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La disparition du vol MH370




Mardi 4 Juin 2019


L’homme ne supporte être dans l’incompréhension pourtant la nature lui impose certaines fois de s’y confronter comme l’illustre la disparition du vol MH370 reliant Kuala Lumpur à Pékin le 8 mars 2014. Détournement terroriste ? Incendie ? Dysfonctionnement de l’appareil ? Autant de possibilités d’explications ont plané et planent toujours autour de ce drame. Une question se pose alors: quelle réponse et quel discours le groupe aérien a-t-il adoptés, doit-il adopter pour gérer au mieux cette crise ?



Pour comprendre et analyser la communication de crise de Malaysia Airlines, il convient tout d’abord de se remémorer les circonstances du drame.
 
Nous sommes de retour dans la nuit du 7 mars 2014. À bord d’un Boeing 777-200ER, 239 passagers décollent depuis l’aéroport international de Kuala Lumpur à 00 :41 en direction de Pékin. Après la détection d’un écart du plan de vol initial dans la nuit du 7 mars, l’avion est porté disparu le 8 mars. L’avion est détecté pour la dernière fois par un satellite au sud de l’océan Indien. Les hypothèses de sa disparition s’enchaînent. Certains blâment un dysfonctionnement technique (dès le début du vol, d’importantes anomalies sont révélées par l’analyse des messages ACARS), d’autres suggèrent une désintégration brutale de l’appareil (aucun signal de détresse n’a été transmis), d’autres encore avancent l’hypothèse d’un détournement terroriste (le lendemain du drame, les enquêteurs ont découvert que des passeports volés avaient été utilisés par des passagers du vol 370). L’incertitude quant aux causes véritables de la crise ne fait que compliquer la situation pour les acteurs concernés : qui doit-on blâmer ? Si dysfonctionnement technique il y a eu, alors le protagoniste mis en cause est la compagnie aérienne Malaysia Airlines ; si c’est un détournement terroriste qui est à l’œuvre, alors ce sont le gouvernement et l’aéroport qui sont à blâmer.
 
Alors que le drame émeut le monde entier,les difficultés ne font que commencer pour le groupe Malaysia Airlines.  En effet, nul ne peut croire qu’un grand groupe aérien n’ait pas préparé un plan de crise. Les propos tenus, aussi aberrants et vides d’empathie qu’ils puissent paraître pour certains relatent la stricte vérité. Pourquoi ? Parce qu’un groupe aérien ne peut se permettre des erreurs de communication suite à une crise de ce genre. Dans un monde aérien internationalisé et concurrentiel, une entreprise doit donner des gages de sécurité à ses usagers. Les portes de l’enfer s’ouvrent pourtant en grand pour la compagnie aérienne dans la mesure où elle ne doit pas répondre à un « simple » crash, mais à une disparition obscure doublée d’une crise internationalisée et immédiatement politisée…  
 
La communication de crise dans ce cas précis est difficile, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les causes du drame demeurent absolument opaques : il est dès lors impossible et déraisonnable d’en assumer la pleine responsabilité tout comme de faire porter la faute à un tiers. Ensuite, en raison de l’incompréhension générale et de l’émoi qu’elle a suscité, les médias ont communiqué parfois, voire souvent, des informations contradictoires et confuses qui parasitaient le discours des autorités. Troisièmement, la crise est multi scalaire et engage plusieurs acteurs. À bord du vol 370 sont en effet représentées parmi les passagers au total 26 nationalités différentes comme la Chine, la Malaisie, la France, l’Ukraine ou encore l’Iran. De fait, de nombreux pays se sont sentis concernés et ont voulu éclaircir le mystère comme en témoignent les enquêtes menées par la Chine ou la France (dernier pays à ouvrir une enquête le 6 août 2018 à la demande de la justice française). Enfin, la crise a été dès son déclenchement fortement politisée. En témoigne d’une part les joutes oratoires entre les pays concernés (le South Chine Post a par exemple accusé la Malaisie « d’amateurisme »), mais aussi certains troubles politiques qui ont par la suite agité la Malaisie comme l’assassinat, le 24 août 2017 à Antananarivo, du consul honoraire du pays, Monsieur Zahid Raza, que nombres de médias associent à la disparition du vol MH370.
 
