Le gaz de schiste fait sa rentrée !



Mardi 4 Septembre 2012


Le pétrole et le gaz dits conventionnels se font de plus en plus rares et la France est dépendante des pays exportateurs de ces ressources avec un taux d'indépendance en 2010 de 1.5 % pour le gaz et 2.2 % pour le pétrole (1). Pourtant, les sous-sols français contiendraient une ressource de taille, le gaz de schiste, particulièrement controversée depuis deux ans en France.



L'histoire médiatique du gaz de schiste a débuté en France en 2010, lorsque trois permis exclusifs d'exploration de gaz de schiste ont été accordés : les permis de Villeneuve-de-Berg et de Nant (société Schuepbach) et le permis de Montélimar (Total). Depuis ce jour, les associations et organisations écologistes, soutenues par l'opinion publique, font entendre leur voix contre l'exploration et l'exploitation de cette ressource jugée dangereuse pour l'environnement.

Dans un souci de précaution et face à la pression médiatique, le gouvernement de l'époque a interdit l'utilisation de la technique de la fracturation hydraulique (2) par une loi du 13 juillet 2012 et a également suspendu ces permis. L'Etat français devient ainsi le premier pays au monde à interdire ce procédé, contrairement à certains pays européens pro-gaz de schiste comme la Pologne ou la Hongrie qui en ont commencé l'exploitation depuis quelques années déjà. L'objectif des mesures prises en France? Envoyer un message fort à l'opinion : aucune prise de risque environnementale ne sera tolérée, le gouvernement veut au préalable évaluer les enjeux de cette exploitation. Cette volonté est partagée par le nouveau Président de la République, François Hollande, qui a réitéré l'opposition du gouvernement à l'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique le 16 août dernier.

A la suite de la loi du 13 juillet 2012, qui a également créé la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, un rapport initial et un rapport complémentaire ont été rendus en vue de :

·         «passer en revue l’ensemble des techniques disponibles ou en développement pour explorer et exploiter les gaz et huiles de schiste ;
·         évaluer précisément leur efficacité, leur maîtrise par l’industrie française et européenne, leurs impacts, leur coût et leurs perspectives d’évolution ;
·         effectuer le retour d’expérience de l’usage de ces techniques en Europe ;
·         mieux qualifier le potentiel économique que pourrait générer l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère sur le plan national, européen et mondial ;
·         proposer un cadre organisationnel et juridique complet permettant d’encadrer strictement des expérimentations sur les technologies d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en France et d’assurer la concertation nécessaire avec l’ensemble des parties prenantes.» (3)

L'existence de tels rapports met en lumière la difficulté à laquelle nous sommes confrontés. Si le gaz de schiste constitue une source d'énergie considérable qui peut être l'une des réponses à la réduction de notre dépendance énergétique, les enjeux environnementaux ne peuvent pas être ignorés pour autant. En effet, ils sont aujourd'hui un paramètre important à prendre en compte en période de transition énergétique. Nous ne pouvons appliquer une doctrine autre que "réfléchir avant d'agir", qui se traduit par une analyse préalable complète des risques.

Les premières étapes dans un schéma de gestion de risques sont l'identification, l'analyse et ensuite la planification de la gestion des risques (voir schéma ci-dessous). L’étape la plus délicate est bien celle de la planification dans laquelle il s’agit de mettre en place un plan d'action efficace suivi d'une procédure de contrôle mais également accompagnée d'une communication appropriée pour informer les parties prenantes et l'opinion. La planification devra également se fonder sur une analyse solide de l'occurrence des risques identifiés. Aucune étape du cycle ne doit être négligée car de la première découle le bon fonctionnement de cette gestion et donc la pérennité de l'exploitation des ressources.
Infographie: cycle de gestion des risques avec effet d'apprentissage

Si les premiers obstacles à l'exploitation du gaz de schistes sont de taille, ils ne semblent pas insurmontables. En effet, la mise en place d'un tel cycle, associée aux avancées technologiques (en matière de forage notamment qui nécessite, selon le rapport précité, seulement une douzaine de produits aujourd'hui en France contre 200 aux Etats-Unis), peuvent laisser à penser qu'à terme, une exploitation "contrôlée" et à moindre risque sera possible. Mais en attendant cette mise en place effective, l'interdiction de la fracturation hydraulique est légitime. Des mesures urgentes de précaution sont indispensables. C'est donc une attitude responsable inévitable. De nombreux pays comme la Bulgarie, qui avait pourtant lancé l'exploitation de gaz de schiste, ont d'ailleurs revu leur position en interdisant la fracturation hydraulique et en suspendant les permis accordés en 2011, alors même que le pays dépend fortement du gaz Russe. Le gouvernement français ne pouvait et ne peut donc pas négliger les impacts environnementaux de cette exploitation méconnue.

Si la prudence est bien de rigueur, cela ne doit pas rimer avec l'abandon définitif du gaz de schiste. C'est bien ce que le rapport complémentaire paraît avancer. Des solutions pourraient exister pour réduire les risques analysés. Il semblerait alors que le mauvais élève de l'année 2010-2011 fera encore parler de lui cette année avec, peut être, un bulletin en progression.

(1) www.insee.fr  
(2) Loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique publiée au Journal Officiel du 14 juillet 2011
(3) Rapport complémentaire, Les hydrocarbures de roche-mère en France, février 2012
 
 

Blandine Gény
Dans cet article : gaz de schiste énergie