En 2004, France Télécom et Orange fusionnent pour améliorer les résultats de France Télécom. Cette reconfiguration de l’entreprise a provoqué un changement drastique dans la politique managériale de l’entreprise. Pression croissante sur les collaborateurs, mobilité forcée, recherche de profit à tout prix au détriment du service apporté, transformation rapide du marché, ont été le terreau fertile d’un climat anxiogène. Les conséquences mentales pour les employés ont été désastreuses : dépression, départs en masse et suicides. Si les premiers suicides (en 2007) n’ont pas été pris en compte par l’entreprise, qui considèrent que les causes sont d’ordre privé, leur multiplication inquiète les salariés et les syndicats. Dès 2007, le syndicat FO ouvre d’ailleurs un observatoire du stress et commence à les comptabiliser. CFE fait de même en 2009. Ces suicides et les réactions des syndicats auraient dû être considérés comme des signaux d’alarme de la crise par l’entreprise, qui a pourtant choisi de fermé les yeux sur ces évènements.
Mais les suicides ne cessent pas ; le 14 juillet 2009, un cadre en charge des réseaux de France Télécom se suicide à Marseille et dénonce dans une lettre déchirante à sa famille le « management par la terreur » et la « surcharge de travail » qui l’ont poussé à se suicider. C’est le 20ème suicide d’un salarié. Le 12 août, un homme de 28 ans, employé de Besançon s’ôte également la vie. Le 11 septembre, une employée se jette par la fenêtre de son bureau parisien. Elle est la 23ème salariée de France Télécom à se suicider. Jusqu’alors, la direction a à peine réagi ; elle a annoncé l’ouverture des négociations concernant le stress et la suspension temporaire des mobilités mais cela ne suffit pas. La tension autour de l’entreprise monte, le gouvernement s’en mêle et pousse l’entreprise à prendre des mesures.
L’été 2009 a été le moment de mise en lumière de cette crise mais le silence de la direction et en tête de file de son PDG Didier Lombard est accablant. La première réaction publique des dirigeants se fait le 14 septembre ; Didier Lombard est interviewé par Le Figaro et Paris-Match. Suite à cela, il commet une de ses plus grosses erreurs en déclarant : « Il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide qui évidemment choque tout le monde ».
Cette phrase, inadmissible pour les salariés et les familles le fait passer pour un dirigeant hors-sol et insensible. Elle montre un évident manque de préparation à la communication et un manque flagrant de compassion. Il s’excuse dès le lendemain mais le mal est fait et la polémique est lancée. Cette maladresse n’est qu’un exemple des défaillances de communication de l’entreprise. Les éléments de langage sont la plupart du temps lacunaires, ils manquent de compassion et ne montrent jamais que l’entreprise comprend l’extrême gravité de la situation. Finalement, les communicants n’annoncent pas tous les mêmes mesures, ce qui a pour conséquence d’accroitre le sentiment de mauvaise gestion.
Les dirigeants essaient de reprendre le contrôle de la gestion de cette crise sociale inquiétante. Des négociations sont ouvertes, ils tentent de délivrer une communication simple et efficace en transmettant des éléments de langage à leurs salariés, ce qui ne fait qu’accroitre la colère des employés. Le moment de bascule de cette crise se passe le 28 septembre lorsqu’un 24ème employé se suicide. C’est la première fois que la direction réagit immédiatement : ils se rendent sur place puis annoncent la suppression du programme de mobilité des cadres. La mesure était attendue mais est annoncée à un moment inapproprié puisque l’homme qui s’était suicidé n’était pas un cadre. Ils annoncent alors une série de mesure ainsi que la démission de M. Wenes, le numéro deux de l’entreprise.
Le triste décompte s’élève finalement à 69 suicides et plus de 20 000 départs. Si des mesures pertinentes ont été prises, elles sont arrivées trop tard pour les salariés et auraient eu un impact bien meilleur si elles avaient été prises six mois plus tôt. La direction semble toujours être en retard, subissant la crise, les interférences du gouvernement et les différents rebondissements, sans jamais prendre les décisions nécessaires pour y mettre fin directement.
L’erreur majoritaire de cette crise a été le délai de réaction, 24 morts pour avoir enfin les premières réactions, 24 morts de trop, que la direction n’a pas semblé prendre en compte. Leur technique principale fut celle du silence et du déni de responsabilité vis-à-vis des causes réelles des suicides, alors même que les chiffres étaient pharaoniques et que les lettres d’adieu accablaient clairement l’entreprise. Certains salariés se sont même suicidés au sein de l’entreprise. « L’effet de mode » expose clairement leur idée selon laquelle c’était un effet de contagion plutôt qu’une implication de l’entreprise. Ce silence, voire la négation, a encore plus fragilisé la confiance des salariés en leurs dirigeants et a aggravé une crise déjà extrêmement préoccupante pour l’entreprise.
