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Filière laitière : vers une consolidation et une plus forte contractualisation entre acteurs




Lundi 12 Avril 2010


Selon PwC, 2009 aura été une « annus horribilis » pour la filière laitière française, marquée par l’explosion du système historique rigide sur fond de crise économique et de forte volatilité des marchés mondiaux des produits laitiers. Toute la chaîne de valeur est fragilisée et doit se réinventer alors que la libéralisation progressive du secteur poursuit son cours et que nos homologues européens fourbissent leurs armes.
Une réinvention de la filière s’impose. Elle passera nécessairement par la mise en place de nouvelles règles du jeu entre producteurs laitiers, coopératives, industriels, distributeurs et régulateurs, mais certainement aussi par une réflexion stratégique approfondie sur les fondamentaux d’une filière tiraillée entre productivisme et traditions locales.

Si la crise a cruellement mis en lumière les inefficiences du système historique, elle est également une opportunité unique de sortie par le haut via une meilleure efficacité économique de chaque acteur et une meilleure valorisation du lait de collecte. Les opportunités ne manquent pas puisque la demande est là, comme l’atteste la forte croissance du bio, des alicaments, des boissons lactées ou des produits du terroir. La reconstruction de la filière qui s’engage aboutira également probablement à une consolidation accrue et au final à une redistribution des cartes, à l’image de ce que l’on constate dans les autres principaux pays producteurs.



2007-2009 : l’explosion d’un système historique trop peu flexible

Filière laitière : vers une consolidation et une plus forte contractualisation entre acteurs
Historiquement très régulée, la filière laitière a été peu à peu libéralisée sous l’impulsion de Bruxelles et de la PAC, avec notamment un retrait progressif des systèmes de régulation des prix et des quotas de production.

En France, les acteurs réunis au sein de la CNIEL ont longtemps maintenu un système de recommandations trimestrielles qui a eu l’avantage de maintenir une relative stabilité des prix et de la production, mais qui s’est avéré insuffisamment réactif dans un environnement économique devenu de plus en plus global et volatile. Ce décalage a généré des effets ciseaux négatifs entre les différents prix du lait, ainsi qu’une baisse de la compétitivité du lait français qui a stimulé les importations. Après avoir mécaniquement provoqué une hausse des prix du lait de collecte standard en 2007/2008 (+38% en 12 mois entre mars 2007 et mars 2008) puis une baisse en 2008/2009 (-28% en 12 mois entre avril 2008 et avril 2009), ce système a également incité en 2008 les producteurs à augmenter leurs livraisons au mauvais moment (+4% sur l’année, mais +10% sur le seul premier trimestre). Il a aussi incité les distributeurs à importer du lait étranger, pour finalement mettre en péril l’équation laitière de la filière. La suppression de ce système par décision de la DGCCRF courant 2008 n’a rien résolu puisque la formule de prix demeure sensiblement identique. La filière s’est retrouvée plongée dans la tourmente alors que les effets de la crise économique commençaient à se faire sentir sur la consommation de produits laitiers.

Au-delà de la conjoncture, une sous-performance structurelle

Le lait produit en France est plus cher que dans les autres grands pays européens, ce dont se plaignent régulièrement les industriels. Pour autant, il ne permet pas à certains producteurs (notamment les plus jeunes et les plus récemment installés) de dégager des marges satisfaisantes en raison de coûts de production élevés liés notamment à une couverture moindre des charges fixes, les exploitations françaises étant avec 41 vaches par exploitation en moyenne de 30% à 60% plus petites que celles d’Europe du Nord par exemple.

La situation est néanmoins très variable entre et au sein des régions et, fondamentalement, la filière laitière française est tiraillée entre des zones très productives mais dont le lait se valorise relativement mal telle que l’Ouest, et des régions moins productives mais dans lesquels la valorisation est souvent meilleure en raison de nombreux labels et fromages AOC. A cet égard, les deux enjeux majeurs de la filière sont certainement en amont de la filière une nécessaire adaptation de la production aux contraintes des marchés servis, et en aval une meilleure valorisation du lait de collecte. La structure actuelle de la production laitière en France ne permet pas aujourd’hui en effet de produire uniformément sur le territoire et de commercialiser de façon compétitive des volumes importants de produits laitiers standards ou industriels.

Une filière à réinventer pour capter de nouvelles opportunités de marché

Avant tout, la filière a besoin de plus de stabilité afin de permettre à chaque acteur de la chaîne de valeur de se projeter dans l’avenir. La crise fournit l’occasion à tous les acteurs de se mettre autour de la table. « La situation actuelle est difficile pour tous les acteurs, mais cette crise est aussi une opportunité unique pour eux de tout remettre à plat, de revoir intégralement le modèle économique de la filière. » estime Alain Calmé, associé en charge du Conseil en Stratégie chez PricewaterhouseCoopers.

Les relations entre producteurs, coopératives, industriels, distributeurs, consommateurs et pouvoirs publics vont évoluer, probablement vers plus de contractualisation, mais chaque acteur devra aussi réfléchir à sa propre offre de valeur. Et toutes les options devront être envisagées car de nombreuses opportunités existent. « Des initiatives intéressantes se développent actuellement, comme la vente en direct de lait frais, la mise sur le marché de laits locaux ou équitables ou encore l’aide à la reconversion d’éleveurs dans le lait bio, dont la consommation en France augmente de plus de 20% par an mais dont 30% est importé et qui ne représente toujours que 1% de la collecte. » précise Sébastien Murbach, senior manager, en charge de l’agro-alimentaire au sein du pôle Conseil en Stratégie de PricewaterhouseCoopers.

Une consolidation qui devrait continuer

La réorganisation de la filière passera probablement par sa consolidation, puisqu’il sera matériellement difficile aux transformateurs de contractualiser avec 87.000 producteurs et que l’effet taille jouera à plein dans les négociations à venir. Cela pourra passer par des partenariats (déjà nombreux néanmoins), des regroupements de producteurs et probablement aussi par des rapprochements entre transformateurs. « A l’exception de l’Allemagne, encore très régionalisée, les grands pays producteurs de lait sont plus consolidés, avec généralement un « champion national » qui domine le marché. Ces géants des produits laitiers comme Friesland Campina aux Pays-Bas ou Arla Foods au Danemark sont actuellement en train de croître rapidement par croissance externe, à l’échelle internationale. La France s’engage dans cette voie depuis deux ans environ et les choses s’accélèrent actuellement» précise Sébastien Murbach, senior manager en charge de l’agro-alimentaire au sein du pôle Conseil en Stratégie de PricewaterhouseCoopers. A cet égard, l’entrée sur le marché français de l’un de ces géants n’est d’ailleurs pas à exclure.


Méthodologie
La « Note sectorielle de PricewaterhouseCoopers sur l’état de la filière laitière en France » a été publiée le 1er mars 2010. Cette note s’appuie notamment sur l’expérience de PricewaterhouseCoopers dans le secteur et des entretiens ciblés avec des acteurs du secteur.

À propos de PricewaterhouseCoopers
PricewaterhouseCoopers (www.pwc.fr) développe des missions d’audit, de conseil et d’expertise comptable pour des entreprises et des organisations, publiques et privées, privilégiant des approches sectorielles et assurant confiance et valeur ajoutée pour ses clients et l’ensemble des parties prenantes.

Les Cdb



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