Bien souvent, le continent Africain apparaît comme une zone fragmentée et divisée en proie à différentes communautés et où les rivalités locales sont entremêlées de conflits géostratégique, politiques et religieux.
L’actualité récente et l’histoire de ce continent ne peuvent qu’attester de ce phénomène. Elles contribuent à fragiliser l’harmonie et l’équilibre entre les différents pays d’Afrique. Néanmoins, des travaux particulièrement intéressants menés par E. Mutabazi donnent un éclairage sur l’unité culturelle Africaine, qui en dépit de sa diversité aux plans politique, économique, social et religieux, laissent entrevoir un système cohérent de valeurs, de règles partagées par un grand nombre de pays Africains.
Ce modèle permet de donner une vision fine et intéressante à la culture africaine qui à bien des égards mérite intérêt, en raison de la pertinence et de sa cohérence avec ce qu’est la réalité humaine. Il explique également, en dépit des difficultés rencontrées, les modes spécifiques de cohabitation et de coopération qui peuvent exister au sein de la culture africaine et dans quelle mesure ceux-ci constituent des mécanismes durables et efficaces, par delà les diversités.
Le premier socle de ce modèle tient dans la constitution d’un réseau relationnel et collectif d’interdépendance réciproque (à travers des dons et des contre-dons), où chacun dépend des autres pour traiter la plupart de ses problèmes et répondre à ses préoccupations quotidiennes (travail, récoltes, intégration de nouvelles compétences et savoir, gestion et traitement des informations…), pour assurer la cohésion et la survie de tous. Ainsi, dans la culture Africaine prise dans son ensemble, la question des « synergies humaines » est centrale. L’homme africain n’est pas seul pour agir, il s’appuie sur des forces collectives de diverses natures (famille, clans, réseau amical, environnement social) sur lequel il peut compter pour accomplir ses actions. Ainsi, s’il y a interdépendance, celle-ci est au service du développement et la mise en commun des synergies de tous.
Un autre aspect de la culture africaine concerne la place particulière accordée aux « vieux », lorsque l’âge est associé à la sagesse et à l’exemplarité. En effet, dans beaucoup de pays d’Afrique, la vieillesse est valorisée : le « vieux » est respecté, car il a l’expérience de la vie et des relations sociales. Mais il n’est respecté que lorsqu’il le mérite. Autrement dit, la verticalité du pouvoir est contrebalancée par des critères très stricts en termes de légitimité que les « vieux » doivent réunir et exprimer au travers de leurs décisions et comportements.
Il est à noter que la verticalité du pouvoir (importance du chef) est souvent contrebalancée sur un plan horizontal par la circulation d’informations entre personnes de la même tranche d’âge (groupes de pairs). Ceux-ci se retrouvent régulièrement pour s’informer et apprendre les uns des autres. Ces échanges et les analyses critiques collectives au sein de ces groupes sont par conséquent une forme de contre-pouvoir qui le cas échéant peut déboucher sur la remise en cause du pouvoir du « chef » lorsque son comportement est jugé inadéquat.
Les travaux d’ E. Mutabazi contribuent ainsi à donner une approche relativement cohérente et équilibrée du modèle culturel africain qui dans un monde en perte de repères face à la globalisation des économies peut avoir valeur de sens et constituer une source de réflexion pour nous tous.