Carnets du Business


           

Le Dieselgate : examen d’une crise mal gérée




Mardi 7 Avril 2020


En 2015, L’Agence américaine de protection de l’environnement fait éclater un scandale sans équivalent dans l’histoire automobile : le groupe Volkswagen est accusé d’avoir utilisé de 2009 à 2015 des techniques visant à réduire frauduleusement les émissions polluantes de certains de ses moteurs. L’affaire Volkswagen, aussi appelée « dieselgate », entraîne le retrait de millions de véhicules et la démission du président du groupe, Martin Winterkorn. Retour sur cette crise de grande ampleur et les erreurs de la direction durant la gestion de la crise.



Le Dieselgate, de quoi parle-t-on ?

En 2009, Volkswagen s’attaque au marché américain des voitures diesel en commercialisant ses nouveaux modèles conçus à partir de 2006. Cependant, la norme américaine pour être homologué est très exigeante et les moteurs de la marque émettent trop d’oxydes d’azote. Le groupe estime alors qu’il serait trop coûteux de concevoir des moteurs qui ne dépassent pas la limite légale et décide qu’un logiciel frauduleux sera installé sur les voitures pour que le moteur ne respecte la limite uniquement lors des contrôles d’homologation. Les tests antipollution sont donc totalement faussés et la voiture peut être homologuée alors qu’elle pollue bien au-dessus de la limite. Ce logiciel a été installé sur 50 000 voitures vendues aux États-Unis, et 11 millions en tout dans le monde.

En 2014, des chercheurs américains mènent des tests sur différentes voitures européennes et découvrent que les véhicules Volkswagen émettent des quantités d’oxydes d’azote supérieures à la limite autorisée. Le groupe prétexte alors des problèmes techniques et de mauvaises conditions d’utilisation et rappelle des modèles en usine pour une actualisation de logiciel. Cependant les véhicules échouent de nouveau aux tests. Dos au mur et sans explication convaincante, le groupe finit par avouer l’existence de son logiciel truqueur en 2015. Les instances judiciaires de plusieurs pays lancent alors des procédures contre l’entreprise ou ses dirigeants tandis que le cours de l’action Volkswagen s’effondre. S’enchaînent arrestations et condamnations des responsables, la firme doit rappeler des milliers de voitures à travers le monde et payer des sommes d’argent considérables : 14 milliards de dollars aux Etats-Unis.
 
Une succession d’erreurs aux conséquences désastreuses

Face à une quadruple crise, une crise d'image, de confiance, de réputation et de relations publiques, la réponse du groupe n’est pas à la hauteur.

La première erreur remonte à 2014, lorsque le groupe prit conscience qu’une enquête était réalisée aux Etats-Unis et qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant que le pot aux roses ne soit découvert. L’entreprise aurait pu mettre au point une stratégie de communication proactive, mais ce n’est qu’en septembre 2015 qu’elle a réagi publiquement, et maladroitement.

Une fois les résultats des tests connus, la firme fait une seconde erreur en choisissant de tout nier pendant une longue période, mais sans changer fondamentalement le fonctionnement des voitures. Le groupe a tout simplement cru qu’en niant les faits, les chercheurs auraient cessé d’effectuer des tests, ce qui n’a pas été le cas. De plus, des consignes en interne semblent avoir été données pour ne rien révéler, et même pour détruire tous les documents correspondant au logiciel truqueur. Cette stratégie n’a donc fait que retarder le moment fatidique en le rendant encore plus dévastateur.

La troisième erreur réside dans une communication inadaptée. Quelques heures après la révélation publique du scandale le groupe reconnaît officiellement les faits et annonce lancer une enquête externe. Ce message vidéo de Martin Winterkorn était nécessaire pour présenter les excuses du groupe, mais il manquait cruellement de professionnalisme et aurait dû être mieux préparé. Le PDG proposa des excuses mitigées et sa principale préoccupation était d’affirmer qu’il n’avait aucune connaissance de la manipulation illégale. Tout au long du message vidéo, aucune information concrète et objective n’est donnée, aucune annonce pouvant rassurer les publics ou les parties prenantes de l'entreprise n’est faite. Quant à Michael Horn, Directeur général de Volkswagen aux USA, il est entré en scène pour déclarer : "On a merdé ou on a déconné", propos inadmissibles même en période de crise. Il apparait donc que la réponse initiale de la firme n’exprimait aucun regret. Le groupe a avoué la faute dans un langage plus ou moins clair, et même dans un langage fleuri tentant le coup de la formule choc. En parallèle, Volkswagen ne se donne pas la peine de communiquer sur ses réseaux sociaux pour annoncer le retrait de ses véhicules ou des excuses, difficile alors de répondre aux attaques du groupe sur Facebook ou Twitter.

Volkswagen commet ici l’erreur la plus grave de cette gestion de crise. La communication de crise est une arme aux services de l’entreprise, elle permet de proposer une interprétation à des faits génants. Or pendant cette crise elle est brouillonne, soit trop technocratique, soit trop familière et ne répond pas aux principes de la communication de crise qui sont : une communication rapide, transparente, factuelle et empathique.

Finalement, il faut attendre le 23 septembre 2015 pour que la firme agisse concrètement et prenne des mesures pour surmonter cette crise avec la démission de Martin Winterkorn. Cependant ne pas démissionner immédiatement est évidemment ici une quatrième erreur considérable, car elle aurait matérialisé le fait que le groupe prenait ses responsabilités. De plus, l’ex PDG déclare ne pas avoir été informé de cette fraude organisée, chose inconcevable au vu de l’ampleur de la fraude. Personne ne peut croire aujourd'hui que la crise soit sortie de nulle part, seule sans raison. La marque paie des erreurs stratégiques qui doivent être assumées et le PDG doit en répondre sous peine de mettre en péril sa marque. Or ici, loin d’assumer les conséquences des choix du groupe, Martin Winterkorn rejette la faute sur des cadres qui auraient agis dans l’ombre.
 
Il apparaît donc que la gestion de la crise par Volkswagen n’a pas été à la hauteur du groupe : silence, absence de communication structurée, démentis maladroits, déclarations faussement rassurantes, incapacité à donner des informations minimales sur des données basiques de la crise... Volkswagen a fait preuve d’irresponsabilité en ne se préparant pas à l’éventualité d’une telle crise, le groupe n’était pas organisé et manquait d’une stratégie de communication de crise efficace : reconnaître qu'il y a bien un problème, démontrer son engagement à résoudre la crise pour rassurer l'opinion, donner tous les faits, …

Au total, le scandale a plombé les comptes de près de 17 milliards d’euros en raison de dépenses pour les campagnes de réparation sur 11 millions de moteurs et la couverture des risques juridiques dans le monde. Pourtant, le dieselgate n'aura pas plombé durablement les résultats du groupe Volkwagen car en 2017, le groupe a dégagé un bénéfice net de 11,3 milliards d'euros, soit le double de celui enregistré lors de l'année précédente.

Margaux Djoudi

Dans cet article : dieselgate, Volkswagen



Recherche

Rejoignez-nous
Twitter
Rss
Facebook




L'actualité économique avec le JDE






2ème édition, revue et augmentée