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La prise d’otages dans l’école maternelle Commandant Charcot




Mardi 12 Janvier 2021


Le 13 mai 1993 devait être un jour ordinaire pour les élèves de l’école primaire Commandant Charcot située à Neuilly sur Seine. Ce matin-là, les 21 enfants de la classe N8 tous âgés entre 4 et 5 ans, avaient été déposés par leurs parents et préparaient avec l’aide de leur institutrice Laurence Dreyfus, des colliers destinés à la fête des mères. Le programme de la matinée fût cependant brutalement interrompu par l’irruption dans la salle de classe vers 9h30 d’un individu cagoulé. Ce dernier, vêtu d’un casque de moto, d’un revolver et de différents battons d’explosif ordonna à l’institutrice de faire parvenir à la directrice le message suivant : il voulait au plus vite 100 millions de franc en espèce ainsi qu’une voiture puissante. Cette requête devait être ensuite directement adressée au ministre de l’intérieur Charles Pasqua. Le preneur d’otages indiqua d’emblée qu’aucun enfant ne serait libéré avant la bonne exécution de ses demandes et que celui-ci était prêt à tout faire sauter si ces dernières n’étaient pas honorées. Ainsi commençait un long et douloureux calvaire pour les parents des élèves pris en otage…



La police locale ayant été rapidement informée, un périmètre de sécurité fut vite établi autour de l’école. Puis vinrent les médias de toute part. L’ensemble des chaines d’information véhiculèrent en édition spéciales cette prise d’otage de jeunes enfants innocents dans une des banlieues huppées de la capitale. Le RAID, branche de la police pour faire face aux prises d’otage en milieu urbain, arriva une heure après le début de l’intrusion et pris le commandement des opérations.  Beaucoup moins expérimenté que le GIGN en matière de prises d’otages, le Raid (créé en 1985) doit faire face à sa première crise d’envergure rendue d’autant plus délicate par le jeune âge des victimes. En effet, l’unité de police intervenait très peu car cantonnée en région parisienne, elle était supplanté à Paris par la BRI, en province par les GIPN de la police et non compétente à l’étranger contrairement au GIGN qui est une unité militaire de la gendarmerie.

Le forcené ayant souhaité que son message arrive jusqu’aux oreilles du ministre de l’intérieur Charles Pasqua, ce dernier envoya en urgence Nicolas Sarkozy alors ministre peu connu et surtout maire de Neuilly pour se rendre sur place. Sa mission était de témoigner de l’attention du gouvernement vis-à-vis de cette situation sensible mais ne devait en aucun cas entreprendre une quelconque action qui aurait pu aggraver le danger dans lequel se trouvaient les enfants.

Le Raid dû donc s’organiser avec l’aide d’autres services de l’Etat pour maintenir les médias à l’extérieur d’un périmètre jugé dangereux en cas d’explosion ainsi que d’accueillir et accompagner les parents d’élèves complètement sidérés et bien souvent au bord de la crise de larmes devant leur impuissance face à la situation. Les parents furent donc isolés dans un gymnase et protégés du vacarme médiatique ainsi que de l’indélicatesse de certains journalistes. Le jeune âge des victimes rendait cette situation particulièrement à risque. Chacun sait qu’une classe d’enfants encore loin de l’âge de la raison nécessite des pauses fréquentes à l’extérieur sans lesquelles elle peut devenir très bruyante et extrêmement difficile à contenir pour leur institutrice. Cette ambiance potentielle de bruit et de pleur risquait de déclencher un acte irréparable chez le preneur d’otage dont la psychologie, inconnue au moment des faits, pouvait être très fragile et susceptible de ne pas pouvoir supporter le vacarme. Chaque heure nouvelle aggravait donc ce risque. La France retenait son souffle…

