Tereos a été parmi les premières entreprises de France à mettre leurs moyens à la disposition des autorités sanitaires.
Une contrainte… ou une opportunité ?
La RSE est une thématique qui embrasse large : des droits de l’homme à l’environnement, en passant par l’éthique et la gestion des collaborateurs, ou encore la prise en compte d’enjeux sociaux... Concrètement, il faut faire des états des lieux, élaborer des politiques. Il faut les mettre en œuvre, accompagnées de toute une pédagogie pour faire évoluer les comportements. Il faut prendre des mesures concrètes : changer tel processus peu écologique, donc investir dans un matériel nouveau ; renoncer à tel fournisseur, ou à tel intermédiaire peu scrupuleux ; renouer le dialogue avec tel partenaire social… Il faut, il faut… Autant de choses qui prennent du temps, du monde, de l’argent. Dès lors la tentation est grande, non pas de ne rien faire, bien sûr, mais d’échanger du temps contre des discours, et de considérer la RSE, dans un premier temps au moins, davantage comme un thème de communication que comme une réalité tangible… Le fameux greenwashing. On fait savoir sans vraiment faire. Dans la crise que nous traversons, pourtant, tous les jours des entreprises font mentir l’économiste Milton Friedman (2) qui disait « Il y a une et seulement une seule responsabilité du monde des affaires : utiliser ses ressources et les engager dans des activités destinées à accroître son profit. »
À l’épreuve du réel de la RSE : la crise du Coronavirus
La crise du Coronavirus, par son ampleur inédite, a engendré une mobilisation exceptionnelle de nombreuses entreprises qui se sont engagées pour aider la collectivité, sans pour autant chercher à accroitre leurs profits. Pire pour la théorie de Friedman, elles se sont mises à dépenser de l’argent sans contrepartie. Elles ont modifié leur outil industriel pour un seul objectif : le bien commun. Le concept de responsabilité sociale et environnementale prend alors tout son sens. Par exemple, quand Air Liquide, aidé par PSA, Schneider Electric et Valeo, décide de constituer un consortium pour fournir des respirateurs en urgence, les industriels veulent d’abord sauver des vies. Ils se sont engagés à livrer ces respirateurs à prix coutant. La bonneterie française s’est elle aussi engagée à livrer des masques en grande quantité. Des marques comme Chanteclair ou Lacoste se sont par exemple mobilisées.
Plutôt que de se lancer dans une liste des actions menées par les industriels (la liste est longue ce qui est rassurant), il nous semble intéressant d’étudier d’un peu plus près un cas, celui de Tereos, numéro 1 français, et numéro 3 mondial du sucre. Pourquoi ce choix ? Parce que ce fut l’une des premières entreprises, avec Ricard et LVMH, à s’investir avec discrétion en adaptant son outil industriel à la fabrication du gel hydro alcoolique. L’Usine Nouvelle, notamment, titre sur ces entreprises qui participent à l’effort de guerre ! Nous disposons donc de facto de plus de sources pour étayer notre argument.
Étude de cas : le géant mondial du sucre Tereos
La notion de gratuité
Rappelons des faits très récents. L’arrivée de la crise du coronavirus en France est marquée par des pénuries multiples : masques, gel désinfectant, matériel respiratoire et tenues de protection… Dans ce contexte tendu, après avoir déjà fourni gratuitement de l’alcool à des officines pharmaceutiques, Tereos décide, parmi les premiers, dès le 18 mars, de produire du gel hydroalcoolique, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de litres par semaine, pour approvisionner, là aussi gratuitement, les autorités de santé. Pour une entreprise, la gratuité est contraire à l’intérêt immédiat. Cela veut dire que l’engagement citoyen transcende les principes de base de la gestion. L’entreprise va utiliser ses ressources pour la collectivité et non dans l’intérêt de ses actionnaires (en l’occurrence les membres de la coopérative). Ce comportement dépasse même la notion de responsabilité puisqu’elle induit un engagement social. Un engagement citoyen de tous les collaborateurs malgré un contexte inédit et anxiogène
