Un bien encombrant voisin
Le Qatar pâtit principalement d’une situation à laquelle il ne peut rien : le voisinage de l’Arabie Saoudite. Le chef de file de l’Islam wahhabite est en effet le fer de lance d’un mouvement virulent d’opposition au Qatar, sur tous les fronts : économique, politique et diplomatique. Parmi les principaux griefs reprochés à l’émirat gazier, son émancipation sur la scène internationale, sa relative neutralité face à l’Iran, et sa proximité supposée avec les Frères Musulmans, dont l’idéologie fait figure de repoussoir pour les intégristes wahhabites saoudiens.
Désireux de faire « payer » au Qatar ces trois griefs, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont rompu toute relation avec le Qatar le 5 juin 2017, le plaçant de facto en situation de blocus. Plus d’un an après le début de cette initiative quelque peu improvisée, le résultat est sans appel : après quelques sueurs froides les premières semaines, le Qatar s’est adapté à la situation et a même transformé cette crise en opportunité de renforcement de ses relations à l’international.
Une offensive diplomatique tous azimuts
Le Qatar ne pouvant pas compter sur son environnement proche pour entretenir des relations normales de « bon voisinage », il est allé chercher ailleurs les partenaires dont il a besoin. Puisque la sécurité est le premier impératif, c’est du côté des Etats-Unis que le Qatar lorgne pour dissuader ses voisins d’en venir aux mains à son encontre. Depuis plusieurs années, le petit émirat multiplie les exercices militaires et les accords de coopération bilatéraux avec les Etats-Unis, en plus de signer un certain nombre de contrats d’armements. Objectif affiché de Doha : devenir membre observateur de l’OTAN à moyen terme et, dans l’idéal, accueillir une base de l’OTAN sur son sol, en plus de la base américaine déjà sur place.
Mais à l’instar de la plupart des pays du Golfe, Doha fait également en sorte de soigner ses relations avec l’éternel rival russe. Si les deux pays ont été longtemps à couteaux tirés sur le dossier syrien, ils se sont spectaculairement rapprochés depuis le début de la crise en juin 2017. Une raison essentielle à cela : Iran, Qatar et Russie concentrent à eux trois la moitié des réserves de gaz mondiales. Ces trois pays ont donc toutes les raisons de s’entendre. Et les ressources du Qatar proviennent encore à 75% de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Du côté de la Russie, le Qatar représente l’opportunité de contourner la volonté européenne de ne plus dépendre du gaz russe, tout en concurrençant la filière hydrocarbure saoudienne sur son terrain. Mais en jouant à la fois la Russie et les Etats-Unis contre l’Arabie Saoudite, Doha se lance dans une partie extrêmement serrée, à l’équilibre instable. C’est précisément pour cette raison que le partenariat avec la France est maintenu et soigneusement entretenu.
La France et le soft power
Dans la continuité d’une politique étrangère démarrée sous le général de Gaulle, la France a toujours constitué un choix partenarial à part, en raison de prises de position sur les grands dossiers internationaux, à la fois distinctives et généralement plus nuancées. De plus la France, au même titre que les États-Unis et la Russie, est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle a toujours représenté pour le Qatar un allié de poids sur la scène internationale. Reçu en grande pompe par Emmanuel Macron à plusieurs reprises, l’émir du Qatar renforce ainsi son influence au sein de la sphère diplomatique internationale.
La France n’est évidemment pas dupe des intentions du Qatar, mais l’ensemble est vu comme un jeu gagnant-gagnant. Il est de notoriété publique que le Qatar est un bon client des entreprises françaises. Via la Qatar Investment Authority, le Qatar est aussi un grand investisseur sur le territoire national : près de 25 milliards d’euros annuels dans des secteurs aussi variés que le sport, le luxe, l’immobilier ou les médias. Il serait pourtant inexact de penser que le Qatar ne fait qu’acheter une « recommandation » française. Historiquement et culturellement, le Qatar est plus francophile qu’anglophile.
A commencer par l’émir du Qatar, parfaitement francophone, qui a d’ailleurs tenu à répondre aux questions des journalistes en français, lors d’une conférence de presse organisée peu de temps après un déjeuner en tête à tête avec Emmanuel Macron. En outre, le Qatar compte près de 200.000 citoyens parlant français. Depuis octobre 2012, il est d’ailleurs membre associé de l’Organisation internationale de la Francophonie. La même année, le français a été réintroduit dans l’enseignement public. Les plus hautes autorités de l’Etat ont bien souvent fait appel à des précepteurs français pour l’éducation de leurs enfants. Si l’émir actuel est diplômé de l’Académie royale militaire de Sandhurst au Royaume-Uni, l’un de ses fils a lui réalisé une partie de sa scolarité à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr en Bretagne. Deux autres sont actuellement au lycée Voltaire de Doha. HEC Paris, à l’instar d’autres écoles françaises prestigieuses, a ouvert une structure d’enseignement au Qatar.
En matière d’éducation comme ailleurs, l’idée du Qatar est de favoriser la diversité des approches, et de ne plus reposer exclusivement sur les modèles, les écoles et les partenaires anglo-saxons. Compte tenu de la réputation de ses écoles et universités, du pragmatisme de sa diplomatie et de son réseau d’entreprises multinationales, la France est de longue date un partenaire tout indiqué pour accompagner la montée en puissance du Qatar sur la scène internationale.
