Le tsunami et la catastrophe de Fukushima
La centrale nucléaire de Fukushima a été gravement endommagée par un séisme dévastateur et le tsunami qui a suivi. La destruction de la centrale a provoqué le pire accident nucléaire au monde depuis Tchernobyl en 1986. Des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri, des villes entières étant devenues inhabitables en raison de la contamination radioactive.
Le tsunami avait détruit les générateurs de secours de la centrale, empêchant le refroidissement des réacteurs et provoquant une fusion des coeurs. Plusieurs rapports d'expertises, sur lesquels nous reviendront plus loin, ont montré une gestion de crise inadaptée. Le gouvernement du Japon a minimisé aussi longtemps que possible l'ampleur de l'accident nucléaire. Il a de même refusé longtemps l'aide de pays étrangers, considérant qu'il s'agissait d'une ingérence dans les affaires internes japonaises. La situation réelle est encore assez mal connue aujourd'hui, toujours en raison d'une gestion de crise largement axée sur la minimisation et la dissimulation. Ainsi, le gouvernement a très largement rejeté la responsabilité sur l'exploitant de la centrale pour masquer les manques de ses organes de régulation de crise. Il a aussi misé sur la traditionnelle discipline de la population japonaise.
Néanmoins, la communication entre les travailleurs ainsi qu'avec le gouvernement n'a pas fonctionné. La communication entre les équipes d'urgence était également médiocre. Des petits groupes ont pris à plusieurs reprises des décisions sans en informer leurs supérieurs et les réponses apportées étaient incohérentes.
Face à l'incompétence de l'exploitant Tepco, le gouvernement japonais a pris le relais, mais cette décision a été, selon les experts, prise bien trop tard pour espérer enrayer la catastrophe.
Une gestion de crise inadaptée : les principales erreurs
Pourquoi la gestion de crise n'a-t-elle pas fonctionné à Fukushima ? Le rapport d'une commission d'experts mandatés par le gouvernement japonais pointe du doigt de nombreux dysfonctionnements : ainsi, les travailleurs de l'opérateur de la centrale, Tepco, n'avaient pas été formés pour faire face aux situations d'urgence à la centrale de Fukushima, comme la panne d'électricité après le tsunami. La commission d'enquête a également mis en évidence une erreur d'appréciation majeure : le personnel de Tepco présent sur place a supposé à tort qu'un système de refroidissement d'urgence fonctionnait. Ce n'était pas le cas, de sorte que cette erreur d'appréciation a contribué à aggraver la situation. Voici les différents points qui ont posé problème.
L'absence de prise en compte du risque de tsunami
D'après les calculs réalisés à partir de 2008, l'exploitant Tepco était au courant qu'en cas de tsunami, la hauteur des vagues pouvait dépasser 15 mètres. Cependant, l'entreprise n'a pas pris ces calculs au sérieux et n'a pas mis en place les solutions adaptées. Ainsi, il n'y avait pas de plan d'urgence en cas de panne d'électricité, les employés n'avaient pas été formés à cet effet et l'équipement nécessaire n'était pas disponible sur place.
Les locaux dédiés au personnel de crise sur le site n'étaient pas adaptés à la coïncidence d'un tremblement de terre et d'un accident de réacteur. Ces bâtiments n'avaient en effet pas été conçus pour protéger des radiations, et cela bien que les locaux aient été prévus pour être utilisés en cas d'accident nucléaire.
Problèmes de gouvernance et de communication
Le rapport d'expertise a en outre mis en évidence que les organes gouvernementaux de sécurité n'avaient à aucun moment vérifié la fiabilité des mesures mises en place par Tepco. L'inadéquation des mesures se reflète dans les problèmes de communication qui ont suivi l'explosion et le tsunami. Ainsi, les experts estiment que l'information et la communication après la catastrophe, dans le cadre de la gestion de crise, ont complètement échoué.
En raison de la panne d'électricité, l'infrastructure de communication était inutilisable. Sur le plan organisationnel, la communication n'a jamais vraiment passé entre les équipes sur place et l'Etat japonais, et cela même lorsque les équipes locales et les équipes mandatées par le gouvernement se sont retrouvées ensemble sur le site. L'information du public sur la situation à tenir a elle aussi été catastrophique, mettant en danger les populations.