Malgré la difficulté de la crise, Malaysia Airlines a-t-il bien communiqué suite au drame ?
Il est notable que Malaysia Airlines ait répondu rapidement : à 7 h 24, soit 5 h après la perte du signal et 54 minutes après l’horaire d’atterrissage supposé à Pékin, la compagnie publie un communiqué de presse. Ce dernier est chargé d’empathie comme il est de rigueur dans ce genre de situation. La stratégie de communication adoptée est celle du bouc émissaire : le groupe malaisien montre que lui aussi est une victime dans ce drame. C’est une stratégie intelligente et certainement la plus judicieuse ici puisque c’est celui qui est jugé coupable qui va pâtir des départs massifs des actionnaires et récolter la crainte des usagers. Malaysia Airlines parvient à mettre en avant des arguments convaincants afin de se dédouaner. Il affirme par exemple que la route empruntée par le vol été celle certifiée par l’Organisation aérienne civile internationale et l’Eurocontrol. Les propos de la compagnie aérienne sont corroborés par le Premier ministre ce qui donne de la crédibilité au discours. La compagnie insiste donc pour montrer qu’elle a agi dans les règles de l’art.


Sa réponse ne s’est pas cantonnée aux médias traditionnels. Le groupe aérien s’est également rapidement saisi des réseaux sociaux. Sur Twitter, le PDG du groupe Ahmad Jauhari Yahya publie un message de soutien aux familles et aux proches des victimes tandis que, sur Facebook, le design du compte est modifié : d’un fond de couverture bleu, la page du groupe se munit d’un fond gris pour témoigner de son émoi. Qui plus est, les informations sont à chaque fois publiées en anglais et en chinois.
Plus que de formuler de simples paroles, Malaysia Airlines a également agi. Dans un communiqué du 12 mars 2014 à 11 h 30 du matin par exemple, le groupe malaisien annonce la mise en place d’une « Go-team », une équipe de volontaires mises à disposition à Pékin et Kuala Lumpur pour aider les familles. Le groupe a également offert la possibilité à tous les passagers qui le souhaitaient, et pas seulement aux familles et proches des victimes, de changer l’itinéraire ou le vol auquel ils avaient souscrit avec la compagnie.
 
Ainsi, la communication immédiate de la crise semble avoir été presque parfaite : la réaction du groupe a été rapide, intelligente et conforme aux attentes. Deux bémols peuvent toutefois être mis en exergue. Tout d’abord, dans ces situations aussi tragiques, les individus aiment sentir qu’ils font partie d’un groupe, qu’ils sont soutenus. La création d’un hashtag aurait donc pu trouver judicieuse application ici.  Ensuite, on pourra regretter le fait que le groupe n’ait pas encouragé dans son communiqué de presse les médias à éviter la spéculation pour épargner les familles et les proches des victimes.
 
Où en est-on quelques années plus tard ? La situation s’est complexifiée : des millions ont été dépensés dans le cadre des recherches, des centaines d’informations différentes et dissonantes ont été communiquées.
Le groupe continue d’opérer la stratégie du bouc émissaire. En effet, lorsque certains médias lui reprochent son manque de communication, le groupe se défend en accusant le Gouvernement malais. De même, lorsqu’on lui reproche son manque d’implication dans les recherches menées, le groupe se dédouane en expliquant que c’est le rôle du Département malais de l’aviation civile. Cependant, la compagnie aérienne commence à s’égarer avec des propos confus et maladroits comme en témoigne les paroles de M.Sharuji deux ans après le drame : « nous aussi nous avons perdu nos amis et nos proches à bord de ce vol, nous avons perdu un avion, nous avons perdu notre business, nous avons perdu notre réputation, nous avons perdu beaucoup ». Le groupe eprime une position ambivalente : Il se targue d’être impliqué dans les recherches parce que cela lui tient à cœur alors que cet investissement ne semble pas effectif.
 

Léa Casanova



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