Crise : Quand la NBA se met à dos l’ogre chinois



Mardi 5 Janvier 2021


Le 4 octobre 2019, le directeur général des Houston Rockets Daryl Morey poste un tweet sur son compte personnel en soutien aux manifestants hongkongais protestant contre les tentatives du gouvernement chinois de renforcer son contrôle sur la région en imposant une loi d’extradition. Cette communication, bien qu’elle ne soit pas officielle, ne passe pas inaperçue du côté des responsables chinois qui menacent de boycotter la NBA, la privant ainsi d’une part non négligeable de ses revenus.



La réaction chinoise
 
Le consulat chinois à Houston publie un communiqué, comme première réponse officielle, dans lequel il exprime le désarroi du gouvernement de Xi Jinping des propos « erronés » de Daryl Morey et demande à la franchise des Rockets de « corriger l'erreur et prendre immédiatement des mesures concrètes pour éliminer l'impact négatif ». Cependant, ce sens de retenue et de modération est loin de faire l’unanimité chez les chinois. En effet, La télévision chinoise déclare penser à rompre tout lien avec la NBA. Le géant chinois du Web Tencent, qui détient les droits TV des matchs de la ligue de basketball américaine, décide de ne plus les diffuser. La Chinese Basketball Association, malgré qu’elle soit présidée par l’ancien pivot des Houston Rockets Yao Ming, annonce à son tour qu’elle suspend ses relations avec l’équipe américaine. De plus, compliquant encore plus la situation, le tweet en question a été posté quelques jours seulement avant l’arrivée de deux équipes de la NBA, les Los Angeles Lakers et les Brooklyn Nets, en Chine pour disputer deux matchs de pré-saison. Des célébrités chinoises ont ainsi appelé au boycott ces deux rencontres. Et dans une mesure plus draconienne, deux matchs de la G league (une ligue américaine mineure de basketball créée et dirigée par la NBA) devant opposer les Rockets aux Dallas Mavericks ont été annulés.
 
Avec une audience de plus de 800 millions de chinois et un contrat de droits TV dont la valeur dépasse la barrière des 500 millions de dollars, les conséquences risquent donc d’être catastrophiques pour la NBA si la gestion de cette crise sans précédent échoue.

Une réponse américaine mitigée
 
La première réponse américaine s’est faite le lendemain du tweet controversé sur le même réseau social à travers le propriétaire des Houston Rocktets, Tilman Fertitta, qui affirme que l'opinion de Morey ne représente pas les Rockets et que l'organisation est apolitique. Sur cette même longueur d’onde, Morey supprime son tweet et publie des excuses :"Je ne voulais pas que mon tweet offense les fans des Rockets et mes amis en Chine. Je ne faisais qu'exprimer une pensée, basée sur une interprétation, d'un événement compliqué".
 
La NBA, quant à elle, ne réagit que deux jours après l’incident en publiant un communiqué dans lequel elle reconnaît que le tweet de Morey ait pu offenser les citoyens chinois et partage son souhait que le sport soit un moyen d’unifier les gens. Cependant, la version en mandarin du communiqué publiée sur les médias chinois ne porte pas exactement le même message. En effet, sur cette version, la NBA se montre « extrêmement déçue par la déclaration inappropriée de Morey, qui a sans doute gravement blessé les sentiments des citoyens chinois ». Ce double discours engendre de vastes critiques dans le monde sportif et politique. A titre d’exemple, le sénateur américain Marco Rubio déclare : « La NBA jette le DG des Houston Rockets aux lions pour faire plaisir au gouvernement communiste chinois. C'est dégoûtant. Ils permettent à la Chine de punir un citoyen américain pour sa liberté d'expression afin de protéger les parts de marché de la NBA en Chine ».
 
Les répercussions
 
En fin de compte, les Lakers et les Nets ont joué le match de pré-saison en Chine, bien que les interviews d'après-match avec les joueurs et les entraîneurs aient été limitées. Cependant, depuis lors, les dirigeants politiques et les défenseurs des droits de l'homme ont pris la parole aux États-Unis. Des manifestants ont été présents pendant plusieurs matchs. Les audiences télévisées de la NBA ont baissé de 15 % en fin d’année 2019. De nombreuses raisons sont invoquées, notamment les blessures de joueurs stars et les problèmes de programmation. Mais il ne fait aucun doute que la controverse de Hong Kong ait contribué à cette baisse.
 
En essayant de prétendre défendre des valeurs qu’elle n’applique pas sur le terrain, la NBA est considérée depuis comme hypocrite par une grande partie de l’opinion publique.
 

Omar Bellouti