéo devient virale et est visionnée près d’un demi-million de fois. En moins de 2 minutes 30, l’animateur Nagui, à qui l’association L214 a fait appel pour cette campagne, présente les images tournées en caméra cachée et demande la suspension de la méthode du « hublot ». La présence à l’image de techniciens qui insèrent et retirent leur bras à l’intérieur de la fistule est particulièrement dur à regarder et complète le tableau.
A l’image de l’immédiateté qui caractérise les réseaux sociaux, la campagne de communication de l’association est rapidement reprise et partagée par les médias traditionnels sur leurs propres réseaux sociaux dans un premier temps, pour ensuite faire l’objet d’articles à part entière. En quelques heures, plusieurs centaines d’articles seront alors publiés, en se basant en majorité sur les éléments fournis par l’association. Le sujet dépassera alors le cadre national, faisant l’objet de reportage de médias étrangers.
Outre la sphère médiatique, des dizaines d’influenceurs et personnages publics prendront la parole pour dénoncer la méthode de la fistulation. Initié par l’animateur Nagui, le mouvement se répandra à des associations, chanteurs, partis politiques et autres personnalités connues.
Au sortir de la crise, le sujet des vaches à hublot aura ainsi fait l’objet de près de 1 000 articles de presse en ligne et de plusieurs dizaines de milliers de messages d’internautes sur les réseaux sociaux.
Une réaction rapide mais a minima face à la crise
Le groupe Avril a su faire preuve de réactivité face à la campagne de communication contre le recours aux vaches à hublot en publiant, dans les 24 heures, un communiqué de presse pour répondre aux accusations. Une telle rapidité peut en partie s’expliquer par l’histoire qui lie la firme à l’association L214, cette dernière ayant déjà interpellé le groupe Avril à plusieurs reprises entre 2017 et 2019, au sujet d’actes de maltraitances à l’égard de poules pondeuses dans plusieurs élevages liés au groupe Avril à travers l’Hexagone.
A cet égard, notons que le groupe Avril conserve comme principal vecteur de communication le communiqué de presse, mais semble avoir progressivement rationalisé sa stratégie de communication, en se distançant de l’empathie dont elle a fait preuve au cours de la première affaire. Alors que le groupe s’était engagé à suspendre ses relations commerciales avec l’entreprise visée par les vidéos de L214 en 2017 et avait fait part de son horreur face aux pratiques filmées, elle s’était contentée de rappeler son engagement pour un « œuf alternatif » en 2019, sans laisser de place à l’émotion. De la même manière, le communiqué de presse publié le 20 juin 2019 face à la crise des vaches à hublot se contente de répondre sur des éléments factuels.
Ainsi, le groupe Avril rappelle la transparence dont elle fait preuve quant aux méthodes utilisées au sein du centre de recherches de Sourches, tout en soulignant la déloyauté de l’association L214 qui aurait eu recours à la « manipulation d’images montées ». Ensuite, le communiqué de presse met l’accent sur l’utilité de la pratique de la fistulation et des nombreux contrôles existants pour éviter toute dérive. Enfin, la firme rappelle son engagement à remplacer d’ici 2025 « l’essentiel des tests sur animaux par des méthodes alternatives ».
Le groupe Avril, silencieux sur les réseaux sociaux et très rationnel dans son communiqué de presse, donne ici l’impression d’être conscient d’avoir perdu d’avance la bataille de l’image.
Un combat médiatique perdu d’avance ?
Contrairement aux affaires de maltraitance des poules pondeuses auxquelles le groupe Avril a dû faire face, le processus de la fistulation s’inscrit dans un cadre légal défini, qui en autorise sa pratique. Cette méthode a par ailleurs été défendue par l’Institut national de recherche agronomique (Inra), par plusieurs vétérinaires et certains membres du Gouvernement qui, tout en reconnaissant ses limites, font état de l’absence d’alternatives existantes dans le champ de la recherche.
Malgré ces prises de position en faveur de la pratique de fistulation, le groupe Avril semble cependant conscient que le cœur de l’affaire ne se joue pas devant le tribunal judiciaire, mais devant celui de l’opinion. La brutalité des images des vaches à hublot, la lourde charge émotionnelle véhiculée, la mobilisation d’influenceurs et personnalités publiques ainsi que la grande diversité des médias qui se font le relais de la campagne de communication ne permettent pas au groupe Avril de faire valoir ses arguments. Le registre de l’émotion devient alors la norme, et la firme n’a pas voix au chapitre. Toute réponse basée sur le plan de l’affect apparaîtrait alors comme malvenue, toute argumentation rationnelle serait alors considérée comme déconnectée des préoccupations des consommateurs.
L’étude de la crise des vaches à hublot est d’un intérêt certain en ce qu’elle réunit plusieurs clefs de voûte des crises modernes auxquelles sont confrontées les entreprises. Forte capacité de mobilisation de la société civile, importance des réseaux sociaux et de l’immédiateté, nécessité de prise en compte de l’aspect moral et éthique des activités en sont des illustrations symptomatiques