Intervention inadaptée sur le ou les réacteurs
L'absence de communication fiable, des informations incorrectes et d'autres dysfonctionnements majeurs ont conduit à une intervention inadaptée sur les réacteurs. Celle-ci a nourri le problème au lieu de parvenir à la résoudre. Ainsi, des erreurs nombreuses ont été commises dans le contrôle de l'alimentation en eau du réacteur. Le processus de refroidissement n'a plus été assuré.
Les résultats du rapport d'enquête donnent l'impression que les risques majeurs ont été traités avec une grande négligence. Alors que l'accident n'était en aucun cas imprévisible, les dangers ont été minimisés, négligés ou simplement ignorés par le gestionnaire de la centrale.
La question de la fusion du réacteur
Le problème central à Fukushima a été le refroidissement du cœur du réacteur après la panne d'électricité due au tremblement de terre et la défaillance des systèmes de refroidissement d'urgence due au tsunami. Bien que la réaction en chaîne ait été arrêtée par le personnel, la désintégration des substances radioactives produites a continué à entraîner un dégagement considérable de chaleur.
La panne des systèmes de refroidissement a entraîné l'évaporation de l'eau de refroidissement et finalement le réchauffement et la fusion du matériau du cœur. En raison de l'oxydation des gaines entourant le combustible contenant de l'uranium dans la vapeur d'eau, de l'hydrogène a été produit lorsque le réacteur a atteint 1200°C.
On sait que la chaleur augmente en raison de la réaction chimique : à partir de 1800°C environ, les premiers processus de fusion se produisent. A 2700°C, le noyau du réacteur fond. Sans refroidissement, ce processus conduit à la défaillance progressive des barrières de protection contre la libération de matières radioactives, à savoir la gaine des barres de combustible, la cuve sous pression du réacteur, l'enceinte de confinement et enfin le bâtiment du réacteur lui-même.
Impact de l'accident nucléaire de Fukushima sur les stratégies de gestion de crise
L'accident nucléaire de Fukushima a bouleversé dans un grand nombre de pays les stratégies de gestion de crise. Ces dernières ont pour une large part été complètement revues. Ce sont les leçons tirées d'un accident majeur, dont les experts s'accordent à affirmer, comme nous venons de le voir, que la gestion a été inadaptée.
Ainsi, il apparaît que les risques avaient été prévus en amont. Ils avaient même été jugés probables, cette partie de la côte étant fréquemment frappée par des tsunamis puissants. La gravité de l'accident de Fukushima relève donc à la fois du manque de précaution de Tepco et d'une négligence des autorités de régulation. En effet, les experts estiment qu'un seul exercice portant sur le scénario de la catastrophe aurait suffi à améliorer considérablement la gestion de crise. Cet exercice n'est mentionné dans aucun des protocoles de la centrale et n'a donc sans doute jamais eu lieu.
L'accident de Fukushima a éveillé de nombreuses consciences dans différents pays du Monde. L'importance d'une véritable culture de la sécurité est apparue au grand jour. Une telle culture nécessite un processus continu d'analyse des questions de sécurité, de manière à pouvoir élaborer des normes. Cette analyse doit aussi se pencher sur les processus destinés à être mis en oeuvre en cas de catastrophe nucléaire, de manière à mettre en évidence ses lacunes et ses omissions. Ainsi, la crise de Fukushima a très largement révélé des manques dans les pratiques de sécurité et de gestion des accidents majeurs au niveau international.
L'analyse du chercheur Theofanis Tehofanous
Spécialiste des risques et de la gestion de crise, le chercheur américain Tehofanis Theofanous estime qu'un management satisfaisant ne peut faire l'impasse sur les apports respectifs de la science, de l'ingénierie et des stratégies de gestion politique en matière de sécurité. Ainsi, il attribue un rôle de questionnement à la science, une approche pratique à l'ingénierie, et un rôle de contrôle au monde politique. Ce n'est que par l'interaction de ces trois éléments qu'une culture de la sécurité peut se développer et espérer être efficace, selon lui.
La théorie de Theofanous s'appuie sur des exemples tirés de la navigation spatiale (comme le crash du "Challenger" en 1986) ainsi que de la technologie nucléaire, dans lesquels la culture de la sécurité a échoué de manière flagrante, comme ce fut le cas à Fukushima. Le facteur crucial est selon lui la capacité à percevoir les déficits critiques. La culture de la sécurité doit donc être interprétée comme une culture de la compréhension de la nature, de la technologie et des processus sociaux. C'est pourquoi il s'oppose aux tentatives de mesurer une culture de sécurité fonctionnelle à l'aide de critères quantitatifs.
