Des délais de production trop longs
Depuis 2021, les budgets militaires des pays européens ont bondi de 31 %, atteignant 326 milliards d’euros en 2024. Cependant, ces sommes profitent très peu aux industriels locaux. Près de 78 % des acquisitions militaires européennes sont réalisées hors UE, avec une prédominance des États-Unis (63 %). Cette dépendance pose un problème majeur d’autonomie stratégique. Comme l’a résumé Diego De Ojeda Garcia Pardo, chef de la politique de défense de l’UE : « Nous n’avons ni l’argent, ni les stocks, ni les capacités de production. » Une déclaration qui illustre à elle seule les failles d’une industrie sous-optimisée.
Les industriels européens fabriquent des systèmes d’armes complexes nécessitant des délais de production importants. Par exemple, Airbus et d’autres grands acteurs n’ont pas encore transformé l’afflux de nouvelles commandes en chiffre d’affaires. Les retards sont fréquents : certaines entreprises ont travaillé sur des contrats anciens, sans pouvoir s’adapter rapidement aux besoins émergents, notamment ceux liés à la guerre en Ukraine. Malgré des efforts, comme ceux du français Nexter qui a réduit de moitié ses délais pour le canon Caesar, ces initiatives restent insuffisantes face à la rapidité des acteurs américains et asiatiques.
Les concurrents asiatiques en plein essor
Pendant que l’Europe stagne, l’Asie et les États-Unis avancent. En 2023, les industriels sud-coréens ont enregistré une hausse de 39 % de leur chiffre d’affaires, alimentée par des contrats massifs comme celui de 1 000 chars Black Panther avec la Pologne. Les entreprises japonaises ont aussi progressé (+35 %), poussées par l’inquiétude face aux ambitions chinoises. Cette réactivité contraste avec les lourdeurs européennes, où les structures industrielles peinent à répondre aux besoins croissants des armées.
Face à cela, l’Union européenne cherche à réagir. Ursula von der Leyen a promis la rédaction d’un livre blanc sur la défense pour structurer une stratégie industrielle ambitieuse. L’objectif : investir les 500 milliards d’euros nécessaires à la reconstruction des stocks et au développement des capacités locales. L’élection de nouveaux commissaires européens dédiés à la Défense est un signal fort, mais suffira-t-il à relancer une industrie en déclin ?