Rapidement le Raid essaya de voir à quel individu il avait à faire. Ce dernier avait communiqué par des feuilles pré-imprimées ses premières requêtes. Ces dernières ne contenaient ni incohérences ni fautes d’orthographe ayant pu laisser deviner l’identité du preneur d’otage. Seul la signature « HB » pour « Human Bomb » était connue par les services de police. En effet quelques jours plus tôt, un attentat avait eu lieu dans la même ville et sous la même signature. Ce dernier n’avait alors fait que des dégâts matériels mais témoignait que le preneur d’otage pouvait se procurer des explosifs et savait les manier. Sa menace n’était donc pas à prendre à la légère. Ce n’est qu’après la fin du calvaire que le Raid pu découvrir la véritable identité du forcené grâce à sa carte d’identité retrouvé sur sa dépouille. Il s’agissait de Erick Schmitt, informaticien au chômage en grande détresse psychologique.

Si l’objectif des agents du Raid était bien évidement la sauvegarde des enfants quoi qu’il puisse advenir du preneur d’otages, toutes les parties prenantes ne voyaient pas la manière d’y parvenir exactement de la même façon. Les parents d’élève souhaitaient le paiement immédiat de la rançon afin d’en finir au plus vite ce à quoi s’opposait initialement le gouverneur de la banque de France. Ce dernier ne jugeait pas acceptable de faire sortir un tel montant de son établissement sous l’extorsion. Ce n’est que par l’intervention du plus haut niveau de l’état que ce dernier dû s’y résoudre.

Le preneur d’otages demanda rapidement que soient installés une radio et un poste de télévision dans la salle de classe ainsi que la possibilité de pouvoir parler à un journaliste de TF1 : Jean-Pierre About. En l’absence de connaissance précise sur l’identité et la psychologie du preneur d’otage, le Raid prit la décision d’accéder à ses requêtes. Fallait-il faire le choix de priver d’audience un forcené dont par ailleurs rien ne garantissait l’absence d’appartenance à un groupe plus large ou fallait-il risquer de le contrarier sans pouvoir anticiper ses réactions en présence d’enfants bruyants ? Dans ce genre de situation, il n’y a ni réponse tout indiquée ni beaucoup de temps pour délibérer.

La couverture médiatique dont bénéficiait l’évènement fut une aubaine pour Nicolas Sarkozy. C’est en effet ce dernier, assez peu connu à l’époque bien qu’ayant déjà un portefeuille ministériel qui pris part aux négociations avec Erick Schmitt. A plusieurs reprises, il entra dans la salle de classe et réussi à faire sortir des enfants en les échangeant à chaque fois contre une partie de la rançon demandée. Il est à noter qu’en principe jamais une unité d’intervention n’expose une personnalité de ce niveau à un risque de cette nature. La jeunesse et l’inexpérience du RAID font que les policiers laissèrent rentrer le ministre. Les médias ne manquèrent pas de filmer les scènes où Nicolas Sarkozy sortait en héros avec des enfants pleurant mais secourus dans les bras. Aussi aberrante que puisse apparaître cette situation, elle permis au jeune ministre de se faire connaitre et apprécier par beaucoup de français, éléments nécessaires pour la suite de sa carrière politique. Le RAID du donc agir avec cet homme politique qui outrepassait son cadre d’action initial.

Le RAID ayant trouvé le moyen d’endormir Erick Schmitt grâce à un somnifère versé dans son café, une opération pu avoir lieu et plusieurs agents entrèrent dans la salle pour secourir les 6 derniers enfants pendant que deux policiers maintenaient en joue le preneur d’otage endormi. La suite est soumise à controverse. Selon ces deux opérateurs, Erick Schmitt s’étant réveillé, aurait fait un geste pour se saisir d’une arme au moment de prendre 3 balles dans la tête. Cette version des faits a été mise en cause par la famille du preneur d’otage qui rejette la légitime défense des agents du fait que le preneur d’otage était alors sous sédatif.
Si pour les enfants et leurs parents la crise s’est arrêté à ce moment, la communication autour de cet évènement a eu des conséquences dans le champ politique. Pasqua et Sarkozy s’étaient déjà affrontés précédemment lors de l’élection de la mairie de Neuilly. 

Christophe Croizier



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