Les déficits, dit-il, ne peuvent être mis en évidence que par un débat entre les différentes instances. Les modèles informatiques ne peuvent remplacer l'analyse humaine. Selon Theofanous, les différentes instances impliquées dans la sécurité ne communiquent pas suffisamment, ce qu'a d'ailleurs largement montré l'accident nucléaire de Fukushima, qui révèle une coopération insuffisante entre les parties concernées. Il s'agit aussi bien du manque de réalisme de certains travaux scientifiques que d'un manque de volonté de la part des industriels, des opérateurs et des politiques d'accepter les critiques et de travailler à l'amélioration de la sécurité.
Culture de sécurité et expertise : un enjeu de gestion de crise incontournable
Des risques de dimensions comparables, difficiles à évaluer en raison de la complexité des processus et des interrelations, existent également dans d'autres domaines. Le changement climatique, par exemple, peut provoquer des destructions et des bouleversements sociaux difficilement prévisibles, le génie génétique pourrait entraîner une évolution menaçante des parasites et des agents pathogènes.
Des risques de ce type existent déjà dans la production alimentaire conventionnelle en raison de l'utilisation d'agents chimiques. Dans ces cas, les dangers sont plus insidieux et ne sont pas causés par un seul accident. À Fukushima, cependant, il n'y a pas eu non plus de décès direct dû à la radioactivité - ici aussi, les dommages sont plus susceptibles de se produire sur le long terme.
Il ne saurait être question d'opposer les risques les uns aux autres. Il s'agit plutôt de reconnaître qu'il est nécessaire d'anticiper les crises, en prenant en compte les facteurs complexes dans tous les domaines et en tirant parti des enseignements de la gestion de crise dans le nucléaire.
Le débat public sur la gestion de crise met cependant en évidence un paradoxe propre à nos sociétés occidentales. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à faire part d'inquiétudes face aux technologies mal maîtrisées, mais ces craintes sont taxées d'irrationnelles par les experts. En retour, ces experts sont accusés d'avoir des conflits d'intérêts.
Les deux points de vue sont en partie justes. Ainsi, les craintes des populations et des lanceurs d'alerte se sont souvent avérées fondées face aux catastrophes liées à la technologie. D'autre part, on ne peut nier les avantages du développement technique.
La centrale nucléaire de Fukushima a été gravement endommagée par un séisme dévastateur et le tsunami qui a suivi. La destruction de la centrale a provoqué le pire accident nucléaire au monde depuis Tchernobyl en 1986. Des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans abri, des villes entières étant devenues inhabitables en raison de la contamination radioactive.
Le tsunami avait détruit les générateurs de secours de la centrale, empêchant le refroidissement des réacteurs et provoquant une fusion des coeurs. Plusieurs rapports d'expertises, sur lesquels nous reviendront plus loin, ont montré une gestion de crise inadaptée. Le gouvernement du Japon a minimisé aussi longtemps que possible l'ampleur de l'accident nucléaire. Il a de même refusé longtemps l'aide de pays étrangers, considérant qu'il s'agissait d'une ingérence dans les affaires internes japonaises. La situation réelle est encore assez mal connue aujourd'hui, toujours en raison d'une gestion de crise largement axée sur la minimisation et la dissimulation. Ainsi, le gouvernement a très largement rejeté la responsabilité sur l'exploitant de la centrale pour masquer les manques de ses organes de régulation de crise. Il a aussi misé sur la traditionnelle discipline de la population japonaise.
Néanmoins, la communication entre les travailleurs ainsi qu'avec le gouvernement n'a pas fonctionné. La communication entre les équipes d'urgence était également médiocre. Des petits groupes ont pris à plusieurs reprises des décisions sans en informer leurs supérieurs et les réponses apportées étaient incohérentes.
Face à l'incompétence de l'exploitant Tepco, le gouvernement japonais a pris le relais, mais cette décision a été, selon les experts, prise bien trop tard pour espérer enrayer la catastrophe.
Une gestion de crise inadaptée : les principales erreurs
Pourquoi la gestion de crise n'a-t-elle pas fonctionné à Fukushima ? Le rapport d'une commission d'experts mandatés par le gouvernement japonais pointe du doigt de nombreux dysfonctionnements : ainsi, les travailleurs de l'opérateur de la centrale, Tepco, n'avaient pas été formés pour faire face aux situations d'urgence à la centrale de Fukushima, comme la panne d'électricité après le tsunami. La commission d'enquête a également mis en évidence une erreur d'appréciation majeure : le personnel de Tepco présent sur place a supposé à tort qu'un système de refroidissement d'urgence fonctionnait. Ce n'était pas le cas, de sorte que cette erreur d'appréciation a contribué à aggraver la situation. Voici les différents points qui ont posé problème.
