Logo, marque ou raison sociale: une image mentale de notre société
Mac Donald's, c'est l'Amérique. La malbouffe. L'insidieuse hégémonie croissante d'un american way of life. Quoi de plus évident? A l'inverse du Star-Bangled Banner, on croise une enseigne MacDo à chaque coin de rue; dans l'opinion française, Halliburton incarne l'impérialisme militaire de l'Oncle Sam au Moyen-Orient sur fond de collusion et de conflits d'intérêts; Microsoft est devenu un cas d'école en matière d'abus de position dominante; Facebook devient la cible "d'hacktivistes" qui entendent par là emblématiser leur lutte contre la société de surveillance... Même dans le débat politique français, les enseignes du groupe Total évoquent systématiquement dans nos esprits mots-clés "hyper-capitalisme" ou "marée noire", s'il est encore besoin de le rappeler...
Le phénomène a de quoi inquiéter les dirigeants: la marque est devenue, outre un facteur de capitalisation financière ou de performance commerciale, un véritable vecteur de risque. Or, si l'entreprise déchaîne parfois les passions, voire la vindicte, c'est parce que son univers et ses marques jalonnent et incarnent de manière tangible notre quotidien. Non seulement on y travaille, mais de surcroît on la fait vivre. On réclame donc un droit de regard sur sa politique, sa stratégie, ses décisions, à défaut d'user avec encore suffisamment de conviction un droit de vote destiné à élire une élite politique jugée distante, sourde et déconnectée des réalités, des aspirations du peuple. Et face au lent mais perceptible désengagement de nos états-providence, tout converge désormais vers l'entreprise: nos revendications, nos espoirs démesurés, ou nos griefs. Elle est devenue un facteur explicatif de notre équilibre individuel, en témoignent la popularité actuelle des débats sur le développement personnel, la responsabilité sociale ou les risques psychosociaux. Elle est aussi tenue pour responsable des maux d'une épuisante actualité qui rongent notre société: crise économique, scandales sanitaires, catastrophes nucléaires.
L'entreprise est devenue une institution à laquelle on appartient, et qu'on estime - à juste titre, avoir le droit d'interpeller. Mais l'accabler de tous nos maux revient à laisser bien peu de place à la complexité de l'art de la gouvernance. Et le sens civique des citoyens s'exerce maintenant sur le terrain des affaires. Sauf qu'au lieu de voter, le "consomm'acteur" achète ou boycotte. On exige désormais de l'entreprise, cette personne morale, qu'elle devienne citoyenne, consciente des responsabilités humaines qu'elle endosse. Conscients de ce nouveau paradigme, certains "mouvements de l'ombre" n'hésitent plus à l'instrumentaliser pour atteindre l'opinion publique grâce à des symboles forts.
Le phénomène a de quoi inquiéter les dirigeants: la marque est devenue, outre un facteur de capitalisation financière ou de performance commerciale, un véritable vecteur de risque. Or, si l'entreprise déchaîne parfois les passions, voire la vindicte, c'est parce que son univers et ses marques jalonnent et incarnent de manière tangible notre quotidien. Non seulement on y travaille, mais de surcroît on la fait vivre. On réclame donc un droit de regard sur sa politique, sa stratégie, ses décisions, à défaut d'user avec encore suffisamment de conviction un droit de vote destiné à élire une élite politique jugée distante, sourde et déconnectée des réalités, des aspirations du peuple. Et face au lent mais perceptible désengagement de nos états-providence, tout converge désormais vers l'entreprise: nos revendications, nos espoirs démesurés, ou nos griefs. Elle est devenue un facteur explicatif de notre équilibre individuel, en témoignent la popularité actuelle des débats sur le développement personnel, la responsabilité sociale ou les risques psychosociaux. Elle est aussi tenue pour responsable des maux d'une épuisante actualité qui rongent notre société: crise économique, scandales sanitaires, catastrophes nucléaires.
L'entreprise est devenue une institution à laquelle on appartient, et qu'on estime - à juste titre, avoir le droit d'interpeller. Mais l'accabler de tous nos maux revient à laisser bien peu de place à la complexité de l'art de la gouvernance. Et le sens civique des citoyens s'exerce maintenant sur le terrain des affaires. Sauf qu'au lieu de voter, le "consomm'acteur" achète ou boycotte. On exige désormais de l'entreprise, cette personne morale, qu'elle devienne citoyenne, consciente des responsabilités humaines qu'elle endosse. Conscients de ce nouveau paradigme, certains "mouvements de l'ombre" n'hésitent plus à l'instrumentaliser pour atteindre l'opinion publique grâce à des symboles forts.
