Le chocolat : un produit de luxe en devenir ?



Vendredi 13 Avril 2012


Produit star des filières de l’agroalimentaire, le chocolat est une denrée qui s’est démocratisée. Le prix du cacao baisse d’ailleurs depuis les années 1980 et cela contribue à faire du chocolat un produit de consommation des plus populaires. Toutefois, l’évolution de la demande mondiale et surtout le risque lié au climat pourrait bouleverser cet état de fait et transformer le chocolat en produit rare et donc cher.



Fin septembre 2011, le Centre International pour l’Agriculture Tropicale (CIAT) faisait paraître une étude intitulée « Predicting the Impact of Climate Change on the Cocoa-Growing Regions in Ghana and Cote d’Ivoire ». Centrées sur le Ghana et la Côte d’Ivoire, les recherches du CIAT montrent que l’augmentation anticipée de deux degrés Celsius de la température d’ici 2050 dans ces pays seraient fatale à leur culture du cacao. Or ceux deux pays sont aussi les principaux pays producteurs mondiaux de cette denrée.

Plus de la moitié de la production mondiale de chocolat provient des plantations de cacao du Ghana et de la Côte d’Ivoire. D'après l'étude en effet, ces deux pays représentent en effet à eux seuls près de 60% du cacao produit dans le monde. La Côte d’Ivoire qui produit d’ailleurs plus d’un million de tonnes de cacao par an est de loin le premier producteur mondial et compte 40% des parts de ce marché.
L’exploitation de cette denrée est essentielle à la santé économique de ces deux pays. La culture du cacao représente ainsi 7,5% du PIB en Côte d’Ivoire et 3,4% au Ghana. « Beaucoup de ces fermiers utilisent leurs cacaoyers comme des distributeurs de billets », explique Peter Laderach, le coordinateur de l’étude, « ils cueillent des cabosses et les vendent pour disposer au besoin de l’argent nécessaire afin de payer les frais de scolarité ou les dépenses médicales. Les arbres jouent un rôle absolument critique dans la vie rurale ».

D’après Peter Laderach et les auteurs de l’étude, les effets du réchauffement climatique sont déjà palpables sur les plans de cacao « produit dans des régions marginales ». Certains producteurs éprouvent en effet des difficultés à maintenir leur production en raison de fortes chaleurs et sont donc contraints de maintenir leurs plants au frais en plantant des arbres supplémentaire pour les maintenir à l’ombre.
Peter Laderach est néanmoins optimiste pour les producteurs : « [Ils] seront protégés si ils sont préparés à changer », affirme-t-il, « la bonne nouvelles est que le rapport quantifie les risques et identifie les zones particulièrement vulnérable à temps pour que des actions efficaces soit entreprises ». Pour pallier à ces nouvelles difficultés, le CIAT recommande en effet d’apporter une attention particulière à la prévention des incendies et de diversifier les cultures afin de réduire la dépendance des monoproducteurs aux conditions climatiques. Mais la culture du cacao au Ghana et en Côte d’Ivoire encoure toujours le risque de diminuer.

Aujourd’hui, cinq entreprises se sont approprié 80% du commerce mondial de la fève de cacao ; on trouve parmi elles Cargill, Barry Callebaut et ADM Cocoa. Cinq groupes internationaux comptent pour 70% de la transformation du cacao et six multinationales dont Nestlé, Ferrero, Cadbury, Mars, Hershey et Philip Morris représentent 80% du marché du chocolat. Le marché du cacao est donc un marché extrêmement concentré mais aussi extrêmement volatile.
En effet, il est difficile pour les producteurs et les acheteurs de déterminer une tendance dans un contexte où les plantations de cacao ne deviennent productives qu’au bout d’une dizaine d’année. Une augmentation massive et subite de la demande est donc susceptible de créer de la rareté sur le marché. Depuis les années 1980 toutefois, les capacités productives des producteurs sont excédentaires et empêchent une hausse tendancielle des prix de s’installer.
Toutefois, le CIAT met en garde les acheteurs du marché. Face à la demande croissante des pays d’Asie pour les produits chocolatés, la demande sur le marché du cacao pourrait croître très rapidement dans les années à venir. D’après Peter Laderach en effet, « il n’est pas inconcevable que cela, combiné à l’impact du changement climatique, puisse causer une augmentation brusque du prix du chocolat ».

Les marchés du cacao et du chocolat pourraient être les premiers à subir une profonde reconfiguration du fait des effets du changement climatique. Concentré sur deux pays d’Afrique où le réchauffement climatique est déjà constaté par les scientifiques du CIAT, la production de cacao pourrait ainsi diminuer à l’avenir et malgré des anticipations à la hausse de la demande tendancielle mondiale. Les acteurs industriels du marché du cacao sont répartis en quelques grandes entreprises internationales. Ces grands groupes à l’image de Nestlé sont sensibles aux enjeux du développement durable et l’étude du CIAT montre qu’il est plus que jamais dans leurs intérêts de s’y intéresser.

Arthur Fournier