L'absence de prise en compte du risque de tsunami
D'après les calculs réalisés à partir de 2008, l'exploitant Tepco était au courant qu'en cas de tsunami, la hauteur des vagues pouvait dépasser 15 mètres. Cependant, l'entreprise n'a pas pris ces calculs au sérieux et n'a pas mis en place les solutions adaptées. Ainsi, il n'y avait pas de plan d'urgence en cas de panne d'électricité, les employés n'avaient pas été formés à cet effet et l'équipement nécessaire n'était pas disponible sur place.
Les locaux dédiés au personnel de crise sur le site n'étaient pas adaptés à la coïncidence d'un tremblement de terre et d'un accident de réacteur. Ces bâtiments n'avaient en effet pas été conçus pour protéger des radiations, et cela bien que les locaux aient été prévus pour être utilisés en cas d'accident nucléaire.
Problèmes de gouvernance et de communication
Le rapport d'expertise a en outre mis en évidence que les organes gouvernementaux de sécurité n'avaient à aucun moment vérifié la fiabilité des mesures mises en place par Tepco. L'inadéquation des mesures se reflète dans les problèmes de communication qui ont suivi l'explosion et le tsunami. Ainsi, les experts estiment que l'information et la communication après la catastrophe, dans le cadre de la gestion de crise, ont complètement échoué.
En raison de la panne d'électricité, l'infrastructure de communication était inutilisable. Sur le plan organisationnel, la communication n'a jamais vraiment passé entre les équipes sur place et l'Etat japonais, et cela même lorsque les équipes locales et les équipes mandatées par le gouvernement se sont retrouvées ensemble sur le site. L'information du public sur la situation à tenir a elle aussi été catastrophique, mettant en danger les populations.
Intervention inadaptée sur le ou les réacteurs
L'absence de communication fiable, des informations incorrectes et d'autres dysfonctionnements majeurs ont conduit à une intervention inadaptée sur les réacteurs. Celle-ci a nourri le problème au lieu de parvenir à la résoudre. Ainsi, des erreurs nombreuses ont été commises dans le contrôle de l'alimentation en eau du réacteur. Le processus de refroidissement n'a plus été assuré.
Les résultats du rapport d'enquête donnent l'impression que les risques majeurs ont été traités avec une grande négligence. Alors que l'accident n'était en aucun cas imprévisible, les dangers ont été minimisés, négligés ou simplement ignorés par le gestionnaire de la centrale.
La question de la fusion du réacteur
Le problème central à Fukushima a été le refroidissement du cœur du réacteur après la panne d'électricité due au tremblement de terre et la défaillance des systèmes de refroidissement d'urgence due au tsunami. Bien que la réaction en chaîne ait été arrêtée par le personnel, la désintégration des substances radioactives produites a continué à entraîner un dégagement considérable de chaleur.
La panne des systèmes de refroidissement a entraîné l'évaporation de l'eau de refroidissement et finalement le réchauffement et la fusion du matériau du cœur. En raison de l'oxydation des gaines entourant le combustible contenant de l'uranium dans la vapeur d'eau, de l'hydrogène a été produit lorsque le réacteur a atteint 1200°C.
On sait que la chaleur augmente en raison de la réaction chimique : à partir de 1800°C environ, les premiers processus de fusion se produisent. A 2700°C, le noyau du réacteur fond. Sans refroidissement, ce processus conduit à la défaillance progressive des barrières de protection contre la libération de matières radioactives, à savoir la gaine des barres de combustible, la cuve sous pression du réacteur, l'enceinte de confinement et enfin le bâtiment du réacteur lui-même.
Impact de l'accident nucléaire de Fukushima sur les stratégies de gestion de crise
L'accident nucléaire de Fukushima a bouleversé dans un grand nombre de pays les stratégies de gestion de crise. Ces dernières ont pour une large part été complètement revues. Ce sont les leçons tirées d'un accident majeur, dont les experts s'accordent à affirmer, comme nous venons de le voir, que la gestion a été inadaptée.
