Un destin brisé
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ainsi pourrait-on résumer la situation du géant américain Boeing à l’hiver 2018-2019. Affichant lors de la présentation des résultats 2018 son rôle de leader mondial, le géant de Seattle surpassait son rival Airbus condamné à se réinventer après l’échec de l’A380, les soupçons de malversations et le départ de nombreux cadres qui avaient fait les belles heures du constructeur européen.
Bref Boeing ne pouvait qu’afficher sa fierté. Mais un an plus tard, renversement de la situation, Boeing est largement devancé par Airbus, 1000 avions commandés pour Airbus contre un déficit de 87 commandes pour Boeing : la chute est rude.
Cette chute inattendue a débuté le 10 mars 2019 par le crash d’un B737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines provoquant le décès de 157 personnes. Mais un crash comme celui-ci n’aurait pas eu les mêmes répercussions sans certains facteurs aggravants : tout d’abord un crash d’un avion du même modèle a eu lieu quatre mois auparavant en Indonésie dans des conditions semblables. De plus le 737 MAX, qui se voulait être le fer de lance de Boeing pour concurrencer le mastodonte A320neo, venait tout juste de sortir : on peut mieux faire en termes de publicité…
Mais ces accidents, certes tous deux regrettables, auraient très bien pu ne pas impacter autant le constructeur aéronautique. En réalité, Boeing s’est tiré une balle dans le pied dans sa gestion de crise. Retour sur ce cas d’école de non gestion de crise.
Comment subir la crise
Alors que pour couper court à toute rumeur sur la fiabilité de ses 737, Boeing aurait pu procéder de son propre chef à l’immobilisation préventive de tous les 737 MAX en activité, rien de tel ne fut mis en place. Rien de très étonnant pour le constructeur américain qui, en 2013, lors de multiples dysfonctionnements sur le tout nouveau 787 Dreamliner n’avait pas dénié imposer une immobilisation de ces avions laissant aux compagnies aériennes, ANA (All Nippon Airways) en tête, le soin de le faire. En clair, les mesures préventives ne sont pas le fort de Boeing qui dans le cas du 737 va le payer cher.
Car effectivement le coup de grâce fut porté par les immobilisations du 737 MAX en Chine dès le lendemain du crash puis en Europe dans la foulée. L’interdiction de vol de la FAA, l’agence de sureté aéronautique américaine, ne fit que précipiter la chute du colosse de Seattle. Cette semaine noire, où Boeing n’a fait que subir les mesures qui s’imposaient à lui, vu également 25 milliards de dollars de capitalisation partir en fumée…
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Après une semaine aussi catastrophique on aurait pu s’attendre à ce que l’une des plus iconiques entreprises américaines fassent appel à de véritables experts de la communication de crise : que nenni ! Au lieu de prendre les devants, Boeing ne se contenta que d’un simple communiqué actualisé une fois par jour. Mieux, on apprit que Boeing avait jusqu’au crash, affirmé que le 737 MAX ne différait pas des précédentes versions du 737 et ce afin d’éviter d’avoir à faire repasser aux pilotes de 737 un coûteuse qualification. Pis, aucune mention du système de stabilisation en vol destiné à éviter un décrochage (MCAS). Or c’est précisément le MCAS qui s’avéra être à l’origine des deux crashs de 737 MAX ce que savait Boeing tout en affirmant le contraire. Cet exemple nous laisse penser que la gestion de crise a été confiée à des stagiaires ! Comment peut-on affirmer, et ce pendant plusieurs semaines, un tel mensonge ?
En effet ce n’est que le 17 octobre 2019 (huit mois après tout de même) que Boeing révéla à la FAA (l’Agence Fédérale de l’Aviation) ce qu’elle savait depuis des mois : des échanges entre salariés de Boeing ont révélés que des informations trompeuses avaient été communiquées à la FAA sur un important logiciel du 737 MAX lors de la certification de l’appareil en 2016.
C’est là que s’objective l’amateurisme de Boeing car à travers son mensonge, l’entreprise est tombée de Charybde en Scylla. En lieu et place d’une mini-crise avec la FAA sur des négligences dans la certification on est passé à une crise existentielle pour le géant américain.
Car si les compagnies se détournent du 737 MAX, les passagers et pilotes n’en sont pas moins rassurés. Néanmoins notons que Boeing a récemment fait preuve de raison en accordant aux pilotes une formation complémentaire (certes très onéreuse mais toutefois vitale pour la survie du programme 737 MAX). La gestion de la crise de réputation auprès des passagers n’a pas encore commencé mais Boeing ferait bien de s’y atteler au même titre que l’homologation de la FAA : car convaincre les passagers, après les avoir bernés, que le 737 MAX est sûr risque de s’avérer très difficile.
Et si la crise interne a été évitée c’est surtout qu’un plan de licenciement massif aurait été désastreux (le mot est faible) en pleine campagne électorale américaine : affaire à suivre.
En clair l’entreprise a mis beaucoup trop de temps à comprendre la gravité de la situation et elle a sûrement pêché par orgueil ce qui aujourd’hui coûte cher aux dirigeants de l’époque : Dennis Muilenburg, le PDG de l’avionneur a été poussé à la démission le 23 décembre dernier. Espérons que les nouveaux dirigeants de Boeing seront plus habiles pour mettre fin à cette crise qui a déjà coûté aux bas mots 10 milliards de dollars et a occasionné l’arrêt complet de la production des 737 MAX en décembre dernier.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ainsi pourrait-on résumer la situation du géant américain Boeing à l’hiver 2018-2019. Affichant lors de la présentation des résultats 2018 son rôle de leader mondial, le géant de Seattle surpassait son rival Airbus condamné à se réinventer après l’échec de l’A380, les soupçons de malversations et le départ de nombreux cadres qui avaient fait les belles heures du constructeur européen.
