Les coopératives, un atout déterminant pour le maintien d'activités dans les territoires
Les coopératives rurales font partie du paysage de nos campagnes depuis plus d’un siècle – leur statut actuel date de 1947 –, tout autant que de notre caddy au supermarché. Une marque alimentaire sur trois est en effet issue du modèle coopératif. Le principe à l’origine de ces structures empiriques est simple : l’union fait la force ! Il s’agit de mettre en commun des moyens, des informations, des savoir-faire pour être plus fort, plus efficace, et s’implanter durablement dans l’environnement économique et géographique.
Un modèle résilient qui non seulement bénéficie aux membres de chacune de ces structures, mais constitue en soi une externalité positive pour tous les autres acteurs des territoires. Avec 84,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires global, les coopératives françaises connaissent des réalités très diverses, en termes de taille d’entreprise et de marchés visés. Cette diversité de structures permet un maillage territorial protéiforme, et concerne de nombreuses filières comme les produits laitiers, les céréales, les fruits et légumes, le sucre, la viande, le vin… Voici un aperçu de quelques-unes d’entre elles, de l’entreprise modeste au développement local et spécialisé, aux groupes à dimension internationale.
Un cercle vertueux pour les territoires
Le cœur de métier des coopératives agricoles est de « pérenniser et sécuriser l’activité dans les territoires », comme le rappelle le mot d’ordre de la fédération nationale La Coopération agricole. En Normandie par exemple, des producteurs de pommes – adhérents de la coopérative Eclor – partagent leur savoir-faire pour la production de cidre, voient leurs investissements garantis et leur production écoulée grâce au réseau local. D’un bout à l’autre de la chaîne de production, un cercle vertueux s’installe : « En 2018, j’ai planté six hectares de verger à cidre avec la coopérative et pour que ces arbres entrent en pleine production, il faut attendre sept à huit ans, explique Serge Dibois, pomiculteur. Et pour connaître ce dont auront besoin les consommateurs dans sept ou huit ans, nous avons besoin de la coopérative pour avoir une simulation des besoins en termes de marché, chose que nous ne maîtrisons pas à notre niveau. » Une fois la production livrée, la mise en valeur du travail des adhérents se fait directement à la coopérative. « Pour nous, poursuit William Wyme, maître de chai chez Eclor, l’intérêt du modèle coopératif, c’est à la fois de pouvoir garantir aux pomiculteurs des débouchés constants sur la durée, et d’avoir une matière première constante pour produire des cidres de qualité. » Localement, tous les acteurs de la chaîne de production y trouvent donc leur compte.
Un multiplicateur de développement
Après les pommes, le sucre. Changeons d’échelle : après la coopérative locale, passons à un industriel déployé en France comme à l’étranger : Tereos. La coopérative – nº1 français et nº2 mondial de la betterave sucrière – est présente dans plusieurs régions françaises (Grand Est, Nord, Nord Littoral, Picardie Est, Picardie Ouest, Sud de Paris). Sur le terrain, ses pôles d’activité sont les garants du développement économique des territoires où l’entreprise est implantée. À partir de ses 12000 adhérents, elle permet en effet à de multiples écosystèmes locaux de vivre. Ses agriculteurs lui fournissent la matière première qu’elle transforme dans ses usines, dont les ventes, in fine, bénéficient à tous les membres, et sont en grande partie réinvestis dans toute la chaine de valeur. Qui plus est, une grande partie de la production industrielle est achetée et exploitée à proximité, avec un indubitable effet positif au plan écologique (circuits courts comme près de Béthune), comme socio-économique, avec de multiples sous-traitants (vendeurs de machines agricoles, entreprises de maintenance industrielle…) clients et partenaires, comme par exemple les transporteurs de betteraves. Des milliers de famille gravitent ainsi autour de Tereos, et contribuent au maintien en zone rurale de services et de commerces de proximité comme les bureaux de poste, les écoles ou les boulangeries, mais encore à des investissements publics en matière d’infrastructure.
Au total, l’effet multiplicateur d’emplois est saisissant : « Pour un collaborateur de Tereos, 10,4 emplois sont soutenus en moyenne dans l’économie française », se réjouit le groupe. Qui dit mieux ?
Un scénario gagnant-gagnant
Dans l’ouest de la France, une coopérative née en 2000 s’est également imposée dans le paysage agroalimentaire français. Avec ses 13000 adhérents, Agrial évolue sur plusieurs marchés (lait, légumes et fruits frais, boissons et viandes). Si l’exercice en cours et les comptes de 2020 vont être bousculés par la crise sanitaire du Covid-19, l’équipe dirigeante de l’entreprise ne compte pas changer de modèle, redistribuant à ses adhérents le fruit de leur travail. En 2018 par exemple, l’assemblée générale réunie à Caen avait décidé de reverser 18 millions d’euros (sur les 63 millions d’euros de résultats nets de 2017) aux producteurs de son réseau. « La diversification est notre force, expliquait alors Arnaud Degoulet, le président d’Agrial. Assis sur plusieurs pieds, le tabouret est plus stable. » Cette diversification est inscrite dans un plan établi jusqu’en 2025, tendant vers davantage de production bio et également vers une réduction de 50% des produits phytosanitaires utilisés. « Nous soutenons le développement d’une agriculture responsable et performante pour répondre aux attentes de nos clients et consommateurs », argumente le groupe. Une diversification des activités qui se double d’une diversification géographique, l’entreprise visant à réaliser 33% de son chiffre d’affaires à l’étranger d’ici cinq ans. « Agrial nourrit déjà l’équivalent de six millions d’individus par an », se félicite le président.
Les distributeurs aussi jouent la carte coopérative
Tous les produits alimentaires issus des coopératives se retrouvent dans les étals des supermarchés français. Parmi eux, plusieurs enseignes fonctionnent sur le mode coopératif, comme Système U ou Intermarché. Ce dernier est d’ailleurs le réseau le plus dense en France, avec un point de vente tous les 17km. L’entreprise dispose également d’une vraie force de frappe industrielle, avec 62 usines, une flotte de 23 bateaux de pêche et 5 abattoirs. Autant de sites implantés partout en France qui lui permettent de tenir sa promesse d’être l’un des premiers soutiens en France des acteurs locaux de l’agroalimentaire. Une recette qui marche auprès des consommateurs, comme le relève Frédéric Valette, directeur du département Retail à Kantar Worldpanel, dans les colonnes de Challenge : « Intermarché est très fort en poissonnerie et en produits frais traditionnels. Des rayons qui fidélisent car la fréquence d’achat y est élevée. » De la production de pomme à leur vente dans les rayons des supermarchés, la filière coopérative tourne à plein régime en France. Et les territoires ruraux ne peuvent que s’en féliciter.