Ainsi, il apparaît que les risques avaient été prévus en amont. Ils avaient même été jugés probables, cette partie de la côte étant fréquemment frappée par des tsunamis puissants. La gravité de l'accident de Fukushima relève donc à la fois du manque de précaution de Tepco et d'une négligence des autorités de régulation. En effet, les experts estiment qu'un seul exercice portant sur le scénario de la catastrophe aurait suffi à améliorer considérablement la gestion de crise. Cet exercice n'est mentionné dans aucun des protocoles de la centrale et n'a donc sans doute jamais eu lieu.
L'accident de Fukushima a éveillé de nombreuses consciences dans différents pays du Monde. L'importance d'une véritable culture de la sécurité est apparue au grand jour. Une telle culture nécessite un processus continu d'analyse des questions de sécurité, de manière à pouvoir élaborer des normes. Cette analyse doit aussi se pencher sur les processus destinés à être mis en oeuvre en cas de catastrophe nucléaire, de manière à mettre en évidence ses lacunes et ses omissions. Ainsi, la crise de Fukushima a très largement révélé des manques dans les pratiques de sécurité et de gestion des accidents majeurs au niveau international.
L'analyse du chercheur Theofanis Tehofanous
Spécialiste des risques et de la gestion de crise, le chercheur américain Tehofanis Theofanous estime qu'un management satisfaisant ne peut faire l'impasse sur les apports respectifs de la science, de l'ingénierie et des stratégies de gestion politique en matière de sécurité. Ainsi, il attribue un rôle de questionnement à la science, une approche pratique à l'ingénierie, et un rôle de contrôle au monde politique. Ce n'est que par l'interaction de ces trois éléments qu'une culture de la sécurité peut se développer et espérer être efficace, selon lui.
La théorie de Theofanous s'appuie sur des exemples tirés de la navigation spatiale (comme le crash du "Challenger" en 1986) ainsi que de la technologie nucléaire, dans lesquels la culture de la sécurité a échoué de manière flagrante, comme ce fut le cas à Fukushima. Le facteur crucial est selon lui la capacité à percevoir les déficits critiques. La culture de la sécurité doit donc être interprétée comme une culture de la compréhension de la nature, de la technologie et des processus sociaux. C'est pourquoi il s'oppose aux tentatives de mesurer une culture de sécurité fonctionnelle à l'aide de critères quantitatifs.
Les déficits, dit-il, ne peuvent être mis en évidence que par un débat entre les différentes instances. Les modèles informatiques ne peuvent remplacer l'analyse humaine. Selon Theofanous, les différentes instances impliquées dans la sécurité ne communiquent pas suffisamment, ce qu'a d'ailleurs largement montré l'accident nucléaire de Fukushima, qui révèle une coopération insuffisante entre les parties concernées. Il s'agit aussi bien du manque de réalisme de certains travaux scientifiques que d'un manque de volonté de la part des industriels, des opérateurs et des politiques d'accepter les critiques et de travailler à l'amélioration de la sécurité.
Culture de sécurité et expertise : un enjeu de gestion de crise incontournable
Des risques de dimensions comparables, difficiles à évaluer en raison de la complexité des processus et des interrelations, existent également dans d'autres domaines. Le changement climatique, par exemple, peut provoquer des destructions et des bouleversements sociaux difficilement prévisibles, le génie génétique pourrait entraîner une évolution menaçante des parasites et des agents pathogènes.
Des risques de ce type existent déjà dans la production alimentaire conventionnelle en raison de l'utilisation d'agents chimiques. Dans ces cas, les dangers sont plus insidieux et ne sont pas causés par un seul accident. À Fukushima, cependant, il n'y a pas eu non plus de décès direct dû à la radioactivité - ici aussi, les dommages sont plus susceptibles de se produire sur le long terme.
Il ne saurait être question d'opposer les risques les uns aux autres. Il s'agit plutôt de reconnaître qu'il est nécessaire d'anticiper les crises, en prenant en compte les facteurs complexes dans tous les domaines et en tirant parti des enseignements de la gestion de crise dans le nucléaire.
Le débat public sur la gestion de crise met cependant en évidence un paradoxe propre à nos sociétés occidentales. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à faire part d'inquiétudes face aux technologies mal maîtrisées, mais ces craintes sont taxées d'irrationnelles par les experts. En retour, ces experts sont accusés d'avoir des conflits d'intérêts.
Les deux points de vue sont en partie justes. Ainsi, les craintes des populations et des lanceurs d'alerte se sont souvent avérées fondées face aux catastrophes liées à la technologie. D'autre part, on ne peut nier les avantages du développement technique.