Cet engagement ne se traduit pas seulement au niveau capitalistique, car il suppose que l’ensemble des collaborateurs travaillent dans un contexte inédit de pandémie et de confinement. De la direction générale jusqu’aux chaines de production, chacun s’est mobilisé pour cette cause de santé publique, pour adapter l’outil de production dans des délais très brefs, en faisant confiance aux autres, sûr des décisions des uns, des compétences des autres. Des équipes dédiées ont adapté les processus et les outils, ont acheté les ingrédients nécessaires, ont collaboré avec les autorités sur les points réglementaires… Si les collaborateurs se sont engagés rapidement, totalement, sans contrepartie particulière, c’est probablement dû à un état d’esprit et à une confiance construits au préalable. On ne peut imaginer, en effet, une entreprise dirigée par des financiers virtuoses des ratios sur Excel, ayant construit une culture d’entreprise uniquement sur la performance financière, faire une révolution du jour au lendemain pour demander à ses salariés de s’engager pour la santé de leurs concitoyens ! S’engager dans la crise face à l’urgence, mais aussi continuer à servir ses clients
Pour le gourou du management Peter Drucker, la vraie responsabilité sociale d’une entreprise est de satisfaire les besoins de ses clients. Dans une situation exceptionnelle comme celle du Coronavirus, les entreprises doivent se mobiliser pour faire face aux besoins exceptionnels relatifs à la crise sanitaire. Pour autant, elles ne doivent pas oublier leurs clients qui ont des besoins, peut être moins vitaux, mais indispensables. L’adaptation de l’appareil de production (notons au passage la souplesse de certaines industries qui peuvent réagir en un temps record, comme l’a fait Tereos en adaptant le processus industriel en quelques jours) ne doit pas obérer la capacité à livrer d’autres clients, même s’il convient de sérier les priorités. Chez Tereos, la responsabilité, envers le citoyen qu’est également chaque consommateur, demeure un souci constant dans la crise du Covid-19. Il s’agit de répondre aux besoins exceptionnels, en produits désinfectants par exemple, tout en continuant à produire pour d’autres clients des composants dans certains cas essentiels : lait maternisé, ingrédients pour l’industrie pharmaceutique, les perfusions... Un engagement territorial fort
Les entreprises qui pratiquent naturellement la RSE savent qu’elles ne sont pas hors-sol, grâce à leurs interactions avec leurs écosystèmes locaux, qui sont mutuellement bénéfiques. Elles sont solidaires au plein sens du terme, pour le meilleur, quand elles bénéficient d’externalités positives (bassin d’emploi, infrastructures, partenaires efficaces à proximité…) et pour le pire, quand non seulement ces externalités sont compromises, mais que ce sont elles qui sont considérées par « l’extérieur » comme un recours. Freeman (3) (et non Friedman), dans sa théorie des parties prenantes, montre à quel point les entreprises vivent dans un écosystème dépassant très largement les partenaires habituels (clients, actionnaires, fournisseurs, etc.). L’environnement immédiat est très important.
La notion de gratuité
Rappelons des faits très récents. L’arrivée de la crise du coronavirus en France est marquée par des pénuries multiples : masques, gel désinfectant, matériel respiratoire et tenues de protection… Dans ce contexte tendu, après avoir déjà fourni gratuitement de l’alcool à des officines pharmaceutiques, Tereos décide, parmi les premiers, dès le 18 mars, de produire du gel hydroalcoolique, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de litres par semaine, pour approvisionner, là aussi gratuitement, les autorités de santé. Pour une entreprise, la gratuité est contraire à l’intérêt immédiat. Cela veut dire que l’engagement citoyen transcende les principes de base de la gestion. L’entreprise va utiliser ses ressources pour la collectivité et non dans l’intérêt de ses actionnaires (en l’occurrence les membres de la coopérative). Ce comportement dépasse même la notion de responsabilité puisqu’elle induit un engagement social.
Cet engagement ne se traduit pas seulement au niveau capitalistique, car il suppose que l’ensemble des collaborateurs travaillent dans un contexte inédit de pandémie et de confinement. De la direction générale jusqu’aux chaines de production, chacun s’est mobilisé pour cette cause de santé publique, pour adapter l’outil de production dans des délais très brefs, en faisant confiance aux autres, sûr des décisions des uns, des compétences des autres. Des équipes dédiées ont adapté les processus et les outils, ont acheté les ingrédients nécessaires, ont collaboré avec les autorités sur les points réglementaires… Si les collaborateurs se sont engagés rapidement, totalement, sans contrepartie particulière, c’est probablement dû à un état d’esprit et à une confiance construits au préalable. On ne peut imaginer, en effet, une entreprise dirigée par des financiers virtuoses des ratios sur Excel, ayant construit une culture d’entreprise uniquement sur la performance financière, faire une révolution du jour au lendemain pour demander à ses salariés de s’engager pour la santé de leurs concitoyens !
