CdB: Pouvez-vous nous décrire en quelques mots ce que la technologie peut apporter aux entreprises ?
V.M.: L’armée française manqua de perdre la 1ère guerre mondiale car elle n’avait pas vu venir la domination de l’artillerie et continuait de préconiser l’offensive à outrance à l’arme blanche (et à confondre « recul » et « déshonneur » …). Plus récemment, de nombreuses entreprises ayant oublié d’investir sur leurs technologies de cœur de métier au profit de financement d’opérations de diversification externe (Vivendi-Universal, Péchiney-Century) ont disparu en quelques mois après avoir été des fleurons de l’industrie française pendant des dizaines d’années. La continuité de la performance des entreprises dont les dirigeants investissent sans discontinuer en matière de technologie est en revanche impressionnante : Air Liquide ou Essilor par exemple.
CdB: Dans la pratique, quelles sont les implications stratégiques de la technologie dans la réalisation du niveau de compétitivité de l’entreprise?
V.M: La technologie est clé, notamment sur le critère de la vitesse qui caractérise la transformation de la compétition industrielle depuis 20 ans en rajoutant une compétition par le temps à la compétition plus traditionnelle par les coûts ou par la différentiation. Cela se traduit concrètement par être le premier sur le marché avec une offre innovante pour déclasser l’offre existante. Non seulement l’entreprise doit être capable de suivre une demande versatile mais elle soit savoir impulser des évolutions qui lui sont favorables en étant la première à proposer au client ce qu’il pourrait éventuellement vouloir.
C’est l’histoire de Philips Medical Systems qui, confronté à la fin des années 90 au déclin de son marché de référence (les machines à rayon X), identifie le souhait émergent des hôpitaux de concentrer leurs achats auprès d’équipementiers offrant la gamme la plus large et investit massivement (5,4 milliards de $ en 2000-2001) pour acheter 4 entreprises américaines (ADAC, ATL, Agilent et Marconi) qui lui permettent de compléter son portefeuille de produits et de technologies : aux rayons X, s’ajoutent les ultrasons (la famille d’équipement qui domine le marché par les coûts), deux autres modalités plus pointues qui complètent l’offre de matériel fournissant aux médecins des informations anatomique (la résonance magnétique pour la détection des tumeurs et la tomographie électronique qui couvre la totalité des fonctions d’imagerie anatomique) et enfin la médecine nucléaire, seule famille d’équipement à fournir des informations de nature physiologique.
V.M.: L’armée française manqua de perdre la 1ère guerre mondiale car elle n’avait pas vu venir la domination de l’artillerie et continuait de préconiser l’offensive à outrance à l’arme blanche (et à confondre « recul » et « déshonneur » …). Plus récemment, de nombreuses entreprises ayant oublié d’investir sur leurs technologies de cœur de métier au profit de financement d’opérations de diversification externe (Vivendi-Universal, Péchiney-Century) ont disparu en quelques mois après avoir été des fleurons de l’industrie française pendant des dizaines d’années. La continuité de la performance des entreprises dont les dirigeants investissent sans discontinuer en matière de technologie est en revanche impressionnante : Air Liquide ou Essilor par exemple.
CdB: Dans la pratique, quelles sont les implications stratégiques de la technologie dans la réalisation du niveau de compétitivité de l’entreprise?
V.M: La technologie est clé, notamment sur le critère de la vitesse qui caractérise la transformation de la compétition industrielle depuis 20 ans en rajoutant une compétition par le temps à la compétition plus traditionnelle par les coûts ou par la différentiation. Cela se traduit concrètement par être le premier sur le marché avec une offre innovante pour déclasser l’offre existante. Non seulement l’entreprise doit être capable de suivre une demande versatile mais elle soit savoir impulser des évolutions qui lui sont favorables en étant la première à proposer au client ce qu’il pourrait éventuellement vouloir.
C’est l’histoire de Philips Medical Systems qui, confronté à la fin des années 90 au déclin de son marché de référence (les machines à rayon X), identifie le souhait émergent des hôpitaux de concentrer leurs achats auprès d’équipementiers offrant la gamme la plus large et investit massivement (5,4 milliards de $ en 2000-2001) pour acheter 4 entreprises américaines (ADAC, ATL, Agilent et Marconi) qui lui permettent de compléter son portefeuille de produits et de technologies : aux rayons X, s’ajoutent les ultrasons (la famille d’équipement qui domine le marché par les coûts), deux autres modalités plus pointues qui complètent l’offre de matériel fournissant aux médecins des informations anatomique (la résonance magnétique pour la détection des tumeurs et la tomographie électronique qui couvre la totalité des fonctions d’imagerie anatomique) et enfin la médecine nucléaire, seule famille d’équipement à fournir des informations de nature physiologique.
CdB: Des entreprises ont-elles obtenu des résultats probants en portant une attention particulière au management de leurs technologies ?
V.M.: Bien sûr: le projet Filtre à Particules qui a permis à Peugeot Citroën aux débuts des années 2000 de reprendre à Volkswagen le leadership du marché européen des véhicules diesel a réussi car il a combiné tous les aspects d’un management technologique optimum: vision stratégique du président, protection assurée par un brevet, utilisation de la technologie injection directe précédemment développée par le groupe, partenariats technologiques avec des sous-traitants (Faurecia), fournisseurs (Faurecia ou Rhodia) ou même concurrents (Ford, dans le cadre d’un accord de coopération sur les moteurs diesel) , politique marketing ambitieuse (dispositif de série proposé sans sur-prix et équipant tous les modèles de la gamme) et lobbying efficace (support médiatique de l’association des conducteurs automobiles allemands et appui du gouvernement allemand qui offre une réduction d’impôts pour l’achat d’un véhicule équipé du FAP).
