Un principe introduit dès 2004
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L’annonce faite par M. Cameron est d’une importance centrale, mais elle ne fait en réalité qu’entériner un processus enclenché il y a pratiquement dix ans par les acteurs de la City. De fait, c’est en 2004 que l’Islamic Bank of Britain, la première banque islamique de dépôt britannique, a vu le jour, avec un capital de départ de plus de 14 millions de livres, largement financé par différents investisseurs du Proche-Orient. Cette banque a pour principal objectif d’offrir aux particuliers de confession musulmane et aux entreprises l’opportunité d’accéder à des services « charia compatibles », conformes au droit musulman. Elle dégage des profits non pas en pratiquant l’usure, l’intérêt, mais en partageant les profits avec les clients. Dès lors, qu’est-ce que l’annonce de M. Cameron change à l’activité financière islamique en Grande-Bretagne ?
Institutionnalisation de la finance islamique
Les investisseurs étrangers, ainsi que tous les non-musulmans pouvaient ainsi, dès 2004, bénéficier de services financiers islamiques : ijara (contrat de location), ijara wa iqtina (contrat de leasing), murabaha (épargne)… Mais la différence avec l’annonce du 29 octobre, c’est que désormais la bourse de Londres elle-même sera en mesure d’émettre des titres islamiques, notamment des sukûk, équivalent d’une obligation, à ceci près que le remboursement s’effectue via un pourcentage du bénéfice engendré par l’actif financé. Le LSE pourra dès lors lancer ses premières « obligations islamiques », à hauteur, dans un premier temps, de 200 millions de livres. « Cela signifie la création d'un nouveau moyen de découvrir des opportunités de finance islamique », a commenté le premier ministre britannique. La nouveauté, c’est donc que la Grande-Bretagne sera le premier pays d’Occident à bénéficier d’un indice réunissant les entreprises répondant aux principes de la loi islamique, et à titrer via sa bourse des produits financiers musulmans. Ce qui permettra, à court terme, d’approcher de marchés dans lesquels la finance islamique a une importance capitale, comme au Pakistan, mais aussi en Arabie Saoudite, en Égypte, aux EAU, et dans la quasi-totalité des pays musulmans.
Les produits financiers islamiques : un marché dynamique
En 2004, l’Institute of Islamic Banking, basé à Londres, estimait que le taux de croissance de l’activité bancaire islamique avoisinait les 15%. Depuis 2006, les investissements islamiques ont progressé de 150% et représenteront sans doute en 2014 plus de 1300 milliards de livres. En faisant ce choix stratégique, la Grande-Bretagne affirme un plus l’importance de son secteur financier et son internationalisation croissante. Outre la place croissante que prend la Chine dans la finance britannique (un accord signé le 15 octobre entre Londres et Pékin fait de la City l’acteur majeur en matière de circulation et d’échange du Yuan), la perspective de constituer le pionnier occidental en matière de finance islamique constitue un avantage compétitif conséquent. Ce secteur à part, qui a largement bénéficié de la dégradation de l’image de la finance « conventionnelle » après la crise de 2008, est appelé à s’installer et à se développer de manière durable dans des pays, ou même des régions, qui constituent aujourd’hui des incontournables de l’économie mondiale. L’exemple de Londres suscitera-t-il des émules en Europe ? La réponse dépend selon toute vraisemblance de l’avenir de l’Union Européenne et se son harmonisation en matière financière. Mais la Grande-Bretagne est loin d’être le seul pays non-musulman à sauter le pas en matière de finance islamique. La Russie, elle aussi, a un grand intérêt pour ce type de produits. En outre, tous les acteurs institutionnels présents dans des pays musulmans disposent de filiales ou de succursales dédiées à ce type d’activités. Faute d’accord européen sur la question d’une unification des places financières, il est fort probable que l’initiative britannique provoque une brèche dans laquelle d’autres États se lanceront.