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Le Crash de l’A380 de Germanwings, une gestion de crise délicate




Mardi 23 Août 2022


Les crashs aériens constituent des événements éminemment médiatiques qui peuvent impacter l’image d’une compagnie aérienne sur le très long terme et provoquer une perte de confiance durable de l’ensemble des partie prenantes. Par exemple, seulement six mois après le crash de l’A320 de Germanwings, la maison mère Lufthansa a annoncé la disparition progressive de sa filiale à bas coût qui sera remplacée progressivement par Eurowings. A la suite du crash les ventes de l’entreprise low-cost avaient en effet chuté drastiquement, lui faisant perdre le faible bénéfice qu’elle parvenait jusque-là à dégager.



Un crash intentionnel

Le 24 avril 2015, un airbus A320 de Germanwings reliant Barcelone à Düsseldorf s’est écrasé dans les Alpes du Sud Françaises, provoquant la mort de 150 personnes. Il a fallu a fallu à peine quelques heures aux autorités françaises pour retrouver l’avion et quelques jours pour dresser la trame des événements.

L'avion avait quitté Barcelone à 9h et devait arriver à Düsseldorf vers 12h20. À 9h27, alors que l'avion avait enfin atteint son altitude de croisière, le pilote quitte le cockpit pour quelques minutes pour passer aux toilettes, laissant Andreas Lubitz, son jeune co-pilote de 27 ans aux manettes. Ce dernier, souffrant de troubles suicidaires, et décide de fermer la porte blindée du cockpit et de désactiver le digicode permettant de rentrer à l'intérieur. Il entame alors une longue descente à vitesse maximale pendant une dizaine de minutes jusqu’à ce que l'avion s'écrase à 9h41. Les tours de contrôle de la région ainsi une station sismologique ont enregistré l'événement de façon très précise. L'avion s’est écrasé dans une zone qui n'était accessible qu’à pied ou par hélicoptère, ce qui a retardé l'arrivée des secours. Avec l'intensité du choc, aucune personne à bord n'a pu survivre.

Parmi les passagers se trouvaient 69 Allemands, 51 Espagnols et 27 personnes de 14 autres nationalités. Se trouvait notamment à bord une classe de seize lycéens allemands et leurs professeurs qui rentraient d’un échange scolaire en Espagne.

Différents psychologues aujourd’hui excluent la théorie selon laquelle il s’agirait d’un suicide élargit, un suicide où la personne entraîne ses proches à la mort pour éviter de les faire souffrir, car Andreas Lubitz ne connaissait pas les personnes à bord. Pour eux, le copilote souffrait plutôt de troubles sadiques, qu’on retrouve chez la plupart des tueurs de masse. L’analyse des données du cockpit montre notamment que le rythme cardiaque du copilote est resté sensiblement le même jusqu’à l’impact, excluant aussi la théorie de l’accident. Cependant, comme ce dernier est décédé, il est impossible de procéder à davantage de tests psychologiques, ni même de le poursuivre pour homicide volontaire.

 
Après le choc, une image à reconstruire

Le drame a fait la une de la plupart des journaux européens et a fait l’objet de déclarations officielles de la part du Président français François Hollande, de la Chancelière allemande Angela Merkel, du gouvernement espagnol mais aussi du Roi et de la Reine d’Espagne qui étaient en déplacement en France.

Pour l’entreprise Germanwings elle-même, l’enjeu était largement de démontrer qu’elle avait au préalable tout mis en place pour éviter la tragédie, d’autant plus que les compagnies low-cost sont souvent suspectées de négliger la sécurité de leurs appareils pour limiter leurs coûts. Pour pallier ce manque de reconnaissance, la compagnie mère Lufthansa a pris la responsabilité de communiquer avant sa filiale. Reconnue en Allemagne et ailleurs pour son sérieux et son professionnalisme, Lufthansa avait en effet davantage de légitimité dans sa communication. Le dernier crash que l'entreprise avait connu datait en effet de 1993, plus de vingt ans auparavant. Par ailleurs, cette stratégie de communication lui a permis d’éviter de désigner sa filiale comme bouc-émissaire et de faire taire toute critique qui l’accuserait de ne pas assumer ses responsabilités.

 Ainsi, dès le lendemain du crash, le dirigeant du groupe Lufthansa, Carsten Spohr, en poste depuis 2014, a affirmé que l'avion était « techniquement irréprochable ». Il était pourtant l'un des A320 les plus anciens en service dans la compagnie. Le PDG de l’entreprise a aussi su trouer des mots simples, en restant sobre et mesuré, pour s’exprimer face aux familles des victimes et aux médias et ce dès les premières minutes après le drame sur les réseaux sociaux puis en conférence de presse.

Mais au fur et à mesure de l’avancée l'enquête, ce sont des reproches sans lien avec l’état de l’appareil qui ont émergé de la part des médias et des familles. Tout d'abord, l'entreprise n'avait pas encore imposé la présence de deux membres d'équipage en permanence dans le cockpit, comme c'est le cas dans la plupart des compagnies américaines. Dans un souci de sécurité et d’image, cette obligation a été mise en place dès le lendemain du drame par la quasi-totalité des compagnies européennes.

Le copilote avait un effet pu s’enfermer seul dans le cockpit jusqu'au crash en profitant de l'absence du pilote qui s'était rendu aux toilettes à 9h27 et qui, après avoir compris ce qui se passait, avait essayé d'enfoncer la porte jusqu’à la dernière seconde avant l’impact.

Mais c'est surtout l'incapacité de la compagnie de repérer un pilote dépressif et suicidaire qui lui est imputée. En effet, Andreas Lubitz avait été sélectionné par Lufthansa en 2008 pour entamer sa formation pour devenir pilote malgré des troubles psychologiques importants. Il avait dû être arrêté plusieurs mois pour dépression mais malgré cela avait passé l'ensemble des tests imposés par la compagnie avec succès. Il n'avait pas suffisamment fait l'objet de suivi psychologique de la part de son entreprise, alors que centre aéromédical de la Lufthansa lui avait accordé son certificat médical sous réserve d'« examens médicaux spécifiques réguliers ». On a retrouvé à son domicile une dose importante de médicaments et d'antidépresseurs, dont certains ont pu favoriser son passage à l'acte selon les experts.

Le PDG estime que son entreprise ne peut être tenu pour responsable de l’acte du copilote. La justice a d’ailleurs clos l’enquête en 2017, considérant que le responsable est Andreas Lubitz lui-même. En effet, il n’avait parlé de ses pulsions suicidaires ni aux médecins qui le suivait, ni à ses proches, ce qui n’implique qu’aucun d’entre eux n’ont pu en informer Germanwings, qui ne savait donc rien de son état psychologique réel.

Quelques mois après le drame, Lufthansa a proposé d’indemniser les familles des victimes mais la question de la somme a fait polémique et a fait revenir dans les médias un drame que tous auraient préféré oublier. On retrouve ici toute la difficulté de la gestion et la communication de crises, qui n’est pas une science exacte, mais bien plutôt une science de l’adaptabilité.

A.S.




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