CdB: Il existe peu de littérature académique professionnelle sur l’interface stratégie et technologie. Comment est née l'idée de votre livre ?
V.M.: L’idée de ce livre est née de conversations avec Thierry Grange, le directeur général et Loïck Roche, le doyen de Grenoble Ecole de Management. Tous deux sont de fervents supporters du management technologique depuis de nombreuses années. Elle a aussi reçu le support de Philippe Varin, l’ancien directeur général du sidérurgiste anglo-hollandais Corus et nouveau directeur général de Peugeot Citroën, qui partage avec moi un fort engagement envers la recherche et l’innovation, même pendant les périodes de restructuration qui sont aussi difficiles que nécessaires. Et je dois avouer qu’elle a abouti sous la pression chaleureuse et enthousiaste de mes étudiants de MBA…
CdB: Bien qu’il s’agisse d’un ouvrage académique, une large place est accordée à la pratique, grâce aux nombreux cas concrets que vous y examinez. S’adresse-t-il aussi aux entreprises ?
V.M.: Bien sûr, c’est d’ailleurs plutôt un manuel qu’un travail de recherche. Le livre est structuré en quatre parties. La première est consacrée aux fondements de la connexion entre stratégie et technologie, la seconde à la pratique de la conception de la stratégie au travers des cas Peugeot Citroën et Rhodia, la troisième à la problématique du cycle de vie produit au travers des cas Airbus et STMicroelectronics et enfin nous avons abordé le sujet de la mise en œuvre de la stratégie au travers des cas Philips et Texas Instruments... Je ne voudrais d'ailleurs pas terminer sans remercier tous ceux qui ont rendu possible l’écriture de ces cas chez Airbus (Pierre de Beausset), Peugeot Citroen (Robert Peugeot), Philips (GKlaassen), Rhodia (Laurent Schmitt), STMicroelectronics (Jean Luc Jaffard) et Texas Instruments (Julie England)
Victoire de MARGERIE, "Strategy and Technology, towards Technology Based Competitive Advantage", L’Harmattan, mai 2009
V.M.: Bien sûr: le projet Filtre à Particules qui a permis à Peugeot Citroën aux débuts des années 2000 de reprendre à Volkswagen le leadership du marché européen des véhicules diesel a réussi car il a combiné tous les aspects d’un management technologique optimum: vision stratégique du président, protection assurée par un brevet, utilisation de la technologie injection directe précédemment développée par le groupe, partenariats technologiques avec des sous-traitants (Faurecia), fournisseurs (Faurecia ou Rhodia) ou même concurrents (Ford, dans le cadre d’un accord de coopération sur les moteurs diesel) , politique marketing ambitieuse (dispositif de série proposé sans sur-prix et équipant tous les modèles de la gamme) et lobbying efficace (support médiatique de l’association des conducteurs automobiles allemands et appui du gouvernement allemand qui offre une réduction d’impôts pour l’achat d’un véhicule équipé du FAP).
CdB: Il existe peu de littérature académique professionnelle sur l’interface stratégie et technologie. Comment est née l'idée de votre livre ?
V.M.: L’idée de ce livre est née de conversations avec Thierry Grange, le directeur général et Loïck Roche, le doyen de Grenoble Ecole de Management. Tous deux sont de fervents supporters du management technologique depuis de nombreuses années. Elle a aussi reçu le support de Philippe Varin, l’ancien directeur général du sidérurgiste anglo-hollandais Corus et nouveau directeur général de Peugeot Citroën, qui partage avec moi un fort engagement envers la recherche et l’innovation, même pendant les périodes de restructuration qui sont aussi difficiles que nécessaires. Et je dois avouer qu’elle a abouti sous la pression chaleureuse et enthousiaste de mes étudiants de MBA…
CdB: Bien qu’il s’agisse d’un ouvrage académique, une large place est accordée à la pratique, grâce aux nombreux cas concrets que vous y examinez. S’adresse-t-il aussi aux entreprises ?
V.M.: Bien sûr, c’est d’ailleurs plutôt un manuel qu’un travail de recherche. Le livre est structuré en quatre parties. La première est consacrée aux fondements de la connexion entre stratégie et technologie, la seconde à la pratique de la conception de la stratégie au travers des cas Peugeot Citroën et Rhodia, la troisième à la problématique du cycle de vie produit au travers des cas Airbus et STMicroelectronics et enfin nous avons abordé le sujet de la mise en œuvre de la stratégie au travers des cas Philips et Texas Instruments... Je ne voudrais d'ailleurs pas terminer sans remercier tous ceux qui ont rendu possible l’écriture de ces cas chez Airbus (Pierre de Beausset), Peugeot Citroen (Robert Peugeot), Philips (GKlaassen), Rhodia (Laurent Schmitt), STMicroelectronics (Jean Luc Jaffard) et Texas Instruments (Julie England)
Victoire de MARGERIE, "Strategy and Technology, towards Technology Based Competitive Advantage", L’Harmattan, mai 2009