Pour le gourou du management Peter Drucker, la vraie responsabilité sociale d’une entreprise est de satisfaire les besoins de ses clients. Dans une situation exceptionnelle comme celle du Coronavirus, les entreprises doivent se mobiliser pour faire face aux besoins exceptionnels relatifs à la crise sanitaire. Pour autant, elles ne doivent pas oublier leurs clients qui ont des besoins, peut être moins vitaux, mais indispensables. L’adaptation de l’appareil de production (notons au passage la souplesse de certaines industries qui peuvent réagir en un temps record, comme l’a fait Tereos en adaptant le processus industriel en quelques jours) ne doit pas obérer la capacité à livrer d’autres clients, même s’il convient de sérier les priorités. Chez Tereos, la responsabilité, envers le citoyen qu’est également chaque consommateur, demeure un souci constant dans la crise du Covid-19. Il s’agit de répondre aux besoins exceptionnels, en produits désinfectants par exemple, tout en continuant à produire pour d’autres clients des composants dans certains cas essentiels : lait maternisé, ingrédients pour l’industrie pharmaceutique, les perfusions...
Les entreprises qui pratiquent naturellement la RSE savent qu’elles ne sont pas hors-sol, grâce à leurs interactions avec leurs écosystèmes locaux, qui sont mutuellement bénéfiques. Elles sont solidaires au plein sens du terme, pour le meilleur, quand elles bénéficient d’externalités positives (bassin d’emploi, infrastructures, partenaires efficaces à proximité…) et pour le pire, quand non seulement ces externalités sont compromises, mais que ce sont elles qui sont considérées par « l’extérieur » comme un recours. Freeman (3) (et non Friedman), dans sa théorie des parties prenantes, montre à quel point les entreprises vivent dans un écosystème dépassant très largement les partenaires habituels (clients, actionnaires, fournisseurs, etc.). L’environnement immédiat est très important.
La mobilisation de Tereos a donc d’abord été locale. Ce sont les ARS des régions les plus touchées, qui sont aussi les lieux d’implantation d’usines Tereos, qui ont d’abord bénéficié du gel produit par le groupe, comme en Hauts de France et dans le Grand-Est. Et c’est tout un écosystème local, public-privé, qui s’est mobilisé pour faire de l’initiative un succès : de la fourniture de bidons de faible volume par d’autres industriels, aux autorisations préfectorales et douanières rapidement obtenues. Parce que ces acteurs ne se découvraient pas, et qu’ils savaient pouvoir se fier au sérieux et à l’engagement de leurs partenaires. Ce qui prouve la préexistence de relations de qualité entre des gens qui se connaissent et s’apprécient. Par ailleurs, le groupe Tereos étant également une coopérative, le gel hydro alcoolique a aussi été fourni aux coopérateurs, qui sont autant d’acteurs locaux, dont la mobilisation est-elle aussi critique pour assurer les récoltes agricoles de 2021.
« C'est dans l'adversité que se révèlent les vrais amis ». Cet adage énoncé par Cicéron résume assez, de façon elliptique, ce qu’est le fond de la RSE. Cette amitié, confirmée en temps de crise, n’existe pas si elle n’a été initiée et cultivée dans les temps apaisés, au fil des activités normales. Plutôt que de longs discours et des théories sophistiquées, l’appropriation d’une telle éthique, par toutes les composantes des entreprises, quelle que soit leur activité, serait certainement plus efficace pour une mise en pratique réelle de la RSE. Visiblement, certaines entreprises l’ont compris et peuvent servir d’exemples.
1 : https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-la-rse-et-leur-appropriation/
2 : Pour en savoir plus : http://www.crsdd.uqam.ca/pages/docs/04-2013.pdf
3 : Pour en savoir plus : https://www.spidermak.com/fr/ed-freeman-theorie-parties-prenantes
2 : Pour en savoir plus : http://www.crsdd.uqam.ca/pages/docs/04-2013.pdf
3 : Pour en savoir plus : https://www.spidermak.com/fr/ed-freeman-theorie-parties-prenantes