Dix ans plus tard, les procès de certains ex-dirigeants montrent à quel point l’entreprise a été gravement affectée par ces lacunes dans la gestion de crise et que son image reste profondément associée à ces tragiques évènements.
Mais les suicides ne cessent pas ; le 14 juillet 2009, un cadre en charge des réseaux de France Télécom se suicide à Marseille et dénonce dans une lettre déchirante à sa famille le « management par la terreur » et la « surcharge de travail » qui l’ont poussé à se suicider. C’est le 20ème suicide d’un salarié. Le 12 août, un homme de 28 ans, employé de Besançon s’ôte également la vie. Le 11 septembre, une employée se jette par la fenêtre de son bureau parisien. Elle est la 23ème salariée de France Télécom à se suicider. Jusqu’alors, la direction a à peine réagi ; elle a annoncé l’ouverture des négociations concernant le stress et la suspension temporaire des mobilités mais cela ne suffit pas. La tension autour de l’entreprise monte, le gouvernement s’en mêle et pousse l’entreprise à prendre des mesures.
L’été 2009 a été le moment de mise en lumière de cette crise mais le silence de la direction et en tête de file de son PDG Didier Lombard est accablant. La première réaction publique des dirigeants se fait le 14 septembre ; Didier Lombard est interviewé par Le Figaro et Paris-Match. Suite à cela, il commet une de ses plus grosses erreurs en déclarant : « Il faut mettre un point d'arrêt à cette mode du suicide qui évidemment choque tout le monde ».
Cette phrase, inadmissible pour les salariés et les familles le fait passer pour un dirigeant hors-sol et insensible. Elle montre un évident manque de préparation à la communication et un manque flagrant de compassion. Il s’excuse dès le lendemain mais le mal est fait et la polémique est lancée. Cette maladresse n’est qu’un exemple des défaillances de communication de l’entreprise. Les éléments de langage sont la plupart du temps lacunaires, ils manquent de compassion et ne montrent jamais que l’entreprise comprend l’extrême gravité de la situation. Finalement, les communicants n’annoncent pas tous les mêmes mesures, ce qui a pour conséquence d’accroitre le sentiment de mauvaise gestion.
Les dirigeants essaient de reprendre le contrôle de la gestion de cette crise sociale inquiétante. Des négociations sont ouvertes, ils tentent de délivrer une communication simple et efficace en transmettant des éléments de langage à leurs salariés, ce qui ne fait qu’accroitre la colère des employés. Le moment de bascule de cette crise se passe le 28 septembre lorsqu’un 24ème employé se suicide. C’est la première fois que la direction réagit immédiatement : ils se rendent sur place puis annoncent la suppression du programme de mobilité des cadres. La mesure était attendue mais est annoncée à un moment inapproprié puisque l’homme qui s’était suicidé n’était pas un cadre. Ils annoncent alors une série de mesure ainsi que la démission de M. Wenes, le numéro deux de l’entreprise.
Le triste décompte s’élève finalement à 69 suicides et plus de 20 000 départs. Si des mesures pertinentes ont été prises, elles sont arrivées trop tard pour les salariés et auraient eu un impact bien meilleur si elles avaient été prises six mois plus tôt. La direction semble toujours être en retard, subissant la crise, les interférences du gouvernement et les différents rebondissements, sans jamais prendre les décisions nécessaires pour y mettre fin directement.
L’erreur majoritaire de cette crise a été le délai de réaction, 24 morts pour avoir enfin les premières réactions, 24 morts de trop, que la direction n’a pas semblé prendre en compte. Leur technique principale fut celle du silence et du déni de responsabilité vis-à-vis des causes réelles des suicides, alors même que les chiffres étaient pharaoniques et que les lettres d’adieu accablaient clairement l’entreprise. Certains salariés se sont même suicidés au sein de l’entreprise. « L’effet de mode » expose clairement leur idée selon laquelle c’était un effet de contagion plutôt qu’une implication de l’entreprise. Ce silence, voire la négation, a encore plus fragilisé la confiance des salariés en leurs dirigeants et a aggravé une crise déjà extrêmement préoccupante pour l’entreprise.
Dix ans plus tard, les procès de certains ex-dirigeants montrent à quel point l’entreprise a été gravement affectée par ces lacunes dans la gestion de crise et que son image reste profondément associée à ces tragiques évènements.