De la crise à l’innovation, ou comment le fret aérien prépare sa reprise



Jeudi 27 Juin 2013


Depuis le début des années 2000, le fret aérien encaisse les coups successifs d’une crise prolongée. Pour ce secteur, l’après 2008 a notamment rimé avec une réduction drastique des flux de marchandises. Malgré une décade au ralenti, le transport par avion n’a toutefois cessé d’innover. C’est ainsi que le secteur est parvenu à conserver un dynamisme qui lui permet aujourd’hui d’envisager des lendemains plus prometteurs.



Une crise historique :

Fin 2009, le Parlement européen tirait la sonnette d’alarme au sujet de la santé du secteur du transport aérien européen. « Les conséquences de cette crise [de 2008] pour le transport aérien étaient devenues bien visibles », pouvait-on lire dans un rapport signé de la direction générale des politiques internes. Parmi les symptômes constatés, on relevait alors notamment « une baisse importante de la demande en transport en raison […] de la réduction des quantités de marchandises transportées », « une réduction drastique de l’offre », ou encore « une détérioration grave de la situation financière » des entreprises du secteur.
 
Et pour cause, l’année de parution de ce rapport, la Deutsche Bank enregistrait un déclin de 6 % du trafic aérien. Mais en vérité, la crise de 2008 n’a fait qu’accentuer les difficultés d’un secteur déjà fragilisé. En 2001 en effet, le trafic aérien reculait déjà de 3,1 %. Sur fond de flambée des prix du pétrole et de terrorisme aérien meurtrier, l’aviation commerciale s’enfonçait alors dans une décennie d’activité poussive.
 
En 2009 au paroxysme des difficultés, les compagnies aériennes enregistraient en cumulé plus de 4,6 milliards de pertes d’après les chiffres de l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA). Mais en 2010, la tendance commence à s’inverser. L’industrie enregistre en effet alors 15,8 milliards de dollars de bénéfice. Les spécialistes du marché du transport aérien commencent à envisager la fin d’une crise, dont beaucoup s’accordent d’ailleurs à dire qu’elles la plus violente pour le secteur depuis les années 1980.

Quand se profile la croissance :

En mars 2013, l’IATA divulguait ses chiffres prévisionnels quant à l’exercice 2013. L’Association anticipe ainsi une hausse de 2,2 milliards de dollars du bénéfice net pour cette année. En 2013, on s’attend donc à ce que les compagnies aériennes de par le monde réalisent un chiffre d’affaires de 671 milliards d’euros et un bénéfice net de 10,6 milliards de dollars ; contre 8,4 milliards en 2012. Bonne nouvelle pour le fret aérien, ces perspectives sont tirées vers le haut par un retour en force du trafic cargo. Une reprise qui a d’ailleurs amené Tony Tyler, président de l’IATA, à déclarer que « le point bas de la crise du cargo est derrière nous ». Un enthousiasme qui fait écho a des signes de reprise timides observés en 2011 et 2012 depuis confirmés : en mars 2013, le transport aérien de marchandises constatait son sixième mois de croissance consécutif.
 
Composantes à part entière de cet élan, les grandes compagnies européennes de transport aérien ont d’ailleurs affiché leur regain de vigueur au cours du premier trimestre 2013. Air France KLM a ainsi procédé à une émission d’obligations pour une valeur de 550 millions d’euros au mois de mars 2013 afin de financer la reprise de son activité. Lufthansa Cargo arbore elle aussi fièrement les signes de sa résistance. Après avoir encaissé une chute importante de son résultat d’exploitation, la compagnie est parvenue à maintenir sa rentabilité et finalise désormais l’optimisation de ses capacités de production. Ainsi, Lufthansa Cargo doit réceptionner courant 2013 de ses premiers Boeing 777 Freighter, des appareils modernes et plus économes en carburant.
 
Même si le marché n’est pas à l’abri d’un revirement malheureux, les perspectives d’évolution du marché du fret aérien n’ont jamais été aussi favorables depuis 2008. Le transport par avion a gagné en solidité ces dernières années. Un progrès qu’il s’agit désormais de pérenniser, notamment grâce à l’innovation.

L’innovation au service de la rentabilité :

L’évolution technologique des appareils on l’a vu, permet aux compagnies de réduire leurs coûts de production. À titre d’exemple, un Boeing 747, modèle d’avion mis en service en 1970, consomme environ 72 tonnes de kérosène pour 7 heures de vol. À charge et trajet identique, un Boeing 777, modèle mis en service en 1995, ne consomme plus que 50 tonnes de kérosène. L’Airbus A380 a été lui-même conçu pour consommer 15 % de carburant en moins que son rival, le Boeing 747. Compte tenu de la constance des améliorations technologique, le renouvellement des flottes constitue évidemment une source de rentabilité à portée de main pour les compagnies de transport qui en ont les moyens.
 
Du côté des process par ailleurs, des opportunités de rentabilisation sont également identifiées. Le développement des stratégies de type belly hold en donne un exemple. Le belly hold est une technique qui consiste à mettre à disposition du fret l’espace libre de la soute d’un avion de ligne transportant des passagers. Économique et écologique, cette technique est très pratiquée, mais peu encouragée de manière active. Une étude, réalisée par Boris Ploix et Rico Merkert à l’ITLS (Institute of Transport and Logistics Studies) a analysé cette pratique. Publiés à l’occasion de l’édition de 2013 de la conférence mondiale de l’Air Transport Research Society, ces travaux montrent que l’organisation des terminaux d’un aéroport en fonction de la destination pourrait favoriser l’activité du belly hold. Les résultats de cette recherche vont à l’encontre de certains projets de réaménagement d’aéroports. Ils montrent, par exemple, que le projet de réorganisation de l’aéroport de Sydney par compagnies aériennes, planifié en décembre 2011 mais récemment abandonné, aurait pu pénaliser le fret aérien s’il avait été maintenu. À l’avenir, d’autres hubs pourraient suivre l’exemple et s’emparer d’une telle opportunité de croissance de leur activité, entrainant avec eux les transporteurs de marchandises.
 
Touchés de plein fouet par la crise, les acteurs du fret aérien ont, pour la plupart, géré les années de crises avec efficacité. De nouvelles opportunités se dessinent dès lors et permettent d’envisager avec optimisme la reprise des activités internationales de transport aérien de marchandises. Par ailleurs, le fret aérien d’hier n’était pas le même qu’aujourd’hui, et celui de demain sera, en toute vraisemblance, différent lui aussi. Car il s’agit d’un secteur qui se renouvelle, se rentabilise et se consolide. Autant de promesses dont on ne peut que se réjouir, car la logistique, sur terre, sur mer ou dans les airs, demeure un indicateur déterminant de la santé économique.

Arthur Fournier