Des symboles forts, pour l'exemple: les ONG contre les marques
L'ancrage psychologique des marques est devenu tel qu'il accroît les difficultés de l'entreprise à se départir des rumeurs, des préjugés, et parfois des scandales. L'exemple le plus éloquent en est l'usage d'une technique de plus en plus répandue appelée le logobusting. Celle-ci consiste, pour Catherine Fauchoux, "à détourner les logos des groupes mis en cause en repensant les slogans, bien souvent dans un contexte non-conventionnel". Et les groupes contestataires en sont friands. L'auteur précise que "les ONG et particulièrement les défenseurs de la cause altermondialiste, tel que le groupement Oxfam en font une arme de dénonciation-communication très efficace. Ainsi Oxfam, via sa branche jeunesse « Basta ! » organise actuellement un concours de logobusting sur Ikea, afin de dénoncer la fabrication d’objets. Certaines associations organisent même des ateliers qui visent à expliquer le choix de l’entreprise, ses non applications ou doutes quant à sa responsabilité sociale, par rapport à sa production dans les pays en voie de développement." Le "casse-logo" est devenu un outil de revendication d'autant plus redoutable qu'il prend parfois la forme d'une véritable guérilla informationnelle. Car lorsque l'opinion se rebiffe, elle bénéficie d'un redoutable porte-voix: internet. Accessible à tous et instantanément, les répercussions de son usage sont potentiellement mondiales; et donc, dévastatrices. En témoigne le retentissement d'une campagne qui marqua longtemps les esprits: "Total, partenaire officiel de la fin du monde".
La rumeur et le bricolage médiatique: les entreprises face aux conflits idéologiques
Plus vieux média du monde, la rumeur? Redoutable contre-pouvoir, en tout cas, pour Jean-Noël Kapferer, qui relève dans un ouvrage consacré à ce sujet que "la rumeur mobilise". Analysant l'origine de rumeurs récurrentes chez Renault, Kapferer indique que "la rumeur qui semble partir de la base permet de mobiliser les sympathisants du syndicat, elle alimente son image, ses relations publiques (...). La rumeur conditionne les esprits, elle crée et entretient le climat désiré." Ici, l'entreprise constitue donc la cible de cette forme de communication subversive. Mais il arrive aussi que l'entreprise soit, non pas une cible, mais un instrument de pression dans le cadre de conflits idéologiques ou géopolitiques, et ce par le biais de moyens peu conventionnels.
Un conflit opposa Google aux autorités chinoises pendant de longs mois. Sous la pression de l'opinion publique, en 2010, Google était finalement parvenu à trouver un moyen légal de mettre un terme à la censure de la version chinoise de son moteur de recherche. Sur son blog, le géant du web s'en explique ainsi: "tout au long de nos discussions, le gouvernement chinois a été catégorique sur le fait que l'autocensure est une condition légale non négociable. [...] Nous espérons que le gouvernement chinois respectera notre décision, même si nous avons conscience du risque de blocage imminent de l'accès à ses services." En réalité, ce ne fut pas tout à fait du goût des autorités chinoises. Quelques semaines plus tard, le directeur juridique de Google, David Drummond, révélait que la firme avait été victime de cyber-attaques très virulentes, au même titre qu'une vingtaine d'autres entreprises américaines. Le ministère de l'Intérieur chinois indiquera aussitôt que le groupe devrait se plier aux lois chinoises, sans quoi "la Chine se développerait sans Google". De quoi alléger allègrement la tâche des 40 000 "cyber-policiers" chinois. Et au passage, d'éradiquer un redoutable concurrent du moteur de recherche national, Baidu.
Qu'elle le veuille ou non, l'entreprise est aujourd'hui politisée malgré elle. Souvent pour les symboles qu'elle véhicule, parfois parce qu'elle constitue, à l'instar de Google, un vecteur de pressions aussi variées que l'imagination est sans limite. Dans un tel contexte, l'attitude la plus pragmatique pour l'entreprise consiste à trouver un juste milieu entre le combat à corps perdus et le "no comment": communiquer sur les faits; rien que les faits.
Un conflit opposa Google aux autorités chinoises pendant de longs mois. Sous la pression de l'opinion publique, en 2010, Google était finalement parvenu à trouver un moyen légal de mettre un terme à la censure de la version chinoise de son moteur de recherche. Sur son blog, le géant du web s'en explique ainsi: "tout au long de nos discussions, le gouvernement chinois a été catégorique sur le fait que l'autocensure est une condition légale non négociable. [...] Nous espérons que le gouvernement chinois respectera notre décision, même si nous avons conscience du risque de blocage imminent de l'accès à ses services." En réalité, ce ne fut pas tout à fait du goût des autorités chinoises. Quelques semaines plus tard, le directeur juridique de Google, David Drummond, révélait que la firme avait été victime de cyber-attaques très virulentes, au même titre qu'une vingtaine d'autres entreprises américaines. Le ministère de l'Intérieur chinois indiquera aussitôt que le groupe devrait se plier aux lois chinoises, sans quoi "la Chine se développerait sans Google". De quoi alléger allègrement la tâche des 40 000 "cyber-policiers" chinois. Et au passage, d'éradiquer un redoutable concurrent du moteur de recherche national, Baidu.
Qu'elle le veuille ou non, l'entreprise est aujourd'hui politisée malgré elle. Souvent pour les symboles qu'elle véhicule, parfois parce qu'elle constitue, à l'instar de Google, un vecteur de pressions aussi variées que l'imagination est sans limite. Dans un tel contexte, l'attitude la plus pragmatique pour l'entreprise consiste à trouver un juste milieu entre le combat à corps perdus et le "no comment": communiquer sur les faits; rien que les faits.