Bref Boeing ne pouvait qu’afficher sa fierté. Mais un an plus tard, renversement de la situation, Boeing est largement devancé par Airbus, 1000 avions commandés pour Airbus contre un déficit de 87 commandes pour Boeing : la chute est rude.
Cette chute inattendue a débuté le 10 mars 2019 par le crash d’un B737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines provoquant le décès de 157 personnes. Mais un crash comme celui-ci n’aurait pas eu les mêmes répercussions sans certains facteurs aggravants : tout d’abord un crash d’un avion du même modèle a eu lieu quatre mois auparavant en Indonésie dans des conditions semblables. De plus le 737 MAX, qui se voulait être le fer de lance de Boeing pour concurrencer le mastodonte A320neo, venait tout juste de sortir : on peut mieux faire en termes de publicité…
Mais ces accidents, certes tous deux regrettables, auraient très bien pu ne pas impacter autant le constructeur aéronautique. En réalité, Boeing s’est tiré une balle dans le pied dans sa gestion de crise. Retour sur ce cas d’école de non gestion de crise.
Comment subir la crise
Alors que pour couper court à toute rumeur sur la fiabilité de ses 737, Boeing aurait pu procéder de son propre chef à l’immobilisation préventive de tous les 737 MAX en activité, rien de tel ne fut mis en place. Rien de très étonnant pour le constructeur américain qui, en 2013, lors de multiples dysfonctionnements sur le tout nouveau 787 Dreamliner n’avait pas dénié imposer une immobilisation de ces avions laissant aux compagnies aériennes, ANA (All Nippon Airways) en tête, le soin de le faire. En clair, les mesures préventives ne sont pas le fort de Boeing qui dans le cas du 737 va le payer cher.
Car effectivement le coup de grâce fut porté par les immobilisations du 737 MAX en Chine dès le lendemain du crash puis en Europe dans la foulée. L’interdiction de vol de la FAA, l’agence de sureté aéronautique américaine, ne fit que précipiter la chute du colosse de Seattle. Cette semaine noire, où Boeing n’a fait que subir les mesures qui s’imposaient à lui, vu également 25 milliards de dollars de capitalisation partir en fumée…
Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Après une semaine aussi catastrophique on aurait pu s’attendre à ce que l’une des plus iconiques entreprises américaines fassent appel à de véritables experts de la communication de crise : que nenni ! Au lieu de prendre les devants, Boeing ne se contenta que d’un simple communiqué actualisé une fois par jour. Mieux, on apprit que Boeing avait jusqu’au crash, affirmé que le 737 MAX ne différait pas des précédentes versions du 737 et ce afin d’éviter d’avoir à faire repasser aux pilotes de 737 un coûteuse qualification. Pis, aucune mention du système de stabilisation en vol destiné à éviter un décrochage (MCAS). Or c’est précisément le MCAS qui s’avéra être à l’origine des deux crashs de 737 MAX ce que savait Boeing tout en affirmant le contraire. Cet exemple nous laisse penser que la gestion de crise a été confiée à des stagiaires ! Comment peut-on affirmer, et ce pendant plusieurs semaines, un tel mensonge ?
En effet ce n’est que le 17 octobre 2019 (huit mois après tout de même) que Boeing révéla à la FAA (l’Agence Fédérale de l’Aviation) ce qu’elle savait depuis des mois : des échanges entre salariés de Boeing ont révélés que des informations trompeuses avaient été communiquées à la FAA sur un important logiciel du 737 MAX lors de la certification de l’appareil en 2016.
C’est là que s’objective l’amateurisme de Boeing car à travers son mensonge, l’entreprise est tombée de Charybde en Scylla. En lieu et place d’une mini-crise avec la FAA sur des négligences dans la certification on est passé à une crise existentielle pour le géant américain.
Car si les compagnies se détournent du 737 MAX, les passagers et pilotes n’en sont pas moins rassurés. Néanmoins notons que Boeing a récemment fait preuve de raison en accordant aux pilotes une formation complémentaire (certes très onéreuse mais toutefois vitale pour la survie du programme 737 MAX). La gestion de la crise de réputation auprès des passagers n’a pas encore commencé mais Boeing ferait bien de s’y atteler au même titre que l’homologation de la FAA : car convaincre les passagers, après les avoir bernés, que le 737 MAX est sûr risque de s’avérer très difficile.
Et si la crise interne a été évitée c’est surtout qu’un plan de licenciement massif aurait été désastreux (le mot est faible) en pleine campagne électorale américaine : affaire à suivre.
En clair l’entreprise a mis beaucoup trop de temps à comprendre la gravité de la situation et elle a sûrement pêché par orgueil ce qui aujourd’hui coûte cher aux dirigeants de l’époque : Dennis Muilenburg, le PDG de l’avionneur a été poussé à la démission le 23 décembre dernier. Espérons que les nouveaux dirigeants de Boeing seront plus habiles pour mettre fin à cette crise qui a déjà coûté aux bas mots 10 milliards de dollars et a occasionné l’arrêt complet de la production des 737 MAX en décembre dernier.