Le Qatar pâtit principalement d’une situation à laquelle il ne peut rien : le voisinage de l’Arabie Saoudite. Le chef de file de l’Islam wahhabite est en effet le fer de lance d’un mouvement virulent d’opposition au Qatar, sur tous les fronts : économique, politique et diplomatique. Parmi les principaux griefs reprochés à l’émirat gazier, son émancipation sur la scène internationale, sa relative neutralité face à l’Iran, et sa proximité supposée avec les Frères Musulmans, dont l’idéologie fait figure de repoussoir pour les intégristes wahhabites saoudiens.
Désireux de faire « payer » au Qatar ces trois griefs, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont rompu toute relation avec le Qatar le 5 juin 2017, le plaçant de facto en situation de blocus. Plus d’un an après le début de cette initiative quelque peu improvisée, le résultat est sans appel : après quelques sueurs froides les premières semaines, le Qatar s’est adapté à la situation et a même transformé cette crise en opportunité de renforcement de ses relations à l’international.
Une offensive diplomatique tous azimuts
Le Qatar ne pouvant pas compter sur son environnement proche pour entretenir des relations normales de « bon voisinage », il est allé chercher ailleurs les partenaires dont il a besoin. Puisque la sécurité est le premier impératif, c’est du côté des Etats-Unis que le Qatar lorgne pour dissuader ses voisins d’en venir aux mains à son encontre. Depuis plusieurs années, le petit émirat multiplie les exercices militaires et les accords de coopération bilatéraux avec les Etats-Unis, en plus de signer un certain nombre de contrats d’armements. Objectif affiché de Doha : devenir membre observateur de l’OTAN à moyen terme et, dans l’idéal, accueillir une base de l’OTAN sur son sol, en plus de la base américaine déjà sur place.
Mais à l’instar de la plupart des pays du Golfe, Doha fait également en sorte de soigner ses relations avec l’éternel rival russe. Si les deux pays ont été longtemps à couteaux tirés sur le dossier syrien, ils se sont spectaculairement rapprochés depuis le début de la crise en juin 2017. Une raison essentielle à cela : Iran, Qatar et Russie concentrent à eux trois la moitié des réserves de gaz mondiales. Ces trois pays ont donc toutes les raisons de s’entendre. Et les ressources du Qatar proviennent encore à 75% de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Du côté de la Russie, le Qatar représente l’opportunité de contourner la volonté européenne de ne plus dépendre du gaz russe, tout en concurrençant la filière hydrocarbure saoudienne sur son terrain. Mais en jouant à la fois la Russie et les Etats-Unis contre l’Arabie Saoudite, Doha se lance dans une partie extrêmement serrée, à l’équilibre instable. C’est précisément pour cette raison que le partenariat avec la France est maintenu et soigneusement entretenu.
La France et le soft power
Dans la continuité d’une politique étrangère démarrée sous le général de Gaulle, la France a toujours constitué un choix partenarial à part, en raison de prises de position sur les grands dossiers internationaux, à la fois distinctives et généralement plus nuancées. De plus la France, au même titre que les États-Unis et la Russie, est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle a toujours représenté pour le Qatar un allié de poids sur la scène internationale. Reçu en grande pompe par Emmanuel Macron à plusieurs reprises, l’émir du Qatar renforce ainsi son influence au sein de la sphère diplomatique internationale.
La France n’est évidemment pas dupe des intentions du Qatar, mais l’ensemble est vu comme un jeu gagnant-gagnant. Il est de notoriété publique que le Qatar est un bon client des entreprises françaises. Via la Qatar Investment Authority, le Qatar est aussi un grand investisseur sur le territoire national : près de 25 milliards d’euros annuels dans des secteurs aussi variés que le sport, le luxe, l’immobilier ou les médias. Il serait pourtant inexact de penser que le Qatar ne fait qu’acheter une « recommandation » française. Historiquement et culturellement, le Qatar est plus francophile qu’anglophile.
A commencer par l’émir du Qatar, parfaitement francophone, qui a d’ailleurs tenu à répondre aux questions des journalistes en français, lors d’une conférence de presse organisée peu de temps après un déjeuner en tête à tête avec Emmanuel Macron. En outre, le Qatar compte près de 200.000 citoyens parlant français. Depuis octobre 2012, il est d’ailleurs membre associé de l’Organisation internationale de la Francophonie. La même année, le français a été réintroduit dans l’enseignement public. Les plus hautes autorités de l’Etat ont bien souvent fait appel à des précepteurs français pour l’éducation de leurs enfants. Si l’émir actuel est diplômé de l’Académie royale militaire de Sandhurst au Royaume-Uni, l’un de ses fils a lui réalisé une partie de sa scolarité à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr en Bretagne. Deux autres sont actuellement au lycée Voltaire de Doha. HEC Paris, à l’instar d’autres écoles françaises prestigieuses, a ouvert une structure d’enseignement au Qatar.
En matière d’éducation comme ailleurs, l’idée du Qatar est de favoriser la diversité des approches, et de ne plus reposer exclusivement sur les modèles, les écoles et les partenaires anglo-saxons. Compte tenu de la réputation de ses écoles et universités, du pragmatisme de sa diplomatie et de son réseau d’entreprises multinationales, la France est de longue date un partenaire tout indiqué pour accompagner la montée en puissance du Qatar sur la scène internationale.